Une requête étrange ! [Pv Tomeo]

L’atelier était plutôt actif en ce jour, des clients venaient pour des renseignements et Tomeo ne pouvait avancer d’une traite sur sa commande qu’il avait en priorité même s’il s’était donné un délai plutôt large pour la livraison puisqu’en parallèle il était en attente de commandes de pièces. Tout ce qu’il faisait, c’était de l’avance pour pouvoir boucler au plus vite son équipement une fois les pièces arrivées. C’était un jour assez commun pour un jour d’hiver, il faisait frais et les clients ne restaient pas trop longtemps dans l’atelier car ils étaient pressés de retourner chez eux bien au chaud. La température était bien plus que chaude dans l’atelier car le four tournait à plein régime mais le confort n’était pas au rendez-vous pour ce qui était d’accueillir les clients. Ils venaient pour exprimer leur besoin, demander des renseignements et partaient aussitôt pour la plupart. C’était rare que quelqu’un reste plus d’une heure et tant mieux pour le forgeron car il pouvait avancer sur ses commandes. La clochette retentit alors comme à son habitude. Tomeo finit d’assembler les deux pièces d’un boîtier en quelques minutes et répondit à la nouvelle arrivante qui vérifiait si l’atelier n’était pas désert.

Deux minutes ! Oui, je suis là.

Il finit son affaire puis quitta l’arrière-pièce en offrant son sourire chaleureux habituel à une jeune demoiselle qui devait être nouvelle dans le milieu des équipements héroïques. Son regard changea instantanément quand elle prononça le mot interdit mais fut rassuré de voir l’uniforme de Yuei. 17h, sortie d’école, il y avait des chances que cette dernière soit une élève de l’école de héros. Décidément, c’était la période où Tomeo croisait un paquet d’élèves de Yuei puisqu’il travaillait actuellement sur un dispositif capable de mesurer la température d’un de leurs élèves à l’Alter plutôt brûlant.

Quel admirable zèle ! J’apprécie les élèves curieux et qui veulent voir de leurs propres yeux ce qui se passe dans le monde des héros. Malheureusement je ne fabrique pas d’équipements pour Villains mais comme je ne suis pas de la boutique héroïque, mes créations se rapprochent de ce que tu peux trouver chez les Villains.

Il arrêta de sourire et afficha un regard plus neutre en accompagnant son explication d’un ton bienveillant.

Les composants que j’utilise ressemblent fortement à ceux des fabricants illégaux. Malheureusement pour te montrer un équipement ça ne va pas être possible car je fais du sur mesure et je ne garde rien dans ma boutique.

Il soupira légèrement.

Et le projet sur lequel je suis actuellement est un peu spécial ce n’est pas un équipement offensif ni même défensif donc ça ne va pas t’être instructif si je te le montre. Le seul moyen si tu veux des infos c’est…

Il réfléchit un instant puis grommela. Pouvait-il vraiment en parler à une étudiante de Yuei ? Si elle y allait et qu’il se passait quelque chose il serait entièrement responsable. Il préféra essayer de la dissuader.

Déjà, fais voir ta carte d’étudiant que je vérifie que tu es bien de Yuei. Mais si je peux te conseiller un truc c’est que se mêler des affaires des Villains à ton âge, ça finit souvent mal. Mais je dois avouer que t’as du courage de vouloir en découvrir plus.

Il grimaçait car il ne pouvait pas envoyer le premier venu aux enfers du monde illégal. Quand bien même il serait prêt à l’aider si cette dernière s’avérait être vraiment motivée et ne serait pas effrayée par une petite virée au marché noir. Enfin, il préféra attendre de voir sa carte pour être sûr de son identité et verra selon son tempérament s’il serait judicieux de l’amener là-bas, quitte à l’accompagner.

Ses doigts tapotèrent successivement sur le plan de travail en attendant la carte qu’il prit en main, regarda rapidement puis redonna aussitôt. C’était une carte authentique et il n’y avait rien à remettre en question. De cette manière il apprit surtout le nom de l’étudiante.

Gérer en cas de problème tu dis ? Là où je veux te ramener c’est au creux même de la criminalité. Et la puissance ne te servira à rien là-bas. Seulement la ruse….

Toutefois son discours l’avait convaincu. Il prit un air sérieux et annonça la destination.

Nous allons au marché noir...

Il y eut comme un moment de silence, le temps de relativiser éventuellement face à la situation puis Tomeo se tourna et ouvrit le placard derrière lui pour prendre une de ses vestes. C’était une longue veste noire appartenant à Tomeo qu’il mettait pour avoir un air de Villain. Il la posa sur le comptoir et ferma l’armoire aussitôt.

