Après les cours [with Shina]

"C’est tout pour aujourd’hui. Je vous rappelle que nous aurons une évaluation la semaine prochaine. Ça portera sur les chapitres…"

Il y avait eu les habituels grognements des autres étudiants dans la salle de classe face à ce genre d'annonce, puis seulement le frottement des stylos sur les feuilles pour prendre en note les chapitres concernés. Les évaluations de décembre allaient toutes bientôt tomber de toute façon, il fallait se faire à l'idée.

Morale de l’héroïsme, le début du cursus à Yuei comportait surtout des notions théoriques avant de passer de plus en plus vers les notions pratiques. Ça convenait parfaitement à Ryotaro de rester dans une salle de classe à cette période de l'année, surtout avec les températures en baisse et le ciel gris sur la cité tokyoïte. Le lycéen préférait la chaleur moite de l'intérieur à l’attaque insidieuse du vent de la cour du lycée, est-ce que c’était à cause de son Alter ou simplement par préférence ? Il ne saurait le dire. Il pensait au réconfort que pourrait lui apporter un thé ou une soupe brulante.

Tournant son regard vers le tableau noir, le garçon d’Osaka constata que le professeur était en train de se préparer à quitter la salle. Dans un même mouvement que ses camarades il se leva pour saluer l’enseignant. Il se rassit ensuite à sa place, ne prêtant que peu attentions aux petits groupes habituels se formant dans la pièce en même temps. Ryo prit à son tour note des chapitres et sortit son emploi du temps. Ils avaient deux heures d’études en suivant, ce serait l’occasion de commencer ces révisions nécessaires.

Bien qu’il préfère pour son confort les cours théoriques, le jeune apprenti héros ne pouvait que constater que l’année qu’il venait de vivre, entre un boulot à mi-temps de plus en plus chronophage et le suivit des cours quasiment en distanciel, lui avait permis d’avoir les bases nécessaires pour passer en année supérieure, mais que ces bases étaient fragiles. Il s'en rendait compte et souhaitait donc, pour la première fois, redoubler d’efforts pour rattraper ce retard et consolider les fondations de son savoir, maintenant qu’il avait quitté Osaka pour la capitale, pour Yuei.

Comme père…

L’image fugace d’un homme plus âgé, lui ressemblant, avec une barbe rousse irisée de lumière lui traversa l’esprit. L’étudiant souffla en laissant ses épaules s’affaisser, une fine fumée noire sortit de sa bouche, il la balaya d’un revers de la main comme pour balayer l’image de son père souriant qui restait dans sa tête. Maintenant qu’il allait dans la même direction que lui, il se devait d’avancer et ne plus regarder derrière lui.

C'était pourtant un sentiment étrange, qu'il avait encore du mal à appréhender. Yuei était à l'époque le graal pour tous les jeunes souhaitant devenir des héros, le père Morisaki en faisait partie. Il avait arpenté ces couloirs que Ryo arpentait aujourd'hui. Il s'était assis sur ces chaises dures comme le faisait maintenant son fils. Celui-ci se surprenait parfois à chercher des traces de sa lignée, dans les coupes entassées des vitrines de trophées, dans les archives de la bibliothèque qui se faisait un devoir de garder une trace de tous les héros qui étaient passés par cette académie.

Se redressant de toute sa hauteur, Ryotaro récolta la suie accumulée sur son pupitre pour aller la mettre à la poubelle. C’était encore trop tôt pour la garder et la répandre sur la terre, le sol devait se reposer, avant de reprendre des forces en cherchant des nutriments pour annoncer le printemps.

C’est en se levant qu’il sortit de sa bulle habituelle, se rendant compte que beaucoup de ses camarades avaient quitté les lieux. Le petit volcan ne prêta dans un premier temps pas trop attention aux autres trainards comme lui, bien qu’il commençât à sentir l’ambiance changer, le ton se durcir. Dans le doute, il tendit l’oreille.

Sa première impression ne l’avait pas trompé. Restant un peu plus longtemps à sa place, les sens en éveil, il écouta les échanges en rangeant ses affaires, se laissant le temps de savoir ce qu’il était le mieux de faire.

Comme ça arrivait parfois, les échauffourées tournaient autour de Shina. Toujours plus facile de cibler le vilain petit canard, rabaisser en espérant que faire ça permettait de se faire une marche supplémentaire vers le sommet, vers la popularité. Ryotaro était dégouté.

Néanmoins, il semblait que l’étudiante à l’Alter d’Ombre avait du répondant. Le garçon n’avait pas vraiment à s’en mêler, personne ne lui avait cherché grief depuis son arrivée, on le laissait faire sa vie. Il surprenait parfois des regards dans sa direction, gênant mais normal quand on connaissait le danger que son Alter pouvait représenter. Personne ne voulait vraiment réveiller un volcan, surtout que le lycéen, avec son visage sans expression et dépassant les autres pouvait être intimidant.

