Yume

Il était une fois…

Une famille à la rue eut un jour un enfant du nom de Yume. Le bébé fut chétif en raison de la mauvaise alimentation de la mère et le père voulait tout simplement se débarrasser de son enfant car le troisième enfant était de trop selon lui. Il était surtout une déception de cette troisième tentative ratée. Ils tentèrent de s’occuper de l’enfant mais au bout de six mois ils se rendirent compte que c’était trop difficile d’avoir des rentrées d’argent amoindries et le fameux Alter supposé naître de leur mariage n'était encore une fois pas le bon. Seulement il avait beau laisser le bambin enveloppé dans un drap et délaissé au bord de la route, ce dernier revenait sans arrêt auprès de sa mère à l’aide de portails comme pouvaient utiliser la mère et le grand-père, jadis. En effet, cela faisait une bonne paire d’années que le grand-père Tojiro était malade et n’utilisait plus ses portails. Quant à la mère Mifune, elle se téléportait de temps en temps pour aider la police, les hôpitaux, les pompiers mais les remerciements étaient souvent assez maigres et la récompense pour ces bonnes actions ne suffisaient pas à nourrir la famille. La mère était faible et rachitique car utiliser son Alter pour aider sa nation puisait dans ses ressources et elle était bien souvent touchée par des fièvres et des douleurs à se tordre par terre. Son gagne-pain était la cartomancie mais cette occupation ne payait pas énormément non plus. Son père quant à lui était vendeur dans une boutique de grigris et son Alter qui lui permettait de lire le futur proche de ses clients lui servait à trouver des arguments de vente. L’amour était un grand mot pour qualifier ce qu’il se passait entre ses parents puisque leur rencontre était loin de l’idylle bucolique que la plupart des japonais avait pu connaître. Dès la découverte de son Alter, Mifune fut convoquée par le gouvernement afin de devenir une espèce d’outil qui permettait de transporter des affaires et des personnes importantes de manière instantané. Les requêtes devenaient de plus en plus fréquentes jusqu’à ce que des maux de tête, des saignements et finalement des douleurs intenses envahirent le corps frêle de la dame. Cette silhouette fine et rachitique était d’ailleurs la signature de la lignée des Voyageurs dont elle faisait partie en raison de l’énergie que pompait son Alter. Un jour elle reçut une lettre sur laquelle le sceau national était imprimé à la cire. Il y avait de l’argent, bien plus que d’habitude, ainsi qu’une promesse du double si elle acceptait la demande et réussissait à satisfaire la demande exposée. « Rencontrez l’homme à l’adresse suivante et obtenez un enfant de lui, élevez-le et lorsqu’il aura douze ans nous nous occuperons de lui. La condition pour obtenir la fameuse bourse est que l’enfant dispose d’un mariage de votre aptitude à créer des portails ainsi que de l’aptitude de votre partenaire pour qu’il puisse au final créer des portails temporels. »

Quand Yume avait cinq ans à peine, l’hiver était très rude et toute la famille était atteinte de la grippe. Alors qu’il venait tout juste de guérir, le grand-père disparut du jour au lendemain avec Yume et cela pendant une semaine. Des paysages enneigés, des torrents, du sable fin, de la roche érodée par les vents marins, une forêt de bambous haute de dizaines de mètres, tous ces paysages défilèrent devant les yeux de Yume alors que le grand-père lui dessinait sur une carte la position de chacun de ces lieux connus des Voyageurs uniquement, ainsi s’appelait la lignée des utilisateurs du Warp Gate. Soudain, alors que la carte était remplie de cercles rouges, il présenta à la petite Yume ses adieux par un dernier baiser sur le front et s’évanouit sur le sol. Il avait usé ses dernières forces pour transmettre son savoir. La jeune fille à peine consciente de ce qui venait de se passer ne savait pas comment retrouver sa mère car elle ne maîtrisait pas son Alter. Il fallut attendre que l’instinct de survie agisse pour que l’Alter s’active de lui-même et laisse Yume retrouver sa famille, de la même manière qu’il l’avait sauvée lorsqu’elle était à peine née. Seulement quand elle arriva, ses parents étaient bien au courant de ce qui s’était passé et comme elle pouvait constater que tout le monde était affamé et mourant de froid, son père la prit à part tandis que sa mère pleurait. Ils lui avaient préparé un petit sac dans lequel il y avait une couverture et un jeu de tarot divinatoire.

« Maman va t’amener chez des gens bons car tu mérites un meilleur destin. »

Mifune se leva et prit la main de Yume puis un portail s’ouvrit. Elle lui fit un bisou sur le front puis lui ordonna de traverser le portail. Quand la jeune fille entra dans le portail, elle se tourna et ne put s’empêcher de pleurer en voyant la tristesse de sa mère. Puis la seconde d’après, elle se retrouva devant un orphelinat et n’eut plus jamais aucune nouvelle de ses parents. Ils avaient tout simplement disparu, sans doute Mifune voulait se défaire de ses chaînes sans priver Yume d’une vie normale. Il en fut de même pour ses deux frères qui avaient été amenés à des orphelinats différents. Les séparer était la meilleure solution afin d'éviter qu’ils ne partent à la recherche de leurs parents, afin qu’ils les détestent d’avoir tout détruit de la famille qu’ils étaient.