Ça c’est pour toi… ça va couvrir ton uniforme de Yuei.

Il se tourna encore une fois pour prendre le katana décoratif et le posa également sur le comptoir.

Ça c’est pour moi, même si j’ai l’air costaud ça ne coute rien de ramener une petite précaution.

Tomeo ressentit néanmoins le besoin de la mettre en garde sur différents points.

J’ai l’air costaud mais prend en compte le fait que je n’ai pas d’Alter…

Ce n’était pas exact mais son Alter lui était inefficace d’une manière offensive. Ce n’est que récemment qu’il s’était avéré utilise lorsqu’un Villain avait essayé de le droguer mais c’était une situation particulière. Sur le champ de bataille, il restait un simple homme.

Donc quand il s’agit de cogner, je suis là. Mais si des dragons, des mitraillettes ou un tremblement de terre surgissent, fuit à moins que tu te sentes de t’en charger.

Il inspira un bon coup.

Et pour finir, je sais que tu es là pour observer mais…. Sois discrète quand tu regardes autour de toi. Considère que l’attention de tout le monde est sur chaque coup d’œil trop osé, chaque battement de ton cœur, chaque frisson qui parcourt ton corps. C’est pourquoi je te conseillerai de remonter la capuche de la veste là, les gens regarderont moins souvent ton visage, surtout avec la nuit qui s’est déjà installée. Bon… Petite tradition, je reviens, je te sers à boire ?

Il partit vers l’étage chercher un verre de whisky ainsi que la commande de la jeune étudiante, s'il y en avait une, puis trinqua.

Est-ce que tu as des questions ou tu te sens prête ?

Elle révélait petit à petit des informations sur ses capacités et avait l’air de se reposer beaucoup sur son Alter malgré ma mise en garde. A la première explosion qu’elle fera les gens comprendront qu’elle n’est pas des leurs. Ils ne l’avaient jamais vue auparavant et c’est pourquoi rien qu’en entrant sur leurs terrains, ils auraient l’air suspect. Certes Tomeo y allait assez fréquemment mais se faisait le plus discret à chaque fois. Il n’avait pas d’ami à proprement parler sur le terrain, tout simplement parce qu’il ne se mouillait pas. Il y allait seulement pour acheter des composants qu’il ne pouvait trouver nulle part ailleurs et était prêt à payer le prix fort car la qualité égalait celle de la boutique héroïque voire surpassait quand il s’agissait d’explosion. Mais il n’était jamais venu en aide à l’un de ces Villains qui venaient pour trouver des alliés et magouiller un complot. Servant la jeune étudiante une canette fraîche sortie du réfrigérateur, il grimaça quand il comprit l’Alter de l’étudiante en repensant à ce qu’elle lui avait dit. Au mieux elle pouvait faire diversion s’ils avaient besoin de prendre la fuite mais la détermination dans ses paroles et son attitude était appréciable. Elle avait la carrure d’un héros qui ne reculait devant rien et c’est ce qui faisait sûrement la différence entre Tomeo, qui suivait ses protocoles établis pour éviter tout risque, et la jeune Iwasawa, qui pouvait être une future héroïne mais restait pour le moment une étudiante.

Très bien, à ta santé alors !

Il ne regrettait pas de servir de l’alcool à une mineur, ses propres parents n’hésitaient pas à partager le saké avec lui indépendamment du fait que l’alcool ne l’affectait pas puisque son frère aussi en buvait. Il but d’une traite le contenu de son verre puis attacha le katana à sa trousse à outil qui servait de ceinture à l’aide d’une sangle qu’il avait lui-même conçue. Elle annonça alors qu’elle regrettait de ne pas avoir pris son arme mais Tomeo la rassura tout en se dirigeant vers l’entrée de l’atelier.

Ne t’en fais pas, sous ce grand manteau, si tu le refermes bien… Ne rien voir est plus astucieux que montrer quelque chose.

Il voulut sortir et remarqua qu’elle avait sauté un bouton comme le faisait tout le monde pour éviter d’être trop étouffé par le manteau. Il se précipita vers le bouton et le ferma de lui-même et releva la capuche sur la tête de la jeune étudiante. Cela pouvait être peut-être gênant pour l’étudiante d’avoir les mains d’un étranger aussi proche de sa poitrine mais ils n’avaient pas le temps. Le plus tard ils arriveraient, le plus de monde il y aura.