Il s’apprêtait à quitter la salle, laissant là les belligérants à leur querelle adolescente. En levant la tête, il l’aperçut, forcément, il se stoppa net. Un jour, il devrait essayer de trouver quelqu’un avec un Alter permettant de voir les morts, savoir si l’esprit de son père le suivait, plus présent dans ce lieu rempli de souvenir, ou si le défunt était seulement dans sa tête.

Il souriait, faisant briller ses yeux et indiquant d’un mouvement de tête le groupe derrière Ryotaro. Trois en plus tôt, le garçon n’aurait pas laissé faire ça, fonçant dans le tas si besoin pour dissiper la dispute, quitte à en faire trop et à se retrouver pris entre deux feux. Le temps passe vite et à cet âge, la personnalité peut changer aussi rapidement.

Tu ne vas pas me laisser partir.

Le lycéen l’aurait sur la conscience il le savait, la dernière phrase qu’il entedit aurait été tel un poignard si on lui avait adressé. Tous ceux qui avaient été pris ici, l'étaient pour une raison. Parfois, il avait quand même bien des doutes sur certains. Ces doutes aujourd’hui, ils n’étaient clairement pas sur Shina.

Il souffla une nouvelle fois, laissant la suie se répandre au sol. Soit, il irait aider, même si elle n’en avait pas besoin, même si elle lui en voulait ensuite d’être intervenu dans quelque chose qu’elle gérait bien toute seule.

C’était toujours bon de savoir qu’on pouvait compter sur quelqu’un, ça pouvait être utile à un moment ou à un autre.

Le lycéen posa son sac sur son bureau, s’approchant assez silencieusement du groupe, dans le dos de l’étudiante seule face au groupe. Quelques regards interrogateurs se tournèrent vers lui. Il n’aimait pas cette sensation. Il prit une demie seconde pour retrouver une contenance. Plus personne ne pouvait faire comme s’il n’était pas à côté. Il se gratta l’arrière du crâne, un peu penaud d’être dans cette situation.

"Je… J’suis pas sûr d’avoir tout saisi sur le chapitre 3… Quelqu’un l’a pris en notes ? Shina ?"

Il marmonna ça plus qu’il ne le dit à voix haute. S’il avait pu envoyer un message par la pensée ça aurait été dans le but de calmer tout ce petit monde dont les esprits s’échauffaient et plus particulièrement pour Shina un message un peu différent, c’est sa porte de sortie, saisie la poignée, on s’en va en désamorçant la situation. Ça n’en vaut pas la peine.

Elle avait saisi la corde de secours à la volée. La vague excuse du garçon avait fonctionné pour faire descendre la pression rapidement. Après tout, il ne cherchait jamais la dispute, se faisait le plus petit possible malgré sa grande taille. Néanmoins, tous savaient le danger que le futur héros pouvait représenter un jour s’il perdait le contrôle de son Alter ou, au contraire, s’il le contrôlait suffisamment pour s’opposer à quelqu’un. Ryotaro n’avait pas choisi cette situation, mais il devait avouer que ça lui permettait d’éloigner suffisamment les gens.

La bibliothèque, c’était une bonne idée après tout, il appréciait le silence des lieux, mais parfois les chuchotements de certains pouvaient être assourdissants à mesure que les échanges se faisaient plus vifs. C’était ça la vie dans un lycée après tout, même le plus élitiste possible, les jeunes restent des jeunes, et ils peuvent être cruels.

"Bah… ça peut pas être pire que si j’essayais de piger seul. Donc… Oui."

Il eut ce sourire gêné qu’ont les gens qui ne savent pas à qui ils doivent s’excuser de leurs comportements, quand bien même il n’y a rien à se faire excuser. Shina fit preuve de maitrise, ne laissant pas cette étincelle embraser la flaque d’essence.

Elle se fraya rapidement un chemin dans la masse, remerciant au passage Ryotaro qui conserva son visage un peu confus. Tant mieux s’il avait pu aider après tout. Il haussa les épaules et se retourna pour emboiter le pas de la manipulatrice d’Ombres. Il saisit ensuite son sac et se dirigea vers la porte pour quitter les lieux. Situation désamorcée.

Les couloirs étaient relativement vides, les étudiants qui avaient cours étaient déjà tous dans leurs salles de classe, seuls quelques retardataires courraient à toute berzingue dans les couloirs, certains se servant de leurs Alter pour aller plus vite, traverser les murs ou monter dans les étages par la façade. C’était aussi ça la vie dans un lycée héroïque.

"Ça va ?"

La future héroïne avait eu l’air assez sûre d’elle pour que Ryotaro lui emboite le pas, le plus naturel était donc de continuer et de rejoindre la bibliothèque. Il verrait bien sur le moment si les notes de l’étudiante lui permettraient de se rattraper aux branches en plus de sa prise de note à lui.

Ils passèrent devant un distributeur. Le garçon, qui semblait encore pouvoir grandir, ralentit le pas. Il mit la main dans sa poche pour chercher un peu de monnaie. Une boisson chaude lui ferait le plus grand bien et il pourrait s’en servir comme excuse pour ne pas avoir à trop parler durant le reste du trajet jusqu’à la bibliothèque. Deux pièces.

