Réouverture du Sekai [Libre]

Un nouveau bar venait donc d'ouvrir ses portes à Ōta, ce qui d'habitude ne ferait même pas hausser d'un sourcil l'héroïne sans Alter. Mais la particularité de ce bar, c'était bien qu'il était tenu par un héros, ou au moins un membre du personnel de Jūshō, vu que, selon ses informations, l'homme y faisait quelques allers-retours. Ce bar pouvait donc être une bonne source d'information pour une héroïne comme elle. Il faudrait juste se faire discrète, pour ne pas attirer l'attention, ni embarrasser le nouveau barman. Compliqué avec son franc-parler mais elle devrait faire de son mieux. C'est donc au milieu de l'après-midi, qu'elle décida de partir de sa grotte pour s'y rendre.

Comme il s'agissait d'un bar se trouvant au sud de Tokyo, il fallait prendre le train pour y aller, l'héroïne n'ayant jamais pris le temps de passer son permis de conduire. Il faut dire qu'avec toutes les interventions et son emploi du temps chargé, c'était compliqué. Enfin, ça ne l'avait jamais empêché de bidouiller quelques voitures dans son coin et savoir à peu près comment marcher.

Le Sekai hein ? Un nom un peu pourri, selon Hikaru. Elle avait d'autres idées en tête, comme Devil's Nest, par exemple. Mais bon, ce n'était pas son affaire et si le propriétaire avait des goûts de chiottes, c'était son problème. Au moins en y entrant, Logicielle constata avec satisfaction que l'ambiance était au rendez-vous. La salle était plutôt grande, avec suffisamment de tables pour y accueillir une trentaine de personnes, les lumières étaient agréables et n'agressaient pas la rétine. Visiblement, il y avait deux personnes, une plutôt quelconque et un jeune homme d'environ vingt ans avec des courts cheveux blancs. Plutôt particulier le gars.

« Un strawberry sundae, s'il vous plaît. »

Elle n'était pas très alcool, il faut dire. Car bon, se mettre en coma éthylique alors qu'un Vilain pouvait apparaître de n'importe où, ce n'était pas incroyable. Et puis ça lui permettait de jauger la réaction des employés face à une demande de ce genre.

« En tout cas c'est particulier d'ouvrir un bar ici, surtout avec la fermeture de l’aéroport international. Vous êtes sûrs de pouvoir avoir assez de clients ? »

 

Tiens, un bar ouvre ses portes ici, je ne savais pas qu'il y en avait un auparavant puisqu'il s'agit apparemment d'une réouverture. Mais bon, autant profiter, aujourd'hui c'est mon jour de repos. C'est donc vêtue d'une robe d'été blanche, attachée au niveau du ventre avec une ceinture noire assez épaisse. Mes cheveux ondulent légèrement, détachés et virevoltants au vent. J'ai agrémenté ma tenue avec un petit sac à main blanc et des escarpins blancs. Je m'avance jusqu'aux portes de ce bâtiment sans expressions qui puissent montrer un quelconque sentiment de joie ou quoi que se soit d'autre, je ne m'attend à rien de bien intéressant.

« Alors ... »

Mon Zeus Rod se balance légèrement contre ma cuisse, je le tiens accroché à ma cuisse droite dans des petits fourreaux en cuir qui maintiennent les trois bâtons en place. Une fois à l'intérieur je salue rapidement toutes les personnes présentes d'un hochement de tête, enfin toutes les personnes ... le patron de l'établissement, son employé, et une jeune femme. Je m'approche, confiante, du bar et m'y assois en regardant le patron barman dans les yeux.

« Bonjour, je souhaiterais un Sex on the beach. »

Je croise les jambes en déposant mon sac à main sur les genoux avant de lever la tête vers la demoiselle que j'écoute, et je ne peux qu’acquiescer ce qu'elle dit, dû au fait que le pays soit fermé, sa clientèle doit être extrêmement réduite. Je me permet donc de rajouter quelque chose.

« Excusez moi de mon intrusion dans votre discussion, mais je plussoie ce que mademoiselle vous dit, également, comment se passe l'arrivée des produits jusque chez vous ? Tout est produit dans le pays ? »

Le barman nous sert nos cocktails alors qu'une troisième personne se joint à nous. Sa tête ne m'inspire pas confiance mais je ne veux pas juger une personne si rapidement, je décide donc de l'ignorer pour me concentrer sur ce que l'autre barman, l'homme aux cheveux blancs nous demande.

« Je m'appelle Yui Narukami, professeure de captivité de l'académie de Yuei. »

Je jette un rapide coup d'oeil derrière moi en souriant. Même si de l'extérieur je n'étais pas attirée par cet endroit, je dois bien dire que l'ambiance y paraît plutôt conviviale et qu'il y a de quoi faire de bonnes soirées ou de nouvelles rencontres au moins. Je me tourne de nouveau vers les deux barmans.