Voilà, tu pourras observer comme tu veux ainsi. Tu peux prendre la canette avec toi, je me doute que tu ne peux pas la boire comme un soda.

Ils sortirent ensuite de l’atelier et se mirent en direction du marché en se posant des questions, histoire de faire connaissance. Il parla de son passé, qu’il était fils de pêcheur, avait essayé de rejoindre Yuei, etc… Un détail l’avait d’ailleurs intrigué lorsqu’il avait parlé avec Iwasawa à l’atelier et il se permit de lui demander alors qu’ils marchaient.

Dis-moi d’ailleurs, tu as dit que tu n’aimais pas l’uniforme de Yuei… Je peux te demander pourquoi ?

Il sourit légèrement, sachant que la question pouvait être troublante et il sentit le besoin de se justifier pour la rassurer.

Je demande par simple curiosité.

Elle lui répondit sûrement et ils continuèrent à avancer un bon quart d’heure puis soudain la main de Tomeo se leva, faisant signe qu’il fallait arrêter, de parler bien évidemment mais comprendrait-elle ? Son rythme de marche ne changea toutefois pas. Bien que le marché noir soit un lieu où il se passe de nombreux crimes, les allées et les passants qui y étaient avaient l’air de civils un peu marginaux mais ils ne couraient pas en tout sens pour paraître furtif ou marchaient lentement pour rester sur leurs gardes. Ils étaient tout simplement dirigés comme n’importe qui pouvait aller au supermarché du coin. Ils traversèrent les allées et un point en particulier pouvait être facilement noté. Tout le monde chuchotait et lorsqu’ils passaient les quelques personnes fixes qu’ils croisaient s’arrêtaient puis recommençaient à chuchoter. Ça sentait comme d'habitude la magouille…

La réalité du marché noir s’offrait aux yeux d’Iwasawa alors que les rues étroites serpentaient et laissaient une visibilité plutôt restreinte. On ne pouvait pas connaître le marché noir car ce dernier se transformait au fil du temps. Pas de stand à première vue, juste des étrangers postés là au croisement de deux rues et qui vous regardaient de travers jusqu’à ce que vous les abordiez. D’ailleurs si Iwasawa avait pu être étonnée de l’atmosphère plutôt morne du lieu, elle n’avait encore rien vu car pour entrer au cœur du marché noir, il fallait attirer l’attention sur le fait qu’ils avaient besoin de quelque chose. Il fallait alors trouver un marchand d’armes puisque c’était ce qui intéressait Iwasawa mais le mec que Tomeo rencontrait d’habitude pour ses composants n’avait pas l’air d’être là. Il fallait alors improviser. Il regarda la jeune étudiante qui s’était arrêtée et lui indiqua qu’il fallait encore avancer si elle voulait avoir accès à ce qu’elle cherchait. Ils tombèrent d’ailleurs nez à nez avec la pancarte « A louer » d’un local de magasin abandonné. Coup de chance, un local abandonné, il n’y avait pas mieux comme endroit pour établir un stand clandestin. Tomeo frappa par quatre fois au rideau de fer qui annonçait la fermeture du magasin et celui-ci s’ouvrit légèrement. Une voix les accueillit d’un ton sévère.

Qu’est-ce que qu’y a ?

J’ai un compte à rendre à un vaurien qui fait son malin.

L’inconnu se baissa et on put voir un morceau de son visage dans la fente près du sol, il sondait le forgeron et l’étudiante d’un bref coup d’œil. Soudain le rideau se leva ils purent voir un homme dans la quarantaine dont la dentition était incomplète et dont le nez formait presque un bec. Sa peau était desséchée et formait quelques croutes par endroits. Il demanda d’un air méfiant.

Et un grand mec comme vous peut pas s’en sortir sans joujou. C’est un sacré vaurien que vous avez là.

L’homme sait s’entourer par l’argent. J’ai besoin de quoi déglinguer quatre gardes du corps, et la gonze à ma droite se chargera de garder ma cible dans la lunette du sniper. Le but c’est de le faire flipper un max pour qu’il me donne la tune qu’il m’a volé avec les intérêts.

Je vois… Entrez, je dois pas tout avoir mais j’ai la mire et la grenaille. Pour le reste j’ai peut-être une adresse mais ma mémoire me fait des mauvais tours ces temps-ci…

Je connais un bon remède contre l’amnésie dit-il en faisant craquer son poing. On va voir d’abord si t’as de la bonne quali.