"Tu veux quelque chose ?"

Il allait mettre la pièce pour sa commande dans la machine, mais il resta en suspens, la pièce au bord de la fente. Sa mère lui avait appris à être poli et à demander aux autres avant de se servir.

Elle semblait un peu fatiguée de la situation dans laquelle elle évoluait. Ryotaro fixa un petit moment la vitre qui protégeait les quelques sucreries et autres grignotages. Son cas n’était pas facile, mais est-ce qu’on pouvait vraiment la blâmer pour les actes d’autres personnes ? D’après ce qu’il savait, à part cette part sombre et cette colère contenue, Shina était plutôt une élève qui traçait sa route sans regarder en arrière. On ne choisit pas d’où l’on vient, mais on peut faire en sorte de changer la destination.

Ryotaro n’était pas vraiment quelqu’un qui pensait que tout un chacun avait un destin déjà tracé à la naissance, cela aurait été bien trop cruel d’écrire déjà la fin de l’histoire, la fin de son père dès ses premiers balbutiements.

"T’en fais pas, ok pour demain."

Il poussa la pièce dans la fente, il appuya rapidement sur les touches pour commander deux thés avec du lait et du sucre. Elle souriait un peu gêné, mais sembla accepter la boisson avec plaisir. L’étudiante semblait s’interroger sur le bien-fondé de l’aide que lui avait apportée le garçon d’Osaka. Il souffla un peu sur sa boisson pour se donner aussi une petite seconde de réflexion.

"Hum… Un peu des deux, un peu d’aide ne serait pas de refus et j’ai jamais trop aimé ce genre de gars…"

Il prit une petite gorgée juste pour goûter, bon il ne s’attendait pas à un grand moment d’extase, la boisson avait au moins le mérite d’être chaude, douce et réconfortante dans ce couloir maintenant quasiment vide, mais on était jamais à l’abri de voir débouler la directrice au détour d’un couloir.

"Pour moi ?"

Qu’est-ce que c’est que l’héroïsme ? Il se posait souvent cette question, sa flamme ayant quasiment disparu pendant quelque temps alors que plus jeune il aurait répondu qu’être un héros, c’est être assez fort pour que sa seule présence ne donne pas envie aux personnes mal intentionnées d’agir. Aujourd’hui, il se demandait si cette vision était toujours juste. Est-ce que, comme Solem, il fallait se faire voir pour assurer la sérénité au risque de se brûler les ailes ? Ou bien…

"Je dirais que c’est d’avoir la détermination pour faire le bien, qu’importe la situation, qu’importe l’éclairage et le battage médiatique."

Son père en avait fait preuve dans les derniers instants, déjà avant il s’en fichait de la lumière, ce qui l’intéressait c’était la sécurité des autres. Oui, être un héros c’est être le rempart contre le mal même si ça veut dire devoir se mettre à dos certaines personnes ou être inconnu de tous, pour le bien commun.

Il prit une autre gorgée, pensif, alors que le liquide coulait dans sa gorge. Il eut aussi un sourire poli. C’est vrai que leur enseignant était assez excentrique, mais ils avaient eu peu d’évaluations jusque-là, on avait dû lui demander de faire quelque chose.

"Et pour toi ? C’est quoi ton but après ?"

Le après parlant bien sûr d’après les études, ils savaient déjà que, sauf changement majeur, ils se retrouveraient tous les deux à travailler pour l’agence d’Yuei. Est-ce que d’ici là les deux étudiants de première année auraient réussi à sortir de la carapace qui s'était formée autour d’eux.

Elle fronça un peu les sourcils après la phrase du futur héros avant d’afficher un sourire léger. On dirait que la réponse de Ryotaro ne la convainquait pas complètement, ou du moins qu’elle n’était pas suffisante.

L’important pour le garçon qui pesait chaque mot, c’était de pouvoir mettre en quelques mots, en quelques phrases le cœur de ce qu’il pensait. Quitte à paraître taciturne et à ne pas avoir poussé sa réflexion, tant pis, lui savait toute la logique qu’il y avait derrière ses paroles. Elles lui suffisaient.

Face à lui, Shina sembla afficher un autre visage, prenant une profonde respiration et se remettant plus droite, la boisson chaude dans les mains. Une posture digne d’une présentation à faire en classe. Ryotaro commença à resserrer la prise sur son gobelet chaud, sentant la chaleur réconfortante et l’odeur du thé lui remonter dans les narines. Il prit une gorgée alors que sa camarade se lançait dans une longue tirade, laissant le temps à au garçon de réfléchir à ses mots.

Ce que représente l'héroïsme, hein ?

Finalement les premiers mots se rapprochaient des siens, développant bien plus ce qu’il avait dit implicitement. Il s’accordait sur le sens du sacrifice. L’image qu’il se faisait des derniers instants de son père allait dans ce sens.