« Vous travaillez dans ce milieu depuis combien de temps dites-moi ? »

Dis-je en sirotant mon sex on the beach, confortablement installée dans mon siège haut, les jambes croisées et une mèche retombant légèrement sur le coin de mon visage que je remet convenablement derrière mon oreille en affichant un léger sourire. Je lance un petit regard de côté, très rapide, vers la nouvelle venue, sa tête ne me dit rien, alors que la première arrivée ne m'est pas inconnue. D'un an mon aînée, elle a fait ses études avec moi, a fait son stage chez la numéro 4 et est connue pour ses créations. Alors qu'elle, la nouvelle, elle ne me dit rien.

La nouvelle arrivante lui disait vaguement quelque chose. Mais elle n'arrivait pas à mettre un nom sur ce visage, qui pouvait être assez embarrassant, si elles se connaissaient effectivement. Mais pour l’heure, elle écoutait les explications de l'employé qui semblaient... convaincantes. De toutes façons, elle n'allait pas s'amuser à faire une perquisition sans aucun doute un minimum tangible. Ceci dit, vu l'attitude de l'homme aux cheveux blancs, c'était lui le patron de l'endroit. Un peu jeune, il avait d'être à peine majeur. Bah, tant que le service était bien fait.

« Nanahara Hikaru, Héroïque Professionnelle. »

Narukami Yui donc. Ah, ça lui revenait ! C'était celle qui se faisait passer par-dessus tout l'école, lors de sa première année à Yuei. Il lui semblait aussi qu'il y avait quelques bails avec son père, mais à l'époque elle ne s'intéressait pas trop à ce genre de choses. Elle était désormais professeure à Yuei ? Bordel, leurs standars étaient vraiment tombés bas, depuis la Trahison, il fallait croire.

« Salut, Yoko-Chan, tu vas bien depuis la dernière fois ? »

Saluant de manière assez familière la nouvelle arrivante, Hikaru constata qu'au moins, la réouverture semblait bien marcher. Tant mieux. Et le fait d'avoir une personne qu'elle appréciait un minimum ici rendait la chose plus agréable, quand une nouvelle personne encore une femme, fit son apparition. Style un peu sauvage, peu de manières et portée sur la bouteille. Et avec un regard qui ne se voulait pas forcément amical si l'on y regardait de plus près. Hé bah, ça promettait. Enfin, elle n'avait pas l'air si méchante que ça.

« Mettez sa commande pour moi, patron. »

Elle pouvait bien se montrer sympathique de temps en temps, pas vrai ? Et puis, ce n'était pas une choppe ou deux d'alcools en plus qui allaient la mettre dans la misère financièrement parlant.

« Ravie de faire ta connaissance Hiji. »

Récupérant sa commande, la jeune femme commença à manger tranquillement, tout en observant les personnes présentes. Hum, vu la belle brochette d’individus présents, il y avait moyen que ça explose. Hum... Bah, elle pouvait bien s'amuser un peu, pas vrai ?

« Comment t'as fait pour te faire recruter du coup Yui ? S'ils étaient autant en galère de prof pour te recruter, j'aurais tenté ma chance. Même Sans-Alter, je suis sûre que j'aurais été prise vu mes résultats à l'époque du lycée. Enfin, Daiki c'est pas mal non plus. »

Si elle était aussi sanguine qu'avant, il y avait moyen de s'amuser un peu. Et puis, balancer comme ça qu'elle était une Héroïne Professionnelle alors qu'elle n'avait pas d'Alter lui permettrait de voir un peu les réactions des personnes autours et de se faire une bonne idée de leur personnalité. D'une pierre deux coups.

« Et vous, vous bossez dans quoi ? »

 

Il semblerait que le soleil se soit levée depuis bien longtemps lorsque la brune émit un gémissement de douleur, ses paupières s’ouvrant lourdement. Elle papillonna des yeux quelques secondes avant de poser sa main sur ceux-ci, la lumière étant trop violente pour le mal de crâne qu’elle sentait monter. Comme d’habitude, elle avait dormi sur le sol, ratant sans doute son canapé en rentrant. Depuis combien de temps n’avait-elle pas dormi dans un vrai lit ? Six ans ? Sept ? Si pour aller dans la salle de bain, elle n’était pas obligée de rentrer dans cette foutue chambre, elle n’y aurait sans doute plus mis les pieds.

