2023
Née dans une famille aimante, Haku est plongée dans le monde des héros depuis toujours. Son père et son grand-père avant elle étaient des héros, ce fut tout naturellement qu’elle voulut suivre la même voie. Néanmoins, les choses ne furent pas simples pour elle : son père, un peu vieux jeu, lui reprochait de ne pas être née garçon, mais femme. Qu’elle ne pourrait jamais devenir un véritable héros.

Les choses empirèrent lorsque son alter fut déclaré : hydrokinésie. Le même que sa mère. Néanmoins, son grand-père fut celui qui l’aida, qui agit comme un père pour elle. Il en voulait à son fils d’être un tel idiot. Dès lors, l’enfant fit de son mieux, s’entraînant avec sa mère et son grand-père, non sans une certaine peine ne la soutienne pas. Elle comprit assez tard qu’il l’aimait, et que plus que par son sexe, c’est par inquiétude qu’il agissait ainsi. Ce n’était pas un mauvais bougre, mais un bougre d’idiot. Dans une telle société, personne ne peut véritablement être en sécurité et à l’abri. Les alter, les humains, la nature… Il y avait mille et une façons de finir blesser ou pire, que ce n’est pas en empêchant une enfant de vivre qu’on la protège du monde.

2038
Kohaku entre à Shiketsu et peut commencer son apprentissage héroïque. C’est aussi là-bas qu’elle rencontra Tomoya Keisuke, celui qui allait devenir son époux par la suite. Lors de ses études, Haku faisait toujours de son mieux pour être dans le haut du panier. Jamais première mais jamais dernière. Toujours quatrième. En soit, ce n’était pas si mal. Si elle avait plus souvent fait ses devoirs et été plus attentive, elle aurait sans doute eu de meilleurs résultats.

Ses études se passent bien dans l’ensemble, à part quelques accrochages avec certaines personnes qui lui sortent par les yeux. Sur le terrain, elle se débrouille bien mieux qu’en classe, sans doute dû à l’entrainement reçu par son grand-père. De plus, certains protocoles ont changé entre-temps, mais rien qui ne lui porta préjudice durant sa scolarité. Quant à Keisuke… Il est l’aîné d’Haku de deux ans. En terminale quand elle entra au lycée, il la repéra tout de suite et inversement. Une certaine attraction entre eux qui ne passa pas inaperçu. Tant par la compatibilité de leurs alters que de leur façon d’être. Il avait un don pour la calmer, pour l’obliger à se concentrer. Pour qu’elle ne dérape pas. Hors de l’école, ils n’étaient que deux ados, amoureux et heureux de pouvoir croiser le regard de l’autre de loin.

2043 :
Le voilà enfin ! Le plus beau jour de sa vie. Celui où elle épousa Keisuke, après qu’il lui eut demandé mainte fois. Peu certaine au début, elle refusait, jusqu’au jour où elle sentie dans ses tripes qu’il était temps de lui dire oui.

La cérémonie fut comme un rêve, pleine d’amour, de rire et de bonheur. Un peu cliché, mais où est le problème si cela convient à tous ? Le moment qui a marqué le plus Haku fut son arrivée à l’autel, au bras de son grand-père, et le regard de Keisuke lorsqu’il la vit. Elle avait eu l’impression de mourir tout du long. Ce ne fut que lorsque les lèvres de son époux rencontrèrent les siennes qu’elle respira à nouveau correctement. Elle venait de renaître. Avec lui, pour lui.

Les deux années qui suivirent ne furent que bonheur. Bien sûr, avec quelques disputes, mais rien qui ne réussit à fêler cette harmonie dans le couple Tomoya.

2045 :

Solem. Le pilier, celui qui était une référence, presque un dieu vivant venait de faire une chose inattendue : il agit comme un humain. Pour la première – et dernière fois – cet être qui semblait si parfait, la personnification de la justice et de la sécurité, avait fui. Il avait tourné le dos aux convictions du monde. Un lâche. Un homme. Une victime. Haku fut déçue, comme tout un chacun, mais comme Keisuke, elle n’eut pas le loisir de se morfondre. Le monde semblait s’écrouler autour d’eux et en héros, ils avaient décidé ensemble de continuer. D’affronter le raz de marée qui suivit.