Il déglutit, cachant son émotion mêlant tristesse et colère froide en prenant une gorgée. Des mots. Voilà ce qu’ils allaient devoir rendre pour ce devoir, de simples mots. La majorité d’entre eux sortiraient de ces trois années avec une licence, mais combien seront de vrais héros ?

Et l’espoir, c’était peut-être ce qu’il manquait encore à Ryo ou plutôt ce qu’il n’avait plus. Là encore c’était ce visage souriant, auréolé de lave qui lui venait en tête. Son père avait été son phare, il était et reste son héros numéro 1, au-dessus de tous. Mais il n’était plus là il avait tout donné dans ce que Shina disait avec des mots. La théorie était bonne, mais le garçon d’Osaka doutait franchement que tous iraient au bout, en faisant le sacrifice ultime pour autrui.

S’il ne s’était pas autant refermé sur lui-même, il aurait sans doute vu que Shina avait changé depuis la rentrée, grâce au soutien d’autres personnes. Elle avait trouvé la lumière alors que Ryo continuait de la chercher dans le noir, avançant à tâtons sur la même voie, avec pour seul support un souvenir qui deviendrait de plus en plus flou de l’homme qu’il admirait.

Il regardait dans le vide, les yeux rivés sur la fenêtre donnant sur la cour, portant mécaniquement le gobelet à ses lèvres. Le lycéen se rendit compte qu’il y avait un léger silence, il profita de la fin de la déclaration de sa camarade pour se redonner une contenance. Il réussit même à faire apparaître un demi-sourire sur son visage, envoyant son gobelet vide dans la poubelle attenante.

"Tu aurais dû noter ça pour l’évaluation en effet."

Il saisit son sac par l’anse, le basculant nonchalamment sur son épaule, attendant que Shina termine sa boisson pour lui proposer d’aller à la bibliothèque.

"On y va ?"

Shina termina également sa boisson avant de faire suivre à son gobelet le même chemin que celui de Ryo. Elle lui adressa un sourire en l'encourageant à se mettre en route avec une subtile tape sur l’épaule. L’étudiant souffla un peu du nez en souriant, clignant longuement des yeux. C’était assez agréable d’avoir un contact bienveillant et non pas apeuré par la possible combustion que le jeune volcan pouvait déclencher.

Ils commencèrent à avancer tranquillement dans le couloir, seuls des camarades de classe ou bien des enseignants pourraient les croiser, tous les cours avaient maintenant repris. Ils pouvaient entendre le bruit de leurs semelles résonner sur le carrelage impeccablement nettoyé. Les talons de l’étudiante marquant le rythme de leur marche commune, avec cet artifice elle arrivait presque à tenir tête au grand étudiant.

Du coin de l'œil, et comme souvent quand elle s'apprêtait à parler, elle avait un léger sourire sur le visage, loin de la mine qu’elle pouvait afficher en avril. La remarque fit un peu rougir Ryotaro qui ne s’y attendait pas. Il essayait au mieux d’être discret dans la classe et de cacher ses résultats, néanmoins parfois les notes fuitaient et, dans les bons jours, le garçon réussissait à se hisser vers le haut et les meilleures notes.

“Oh… Je suis pas sûr, mais merci…”

Un silence, quelques pas supplémentaires.

“Je pense que toi aussi, même si tu ne le montres pas trop hein ?”

Sur ce point ils se ressemblaient, c’est peut-être pour ça que Ryo l’avait remarqué et inversement. Ils usaient de stratagèmes similaires pour ne pas se faire remarquer en cours. Lui, le silencieux, et elle, la solitaire.

Le garçon fixait l’angle du couloir qu’ils approchaient. Le panneau indiquait que la bibliothèque était proche. Il marqua un arrêt à la dernière déclaration de sa camarade.

“Oh… Je…”

Il n’avait pas vraiment les mots, un peu décontenancé, par réflexe il commença à se gratter l’arrière de la tête, détournant un peu le regard vers le plafond qui devenait soudainement très intéressant pour lui.

“Je sais pas… On verra bien… “

La transition était toute trouvée, la main sur la poignée de la porte. Il fallait quand même répondre, par politesse, par soutien, mais surtout, pour l’espoir que l’étudiante plaçait en lui. Il sourit franchement, l’étincelle d’un passé candide à vouloir être le meilleur des héros qui rendrait fier un père.

“Essayons tous les deux de devenir des légendes alors…”

Il ouvrit la porte vers la studieuse bibliothèque de l’institution héroïque.

Ils rentrèrent donc dans la salle silencieuse, seuls quelques murmures et le bruit des pages qui se tournent troublaient la quiétude du lieu entretenue par la bibliothécaire. Quelques étudiants présents, certains de la classe avaient eu la même idée qu’eux et se retrouvaient maintenant en train de parler à voix basse sur des tables entre les rayonnages.