Après tout, c’était sa chambre. Leur chambre. Celle qu’elle avait décorée avec Keisuke. Celle où ils avaient passé leur nuit de noce et toutes celles qui suivirent. D’un côté, n’était-ce pas glauque de faire de cette pièce un semblant d’autel funèbre à son amour perdu ? Sans doute. Mais Kohaku ne savait pas trop comment gérer autrement. Alors elle buvait jusqu’à oublier son nom, jusqu’à oublier sa douleur, sombrant dans une joie factice fournie par l’alcool. Et il semblerait que la veille, elle n’ait pas échappé à ses trous noirs. Haku était incapable de se rappeler comment elle avait retrouvé le chemin de chez elle… Poussant un long soupire, elle se redressa, passant une main dans sa crinière courte. Son mari les avait aimés long, mais elle ne se supportait pu ainsi. Alors qu’elle tentait de se mettre debout, elle poussa un gémissement de douleur, son crâne la lançant bien plus que prévu. D’accord. Mauvais bail. Elle pourrait prendre des cachets, comme tout le monde, mais elle connaissait un bien meilleur moyen de soulager sa douleur – et la solitude qu’elle ressentirait en restant dans cet appartement, seule.

C’est donc plein de bonne volonté qu’elle traversa sa chambre, plongée dans le noir pour lui éviter de croiser les photos de son mariage, des vacances avec son époux ou encore, de la photo du jour de l’obtention de leurs diplômes, peu de temps avant qu’il ne lui fasse sa demande. Elle avait besoin d’eau. La jeune femme le senti à sa peau qui tirait, proche de se craqueler. L’alcool c’était bien, mais cela la déshydratait à une vitesse folle… Quand bien même le Japon était connu pour avoir un air humide, la presque trentenaire consommait trop d’alcool pour que la balance penche dans le bon sens.

Lorsque l’eau ruissela sur son corps, la jeune femme sourit. Certes, son alter était aquatique, mais cela ne l’empêchait pas d’aimer cet élément bien plus que parce qu’elle le côtoyait depuis toujours. À chaque douche, elle laissait ses larmes couler, sa douleur s’exprimer et être emportée par l’eau. Haku se purifiait à sa manière de la douleur qui étreignait son cœur depuis si longtemps, faisant peau neuve pour affronter une nouvelle journée. Et rechargeant ses batteries.



ENFIN. Ce fut la réaction qu’eu la brunette lorsqu’elle avait vu la date de réouverture de son bar favori. Elle allait enfin pouvoir se rincer l’œil sur le cul du patron et boire. Qui dit mieux ? Du coup, elle ne réfléchit pas vraiment à la destination où elle irait prendre son médicament. Là où elle allait ses derniers temps, l’alcool lui semblait dégeu et lui donnait mal à la tête. D’où ses lunettes de soleil sur le nez, pour ne pas finir aveugler par les rayons lacérant du soleil. Elle savait que chez Makoto, elle ne risquait pas cela. Et même si elle ne l’avouerait pas vraiment, l’ambiance là-bas avait quelque chose d’inoubliable, qui faisait que si elle commençait par afficher une joie factice, celle-ci finissait toujours par devenir réelle. Même si ce n’était que pour quelques heures, elle se sentait revivre, libérée de ce carcan qui l’enfermait, l’empêchant de trouver la force d’entamer réellement son deuil.

Il lui fallut environ une demi-heure avant de voir au loin apparaître la devanture de cet endroit où elle avait passé plus de temps que chez elle. Lorsqu’elle entra, elle fut contente d’avoir – pour une fois – fait un effort vestimentaire. Entre son pull jaune-orangé, son pantalon en cuir, ses talons et ses lunettes de soleil, elle avait tout d’une pseudo-diva pimbêche. Haku attendit que la porte se ferme derrière elle, avait de retirer son fardeau visuel et parcourir la salle des yeux. Il y avait bien quelques visages vaguement connus. Notamment pour cette fille-là… Elle l’avait croisé au taff… Nama… Nara… Bref, son surnom lui reviendrait peut-être mieux. Lo… Logi… LOGITEC ! Ouais un truc du genre ! Non pas qu’elle la connaisse vraiment, mais elle l’avait déjà aperçu et peur être fait quelques réunions avec… Quoi que. Était-ce véritablement important ?

N’ayant pas, ou presque pas, de lien avec ses collègues, Kohaku faisait bande à part depuis la mort de Keisuke – Anubis de son pseudo héroïque – et elle refusait d’avoir de partenaire, sauf cas exceptionnel. Outre le fait que cela impliquait de donner sa confiance aveugle en un partenaire, cela était aussi un risque de le voir mourir tout en était impuissante et elle n’était psychologiquement pas prête à revivre ça. Elle ne le serait sans doute jamais.

D’un rapide coup d’œil, elle vit une place libre au bar, assez isolée. Elle s’y dirigea sans adresser de signe à personne, ignorant même le monde présent. Le serveur ne semblait pas avoir changé, elle esquissa un sourire discret en hochant la tête pour le saluer, avant de s’installer, jambes croisées et accoudée au bar, ayant une vision complète du lieu.  Finalement elle tourna son regard émeraude vers cette nouvelle tête – ce qui la perturba quelques secondes - et lui offrit son plus beau sourire.

-Enchantée de voir un nouveau bel homme ici. Est-ce que Makoto est là ? Et si vous pouviez me servir une Grey Goose, vous seriez un amour. D’ailleurs, comment dois-je vous appeler ?