L’homme ne répondit pas à la provoc, seul l’argent l’intéressait et il y avait sûrement un vigile ou plusieurs dans le bâtiment. Ils entrèrent alors dans la boutique improvisée et le rideau descendit aussitôt derrière eux.  Il y avait là des armes à feu, des armes explosives qui avaient en général une fonction cachée pour surprendre l’adversaire comme des chargeurs eux-mêmes explosifs qui pouvaient être jetés vides et exploser par la suite. Bref, Tomeo laissa la jeune vadrouiller pour voir si quelque chose l’intéressait.

Pendant qu’Iwasawa regardait ce qui se vendait dans cette boutique improvisée, Tomeo faisait la discussion avec le vendeur. Il avait deux objectifs en tête : ressortir en vie sans acheter quelque chose et obtenir des informations sur une boutique vendant des équipements spécifiques aux combats d’utilisateurs d’Alter. Le premier était assez subtil car il savait très bien que faire appel à l’argument du prix était impossible au marché noir car même si vous n’aviez pas d’argent vous pourrez faire appel à une dette qui vous en coutera le triple et une fois rentré dans ce vice on vous demandera d’effectuer des crimes pour expier votre dette. Suite à cela vous finirez dans une spirale sans fond puisque recherché par le gouvernement vous chercherez à vous défendre et ferez appel à cette sombre confrérie pour vous aider… Le deuxième point était tout aussi difficile à gérer car le vendeur n’avait pas l’air prêt à céder des informations tant qu’une somme d’argent ne lui était pas proposée. Tomeo se concentra d’abord sur le tout premier point pour déstabiliser le vendeur.

Hm… Hm… Je vois des choses intéressantes mais j’ai quelques soucis techniques. On ne trompe pas l’œil d’un expert et je veux ce qu’il y a de mieux sur le marché. Tu comprends, j’aimerais que le machin m’explose pas entre les mains….

Tomeo se dirigea vers un des articles et le désigna.

Par exemple cette mitraillette automatique, elle est déjà usée, ça se voit au niveau de l’embout qu’elle a été utilisée. Et je ne parle pas de quelques tirs d’essais. De plus la forme de la crosse est non standard, si l’on n’a d’habitude un biseau incliné à 10 degrés sur ce modèle bien précis, l’embout est totalement plat, comme limé pour cacher les marques d’usure lorsque l’arme est posée au sol. Du moins je présume que c’est ce qui a été fait puisque je ne vois rien.

Il se tourna pour regarder à peu près tout ce qu’il y avait dans la boutique. Le vendeur avait déjà l’air exaspérer et ne put que répondre par la défensive.

Ouais bon, dans le coin tu trouveras difficilement mieux.

C’est pas une excuse bidon qui va me faire acheter de la merde. Mais difficilement ca veut pas dire impossible.

Iwasawa lui annonça qu’elle était prête à partir et Tomeo reprit sa critique sur la marchandise, se rendant compte trop tard qu'il en faisait peut être un peu trop.

Bon bah je pense que j’en ai assez vu ici… J’ai beau regarder, y a que de la seconde main et du bas de gamme. Tu sauras peut-être me dire où je peux trouver de la meilleure qualité ? Ça m’évitera un mauvais souvenir de cet endroit et je ne pourrais que conseiller cet endroit à mes amis de la rue.

Le vendeur grimaça face à la menace subtile de Tomeo, ses mains restèrent cachées sous le comptoir et le forgeron était prêt à sauter au sol pour éviter un potentiel assaut.

Il vaut mieux pour toi que ce soit une carte que tu sors de là sinon…

Aussitôt les coups de feu, aussitôt le sol, aussitôt l’adrénaline. Tomeo avait pris soin d’attirer Iwasawa au sol pour éviter qu’elle ne se fasse tirer dessus puis lui fit signe de faire attention. Les armes autour d’eux n’étaient surement pas chargées et il était trop dangereux de risquer une ouverture juste pour une hache alors qu’ils avaient à disposition le katana de Tomeo. Mais une arme blanche contre un fusil d’assaut… le combat était déjà joué d’avance. Il laissa alors Iwasawa prendre l’initiative sur une potentielle attaque surprise car le forgeron ne pouvait rien faire dans la situation actuelle. D’habitude il se faisait plus discret mais comme il avait besoin d’infos….