Ryotaro aimait bien ce lieu, la lumière était douce et chaleureuse en dépit de la grisaille extérieure, l’odeur du papier le détendait également, comme la possibilité de pouvoir rester dans cette pièce de longues heures à lire sur des sujets divers et variés. ça lui permettait de se couper du monde et de disparaître aux yeux de celui-ci.

Le duo s’installa à une table, Ryotaro en profita pour sortir de son sac ses notes et le livre de cours que le professeur leur avait conseillé. Il en profiterait pour le reposer à la bibliothèque ensuite. Quitte à le réemprunter en suivant s’il ne se sentait pas encore assez sûr de lui. Il chaussa ses lunettes alors que Shina sortait également son carnet de note et commençait à résumer la situation, lui faisant plusieurs propositions.

“Hum… Je pense qu’il va s’attendre à une étude de cas, donc autant partir d’un exemple!”

Le garçon réfléchit rapidement, parcourant ces notes pour trouver des idées ou des indices distillés par le professeur durant les cours. Peut-être quelque chose avec une situation compliquée dans laquelle un héros devrait définir les priorités.

“Disons que tu as réussi à arrêter un Vilain, tu te retrouves avec des civils qui semblent belliqueux. Ils ont l’air d’en vouloir profondément à l’homme et risquent d’en venir aux mains. Comment tu gères la situation?”

Elle sembla commencer à murir une réflexion à ce sujet, avant d’embrayer sur un autre sujet. On aurait dit que ça lui tenait quand même à cœur de connaitre l’avis de Ryotaro sur elle. Il ne chercha pas à esquiver la question, s’il pouvait l’aider d’une quelconque façon à se sentir mieux. Curieux pour un garçon qui refusait qu’on l’aide de vouloir faire ça pour son prochain.

“Honnêtement… Hum, je ne sais pas si tu peux changer qui tu es… Enfin je veux dire, oui je sais ce qu’on dit de toi, ce que veut dire ton nom, mais… On s’en fiche de tout ça, ce n’est qu’un nom, ce n’est pas toi…”

Il avait du mal à trouver les mots, le garçon d’Osaka ne croyait pas en un concept aussi dirigiste que le destin, mais il pensait qu’il pouvait y avoir des impulsions faisant dévier les gens dans une direction ou une autre.

“... Je pense que tu n’as pas à changer, car tu as déjà cette volonté de faire bouger les choses pour que les aprioris disparaissent.”

Il commença à faire des ronds dans les airs avec son style, regardant les tranches des livres derrière Shina. Ils avaient choisis de se poser dans la section histoire, les ouvrages sur les différentes mythologies orientales et occidentales étaient là en nombre.

Pourquoi voulait-il être un héros? Forcément il pensa à son paternel dans un premier temps, quand il avait évoqué l'idée que, enfant, c’était pour être comme lui. Aujourd’hui, il devait aller plus loin que ça, plus loin que cet objectif un peu égoïste et cette image qu’il avait, de lui en acolyte d’Eruption.

“Je crois que je veux être un héros… Parce que les gens en ont besoin. Je ne peux pas juste me morfondre en laissant le potentiel qu’on m’a donné ne pas servir à aider la population.”

C’était un peu présomptueux, mais si depuis tout petit on lui avait fait comprendre le danger de son Alter, un homme n’avait eu de cesse de lui faire comprendre qu’il pouvait faire de ce risque une arme pour sauver les autres. Ryotaro se donnerait corps et âme pour ça.

Ryotaro aurait lui aussi donné ce type de réponse, il y avait bien des situations où les mots et la diplomatie étaient bien plus utiles et redoutables que les poings. Il souffla en hochant la tête à Shina, satisfait d’avoir aidé sa camarade en se rendant compte qu’elle maitrisait bien le sujet, ou du moins qu’elle allait dans le même sens que lui.

Généralement, ce genre de situation n’arrivait que rarement, les forces de l’ordre intervenant rapidement pour pouvoir endiguer la foule et les sentiments de colère pendant que les héros escortaient les criminels.

Il y eut un instant suite aux déclarations de Ryotaro pendant lequel une tension se fit sentir dans l’air. Le natif d’Osaka était un peu perdu, il ne savait pas dire si sa déclaration avait été bien prise ou non, étant un peu gauche et direct dans sa façon de parler.

Il se gratta l’arrière de la tête avant de remonter ses lunettes sur son nez puis de saisir un livre qui passait par là, histoire de pouvoir faire illusion. Finalement, il sentit l’atmosphère revenir à quelque chose de plus paisible et sortit les yeux de son livre sur la mythologie romaine à temps pour analyser la situation que Shina lui présentait.

Elle n’était pas évidente, mais après tout, ils étaient là pour réviser et ça lui permettrait d’avoir les conseils de sa camarade. Ryotaro commença à se creuser la tête, dessinant quelques cercles et formes dans un coin de sa feuille pour capter son attention.

Cette situation pouvait ressembler en certains points à celle qu’avait vécu son père dans les derniers instants.

Comment aurait-il fait ?