La procédure d’adoption fut très rapide car elle était suivie en raison de son Alter qui pouvait être très dangereux. Cela s’est vu cinquante ans plus tôt avec l’utilisation agaçante de portails par un grand criminel. Seulement le problème dans cette hâte était qu’ils avaient sauté sur la première opportunité. Et en plus de cela, ils ne voulaient pas imposer une enfant avec un pouvoir aussi dangereux à une famille trop parfaite. Son père adoptif, M. Seishuu, ancien prisonnier pour avoir blessé des femmes par simple plaisir dans son passé, a développé un fétichisme pour la mutilation d’autrui et Yume était un peu la récompense de sa rédemption après dix ans de guérison. Surtout que cette décision avait été en particulier appréciée par le psychiatre prenant en charge M. Seishuu qui avait été soudoyé par ce dernier pour appuyer la demande. Au final, c’était une solution ingénieuse que de mettre deux personnes dangereuses ensemble selon les administratifs de l’orphelinat. Mais disposer d’un alter potentiellement dangereux ne suffisait pas comme raison pour être adoptée par un ancien criminel selon Yume. Son Alter était toutefois très utile pour le gouvernement et dès l’âge de 7 ans elle fut demandée pour des voyages éclairs pour des affaires importantes comme avait pu le faire sa mère. Si Yume n’aimait pas particulièrement son père adoptif, l’ancien prisonnier était entièrement reconnaissant. Il adorait cette petite mais surtout par égoïsme. Car s’il était conscient que sa maladie mentale avait ruiné sa vie, il considérait qu’il était un humain qui avait toujours fait de son mieux pour réussir et être père c’était surtout un moyen d’être récompensé d’avoir lutté contre son obsession. Il avait réussi ses études de médecine avec brio pour devenir un chirurgien renommé et avait développé ce malin plaisir à charcuter la chair humaine dans le bloc opératoire. Cela l’avait effrayé et en même temps fasciné jusqu’au jour où son fétichisme commença à entacher sa vie privée. Le masque de chirurgien suffisait à dissimuler le sourire lorsqu’il opérait mais lorsqu’il ramenait des femmes chez lui et qu’il commençait à leur parler de ses fétiches, il ne voyait pas d’autre choix que de les rendre vulnérables pour pouvoir passer à l’acte car ces dernières fuyaient au plus vite. Un jeune chirurgien qui gagnait beaucoup d’argent et cherchait l’amour, ça attirait pas mal de femmes et il suffisait d’une un peu trop résistante à la drogue pour que les souvenirs restent intacts et que le chirurgien finisse au tribunal, perde son métier, perde sa liberté. Il eut suffi de cinq ans de prison spécialisée, d’un psychologue corrompu par l’argent pour l’innocenter et attester que tant qu’il ne pratiquerait plus en tant que chirurgien, cet homme serait inoffensif comme un mouton. Cinq ans ont passé depuis sa libération sans qu’aucune récidive n’ait eu lieu et le voilà catapulté dans sa nouvelle vie tranquille de papa boulanger. Et le bilan de cette histoire, c’est que Yume avait l’impression d’être une friandise. D’ailleurs, lorsque le gouvernement proposa que Yume s’oriente vers le parcours héroïque, il avait directement signé sans même demander l’avis de la jeune fille car cela lui permettrait d’effacer son passé en devenant le papa d’une héroïne. Être utilisée, tel était son destin. Utilisée par son père adoptif, utilisée par la nation, utilisée par tous. Elle pourrait ne rêver que d’une chose : être aussi libre que sa mère ; mais cela ne l’intéressait pas. Ce qu’elle voulait c’était venir en aide à ceux dans le réel besoin pour éviter des destinées aussi brisées que la sienne.

Sa scolarité était une période de délivrance mais aussi très difficile puisqu'elle essayait tant bien que mal d'être une bonne élève mais ses camarades se moquaient d'elle quand elle se trompait juste parce qu'elle avait un physique rigolo. A cet âge là il en fallait peu pour la faire pleurer mais le temps à fait que dorénavant elle reste inerte face aux moqueries et provocations que son entourage peut lui délivrer. Cela lui forgea une personnalité plutôt solitaire mais en même temps elle s'intéressait à ce qui se passait autour d'elle car cette vie que tout le monde avait l'air d'avoir était bien plus intéressante que la sienne. Elle se faisait souvent gronder car elle ne faisait pas ses devoirs mais c'était surtout car elle n'avait pas le temps entre les soldats à téléporter d'un point à un autre, les longues siestes qu'elle devait faire pour récupérer et les cours. Au final, intégrer une école de héros fut un moyen de souffler un peu car les demandes de services qui lui étaient demandées se faisaient de plus en plus rares car l'école prenait sa défense en maintenant qu'elle devait se reposer pour être efficace durant les cours et les ateliers. En réalité elle put en profiter pour se faire des amitiés à côté des cours et commencer à vivre, rire, partager des moments avec des personnes qui lui sont chères était quelque chose qui lui donnait petit à petit une volonté de vivre à fond cette vie, chose qui lui était totalement inconnue auparavant.