Et elle perdit son pilier. Keisuke, disparut lors d’une mission, alors qu’ils tentaient de calmer les choses. Son cadavre fut retrouvé quelques jours plus tard. Méconnaissable. Au début, ce fut le déni, le refus. Puis le silence de l’appartement fui fit comprendre que c’était fini. Il était parti. On lui avait retiré sa raison de vivre, son pilier. Qu’allait-elle devenir maintenant ?

Des mois durant, sa vie se résuma à des hurlements et des larmes. Elle semblait inconsolable alors que le monde sombrait autour d’elle. Qu’il crame. Elle n’en avait plus rien à faire. À quoi bon protéger un monde où son mari n’était plus là ? À quoi bon survivre sans lui ?

2046 :

Si l’héroïne disparut de sa vie pro, il en fut de même au sein de sa famille : tout le monde perdit le contact avec elle. Personne ne savait même si elle était encore en vie. Finalement, ce fut son grand-père qui arriva à l’improviste chez elle. Il avait réussi à persuader la mère de Kohaku de le laisser faire. Lui aussi avait perdu sa femme – de maladie – et se sentait le plus apte à convaincre sa descendante de se remettre. Quant au père de la jeune femme... Il semblait ignorer la situation de sa fille, mais dans le fond, il restait un père. Seul son égo lui interdisait de montrer la moindre réaction vis-à-vis de la douleur de son enfant.

Vint alors le jour où le grand-père fit irruption chez sa petite fille, l’air sérieux, dans sa tenue d’héro. Ce qu’il vit lui brisa le cœur : elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, empestait l’alcool et la sueur, vivant littéralement dans sa crasse. Plats moisis, ramen déshydraté qui ont pris vie… Dire que cette enfant, autrefois, était forte. Elle n’avait besoin de personne pour prouver ce dont elle était capable, et maintenant… Il sentit son cœur se serrer, en même temps que ses sourcils. Voilà qu’il reprenait l’expression qu’il avait lorsqu’il l’entraînait autrefois. Sans s’annoncer, sans prévenir, il se mit à l’attaquer. Pendant un temps, elle ne réagit pas. Elle avait tout d’une poupée désarticulée, au regard mort. Cependant, lorsqu’il se mit à insulter son mari, à la rabaisser, à l’humilier, elle tourne la tête vers lui et il la vit. Cette étincelle au fond de ses yeux. Cette braise qui survivait et ne demandait qu’à être ravivée.

Alors ce petit manège continua. Des jours durant. Jusqu’à ce que la jeune femme commence à répondre. À se défendre. À renvoyer les coups. Lentement mais sûrement, elle surmontait sa peine en se battant, se focalisant sur la vengeance qu’elle pourrait en tirer. Ainsi, elle revint sur le terrain, après plus d’un an de disparition. Haku avait changée. Elle était plus dure, moins joyeuse. Mais toujours prête à venir en aide à la veuve et l’orphelin.

Elle se promit de ne jamais retomber ainsi, ne jamais plus oublier ce pour quoi se battait son époux – et elle par la même occasion. Le chagrin était une chose qui ne la quitterait jamais, mais elle ne pouvait plus se permettre de sombrer ainsi et d’en oublier le plus important : le peuple avant soi.


2051 :

Finalement, Haku a trouvé un équilibre entre sa peine et sa vie : elle est devenue prof. Et même si elle n’est pas la prof préférée des élèves, sous ses airs un peu bourru et cassante, elle espère de tout cœur qu’ils puissent faire de grandes choses. Lorsqu’elle voit les couples qui se forment, son cœur se serre, car elle repense à l’époque où elle était elle-même élève, mais au fond… Elle est heureuse de voir que les enfants s’amusent. Elle qui n’a pu en avoir avec l’homme de sa vie, elle ressent un puissant instinct de protection envers ses élèves et sera prête à tout pour les sauver si cela devant arriver. Elle a trouvé un second souffle avec eux. Ils sont sa seconde famille.

Hors de son travail d’héroïne et de prof, elle ne fait pas grand-chose. Il y a bientôt six ans, elle est tombée un peu par hasard sur le bar d’un certain Tomeo et depuis, c’est devenu son adresse. Là où elle passe presque toutes ses soirées, pour ne pas se retrouver seule chez elle, avec sa peine. Chaque soir, elle boit, elle rit, fait des rencontres et fait un pas de plus dans son deuil. Ce n’est sans doute pas la meilleure thérapie, mais c’est la seule qui lui permet de faire face à la vie. Ça, et le beau cul du barman.