Le garçon repensait aux déclarations de la police, à ce qu’ils avaient dit sur son père et comment il était décédé. Il avait réussi à sauver tout le monde, en progressant plus vite que l’incendie mais en commençant d’abord par les personnes les plus rapide à secourir car, sans une évaluation complète de la situation, il ne savait pas dans quel pétrin il se mettait.

Suivant cette piste, le garçon fit le choix de la raison, plutôt que du cœur. Même si ça signifiait un sacrifice, sa mission était de sauver le maximum de personnes. Il souffla, s'apprêtant à choisir.

"Je vais d’abord m’occuper de l’équipe au nord, c’est celle pour laquelle j’ai le plus de chance d’avoir un impact pour les sauver. Comme tu le dis, je ne connais pas la situation de l’autre équipe et c’est terrible, mais seul, je risquerais d’être pris au piège comme eux."

Chaque seconde pouvait compter dans ce genre de situation il le savait, mais il savait aussi qu’il y allait sans savoir le temps qu’il allait avoir, Ryo devait donc faire au mieux.

"Je retrouve donc le groupe le plus éloigné de l’explosion, je les sécurise et les évacue. J’en profite pour évaluer la situation sur mon chemin et pouvoir donner des éléments de reconnaissance des lieux aux renforts avant d’aller sauver le groupe dans l’épicentre de l’explosion. "

Décision difficile. La réponse le serait peut-être aussi. Il croisa ses mains sur ses feuilles, jouant avec ses pouces en attendant la sentence.

"Alors ? Tu penses que c’est ça qu’il faut faire ?"

Il se détendit un peu, il y avait toujours un certain stress, même si aujourd’hui l'évaluatrice était sa camarade. Il voulait bien faire car, dans le cas présent il n’avait rien à perdre ni rien à montrer pour briller. Ryotaro s’était fait la promesse de réussir à Yuei, comme son père, mais surtout pour montrer que lui-même en avait les capacités. Les héros qui sortaient de cette institution héroique n’étaient après tout pas seulement l’élite des hommes et femmes d’actions, mais aussi ceux qui savaient réfléchir et évaluer une situation rapidement, d’autant plus quand celle-ci était désespérée.

Il souffla en souriant, ses épaules tombant un peu dans son relâchement. Une fine suie se répandant dans l’air qu’il chassa négligemment de la main. Ils devaient faire des choix difficiles, mais ils devaient surtout faire des choix pour préserver le plus grand nombre et Shina avait raison.

Ryotaro se gratta la tête en lâchant un petit rire gêné, il ne savait pas s’il était vraiment doué, ni comment prendre un compliment.

“Merci !”

Elle embraya face au livre que l’étudiant tenait. Au départ, le garçon ne comprit pas vraiment le but de tout ça, peut-être une curiosité soudaine pour la mythologie. Mais il se ravisa vite, comprenant le but de la manœuvre alors que lui-même ressentait un électrochoc.C'est vrai que bientôt, ils devraient se présenter avec des noms de héros auxquels ils pensaient. La décision serait lourde de sens, ce nom qu’ils choisiraient restera certainement longtemps dans les mémoires et sera celui pour lequel ils se feront connaître pour leurs premiers faits d’armes ou pour leurs stages.

Ryotaro mit ses mains sur son front, réfléchissant à la question de Shina en faisant appel à sa mémoire. Il était sûr d’avoir la réponse, mais elle n’était pas dans ce livre. Il se leva parcourant les rayons, avant de trouver son Graal.

Tournant les pages, rapidement, il arriva aux chapitres consacrés au Royaume des morts dont Hadés était le maître, au Tartare, à l’Asphodèle et autres cercles infernaux. Il avait plus lu des morceaux de la mythologie romaine, mais il savait que les occurrences étaient nombreuses entre les deux cultures. Cette ouverture sur le monde était impossible à présent, mais les connaissances du passé semblaient toujours pertinentes au Shogunat.

Il posa son doigt sur le titre d’une page avant de le retourner vers sa camarade.

“Je pense que c’est ça: Nyx... la Mère de la Nuit.”

Il sourit.

“Chouette nom.”

De son côté, il n’y avait pas vraiment encore pensé, caressant l’espoir impossible de reprendre la cape de héros de son père en prenant son nom en hommage. L’hommage serait beau, mais impossible d’un point de vue administratif aussi bien que moral, il devait suivre sa propre voie.

Peut-être que l’idée de reprendre un nom mythologique était intéressante bien qu’empreint de responsabilité, tout le monde ne pouvait pas être un dieu. C’est dans cette réflexion, que les pages de son autre livre s'arrêtèrent sur le chapitre consacré au dieu romain de la forge, des volcans et du feu, Vulcain.

Il ne savait pas trop comment elle le prenait dans un premier temps, à fixer le garçon de la sorte. Shina finit par sourire, l’idée semblait lui plaire et le commentaire de Ryotaro avait conforté sa camarade en ce sens. Il s’appuya le dos sur le dossier de la chaise, profitant de cette petite pause au cœur des révisions pour divaguer en écoutant les conseils de Shina.

“Tu as sans doute raison…”

Sa camarade était partie en pleine recherche, elle semblait creuser la piste évoquée par Ryotaro. Celui-ci ne savait pas si c’était une bonne idée de partir ainsi d’une inspiration, puis de chercher à la justifier coûte que coûte parce qu’elle nous plaisait.

Il profita de ce petit répit pour relire une partie de son cours portant sur les interventions de secourisme. Il savait qu’il n’avait pas le profil type du héros que l’on appelle pour ce genre de cas, son Alter le destinent plutôt aux missions de protections et aux affrontements avec les Vilains et les criminels. C’était donc vers l’assistance aux civils que son instinct ne lui donnerait pas les meilleures réponses à suivre.

Néanmoins, il n’arrivait pas à se sortir de la tête cette idée de nom héroïque, la graine avait été plantée dans sa tête. Shina avait toujours la tête dans son livre à en apprendre plus sur la divinité chtonienne, Ryo repensa à ce qu’elle lui avait suggéré, de faire comment elle et d’aller piocher dans les mythes et légendes divers.

C’était plutôt intelligent dans le sens où les civils avaient déjà tout un imaginaire commun avec ces histoires et leurs morales, que ce soit par les livres, les films, les jeux-vidéos ou autre, beaucoup de créateurs japonais aimaient à piocher dedans pour donner une certaine aura à leurs protagonistes. Ryotaro avait encore en tête un vieux jeu où l’invocation d’un dieu de la foudre lui avait permis de se sortir d’une situation tendue in-extremis.
Shina confirma après sa lecture, en reposant son livre qu’elle pensait bien proposer de devenir une héroïne sous le nom de Nyx.

Il y avait une certaine poésie à aller chercher un nom dans ces livres, à reprendre le flambeau d’anciennes divinités presque oubliés à une époque où les dieux étaient devenus presque la norme, sauf qu’on les appelait héros.

Le flambeau…

Il ne savait pas pourquoi, mais le mot s’accrochait dans son esprit, plus que les autres. Les yeux du futur héros se perdirent dans le livre qu’il avait ouvert à côté de lui. Il recommença sa recherche, se perdant un peu dans les enfers grecques, dans les mondes en feu nordique au bruit des marteaux des créateurs, des forgerons qui avaient permis aux leurs de devenir meilleur et de se défendre de leurs adversaires. À Héphaïstos, à Surt le Géant et à…

“Vulcain… Je pense que j’aime bien ce nom.”

En effet, en lui, il y avait comme une évidence à la relecture du nom du dieu des forges et des volcans romains, de sa relative indépendance et anonymat par rapport aux autres Jupiter, Neptune et Mars. Même certains héros étaient devenus plus célèbres que lui, mais il œuvrait toujours dans l’ombre, à sa forge, pour permettre à de plus grandes histoires de se faire et de se poursuivre. Rester dans l'ombre pour le bien commun.

Il eut un petit sourire en coin avant, une nouvelle fois, de remettre ses lunettes sur le haut de son nez. Shina, derrière son image de solitaire, savait y faire pour faire sourire les gens. Sa façon de dire ce nom et cette annonce lui plaisait bien, même sur le ton de la rigolade.

Oui, Vulcain ce sera bien…

Elle enchaîna du tac-o-tac, le mettant face à une situation encore plus compliquée que la précédente éveillant une nouvelle notion clé, le sacrifice. Il y eut un petit moment de silence, seulement entrecoupé par les bruits de pages qui se tournaient et des chuchotages des autres groupes dans la bibliothèque. Chacun vacant à ses occupations.

Shina finit par reprendre la parole, évoquant sa propre vision de la chose, le héros doit être le premier et le dernier rempart pour la vie. Ce n’était pas forcément la réponse qui serait attendue, celle pour laquelle on demande aux héros d’évaluer les risques et de savoir si leur sacrifice permettrait vraiment de sauver d’autres personnes.

Dans le feu de l’action c’était difficile à évaluer, depuis la Trahison c’était également difficile à comprendre pour ceux qui n’étaient pas dans le feu de l’action. La fuite de Solem avait causé bien des troubles car dans son cas, rien ne semblait pouvoir justifier cette fuite quand on voit les répercussions.

Ryotaro prit un peu plus de temps pour réfléchir. Il savait au fond de lui qu’il aurait la même réaction que Shina, qu’il resterait jusqu’au bout pour sauver la dernière victime ou pour lui laisser une chance de fuir. S’il était en difficulté, au bord du précipice, il ne pouvait que compter sur l’arrivée de cavalerie ensuite, pour le sauver lui.

Il plongea ses pensées dans ses notes, un peu confus quant à la réponse qu’il devrait apporter si on lui posait cette question. L’étudiant jeta un coup d'œil à sa camarade et se figea un instant. Elle avait son visage entre les mains. Est-ce que c’était la pression de l’altercation en classe qui redescendait trop violemment ou le fait de se fatiguer plus vite à devoir aider dans ses révisions le natif d’Osaka ?

Le lycéen tendit la main comme pour la toucher par delà la table avant de se raviser en faisant retomber sa main sur ses notes. Qui était-il pour faire se permettre ?

“Tu vas bien ? Tu veux un verre d’eau ?”

Il était vraiment inquiet pour elle, d’autant plus si c’était sa faute. Ils ne se connaissaient pas tant que ça, mais elle ne lui avait pas semblé être atteinte de migraines ou autre depuis le début de l’année.

L’atmosphère avait un peu changé, comme s’ils se trouvaient maintenant dans une bulle différente et qu’une pression supplémentaire existait autour d’eux. La tension était présente à mesure que Shina allait plus en détail dans ce qu’il lui était arrivé, ce qui l’a traumatisé encore aujourd’hui.

Ainsi, elle avait assisté à la mort de son frère, sans rentrer dans les détails sordides, le souvenir lui pesait encore énormément, il lui pèserait sans doute pour toujours. Ils partageaient donc un triste passé commun avec la mort d’un être cher.

Ryotaro appuyait sa tête sur ses mains en regardant dans la direction de sa camarade avec un visage neutre. Néanmoins, ces yeux étaient très attentifs à la future héroïne afin d’être sûr de lui montrer qu’il l’écoutait et qu’il l’entendait, attendant religieusement qu’elle développe un peu plus.

Le discours était un peu décousu, elle semblait chercher ses mots pour expliquer ce qu’elle ressentait.

De ce que l’étudiant venu d’Osaka savait, il était possible que le stress et le traumatisme aient modifié le souvenir de Shina, cela dans un but de se protéger de cette vision d’horreur. Ses connaissances en psychologie s’arrêtaient cependant là.

“Je… Merci d’avoir partagé ça avec moi… J’imagine que c’est dur.”

Il se gratta le menton, pensif. Plus jeune, il était beaucoup plus démonstratif qu’aujourd’hui, beaucoup plus expressif. C’était plus agréable pour échanger, mais son avantage désormais c’était que son silence lui permettait d’écouter les autres.

Par contre, il n’avait jamais entendu parler de souvenirs qui se modifiaient après le traumatisme, surtout si ça se fait seulement depuis quelques jours. Est-ce que quelque chose se débloquait dans la mémoire de l’étudiante ?

“Tu sais depuis quand c’est comme ça ? Je veux dire cet autre souvenir… Quelque chose à changer dans tes habitudes ?”

Il se rendit compte qu’il était peut-être un peu trop inquisiteur à poser ce genre de questions. Elle s’était ouverte à lui à l’instant, il voulait éviter de la brusquer au maximum.

“Si tu le sens pas, tu peux arrêter quand tu veux.”

Le souvenir semblait douloureux dans la tête de sa camarade alors qu’elle faisait de son mieux pour remettre les pièces du puzzle dans le bon sens. Néanmoins, il semblait en manquer certaines comme si Shina n’arrivait pas à avoir une vision complète.

Ryotaro n’avait pas prévu de partir en introspection avec la future héroïne, mais il ne pouvait s'empêcher de vouloir faire disparaître le doute qu’elle avait au fond d’elle sur le rôle qu’elle aurait à jouer. L’étudiant ferma son cahier, pour lui la pause allait sans doute durer plus longtemps.

Il arqua un sourcil, ainsi l’étudiante avait droit à des cours supplémentaires ? Etait-ce dû à son passé ? Le natif d’Osaka garda l’information en tête sans chercher à creuser plus. En effet, lui aussi avait des heures en plus dans son agenda afin de maitriser son dangereux Alter, mais Shina ne faisait pas partie de cette classe spéciale là.

Elle se renferma sur elle-même après un éclair dans le regard. La connexion semblait s’être faite aussi, la colère. La Colère est un sentiment puissant et dans ce cas, il a dû jouer comme un déclencheur chez la manipulatrice des ombres.

"Oui, je pense aussi que nous sommes tous là pour une raison."

L’étudiant se remémorrait les échanges avec son père concernant cette école héroïque, la clameur des couleurs, les rires et les cris qui fusaient. Aujourd’hui, cette candeur était moins présente, moins vive, comme si la Trahison avait jeté un voile sur la fonction héroïque.

Tous les futurs héros veulent l’être par conviction, quelle qu’elle soit, ce n’ait plus seulement un rêve de devenir les numéros 1 qui les habitent, mais la volonté de faire le bien. C’est ce qu’aimait à penser Ryo dans certaines situations, que sa génération ne ferait pas l’erreur de Solem, qu’elle serait plus responsable et consciente du poids sur ses épaules.

"Tu en as reparlé au professeur en question ? Peut-être qu’il aura vu quelque chose."

La réflexion l’avait traversé. Après tout, il n’y avait apparemment plus de témoins suite au funeste sort du jumeau de Shina à sa première crise de colère. Le seul témoin d’une scène similaire était le professeur ou l'entraîneur en question.