La situation était tendue et virait vite au drame quand Iwasawa répondit à l’offensive par l’usage de ses artifices. Et pour des artifices, ces derniers étaient bien explosifs puisqu’ils soufflèrent Tomeo bien que protégé par le comptoir qui n’existait presque plus. S’il n’avait pas été blessé, il était bien surpris de se retrouver sans défense mais heureusement la vermine était toute aussi surprise et n’avait pas profité de l’ouverture pour blesser le forgeron. Le premier réflexe du grand brun fut de vérifier si un deuxième gars n’entrait pas dans la scène depuis une trappe au plafond ou une étagère pivotante mais le vendeur avait l’air seul. Ça voulait dire beaucoup et s’il devait craindre une chose ce serait le vendeur en question. Oser tenir une boutique comme celle-ci tout seul au milieu des crimes et de la vilénie, il en fallait beaucoup dans le pantalon pour le faire, ou bien il fallait un alter qui pouvait le protéger de potentiels assaillants. Aussitôt Tomeo prit le bras d’Iwasawa et la bouscula au dehors de la boutique en lui disant de prendre de l’avance.

On se casse, profite de son étourdissement pour te casser.

Comme il l’avait dit, s’il se passait quelque chose, ils fuiraient. Peu importe si ce mec avait des informations cela ne valait pas le coup de mettre encore plus en danger une élève.  Tomeo se cacha derrière le fameux pilier porteur derrière lequel Iwasawa s’était cachée puis réfléchit un instant. Comment pourrait-il gagner du temps tout en ne sachant pas quel type d’Alter le mec avait ? Une pointe d’instinct, une grosse cuillère de folie et le forgeron se retrouva à courir vers une des armes exposées et détala vers la sortie en coinçant les poignées de porte à l’aide de l’arme réquisitionnée. Une balle fut tirée, un carreau se brisa, une effusion de sang vola dans l’air. C’est après cela qu’une série de coups de feu retentit alors que par chance, aucun corps n’était à terre. Tomeo se tenait l’épaule à laquelle il avait été frôlée et courait en direction d’Iwasawa qui avait pris de l’avance, il était désormais à l’abris des coups de feu grâce au rideau métallique que le vendeur avait laissé entrouvert. Ils coururent quelques centaines de mètres en ayant attiré l’attention de bons nombres de passants et ils se cachèrent dans une ruelle très étroite dans laquelle Tomeo se sentit de devoir faire un petit topo de la situation. Il voyait à peine l’étudiante éclairée par un lampadaire lointain. C’était tant mieux pour eux mais il voulait tout de même savoir comment elle allait de son côté.

T’inquiète pas pour moi, c’est rien qu’une égratignure.

Au moment même où il finit sa phrase, la plaie se referma et il ne lui suffit que d’essuyer le sang sur son épaule pour faire comme si rien ne s’était passé.

Par contre notre petite sortie est plutôt compromise par la situation. Les regards seront braqués sur nous dès qu’on y retournera et peut-être même que le mec va faire appel à des renforts. Je pense qu’on devrait arrêter la visite ici. Même si…

Il grimaça car ça l’embêtait de ne pas avoir pu tout lui montrer.

T’auras vu les armes à feu, les armes explosives et les autres gadgets que la vermine utilise mais tu n’as pas vu la réelle puissance de feu des vilains. Une fois combinées avec leur Alter, les armes deviennent des grosses machines de destruction. Mais j’ai vu ce que tu peux faire et…

Il sourit légèrement.

Y a moyen d’assister à un feu d’artifice…. Il suffit d’allumer la mèche.

Il appuya son regard d’une main solidement posée sur l’épaule de l’étudiante.

Si tu as vraiment envie de voir ce que tu cherches tu as tout en main pour faire réveiller l’ours. J’ai vu que tu as pu faire exploser tes boutons à distance mais… Si tu faisais exploser quelque chose de manière plus discrète, comme un billet malencontreusement tombé par terre, ramassé par un Villain, tendu à un commerçant du marché noir. Crois-moi que d’une seconde à l’autre les armes feront leur apparition aussitôt.

Il inspira profondément. Son regard était sombre mais il avait l’air confiant. Tant que ça servait aux Héros et que les Villains en finiraient affaiblis, ça le satisferait.


Mais c’est comme tu le sens… Il y a pas d’obligation.

Elle exprimait son hésitation quant à la puissance de l’explosion mais c’était tant mieux. Tomeo lui répondit en expliquant plus en détail les risques du plan.

C’est tant mieux, n’importe qui peut ramasser le billet dans la rue alors autant que ce soit non létal si un simple commerçant passe par là. Certes le mec a un deal pas net mais il mérite pas de finir à l’hôpital pour avoir ramassé un billet par terre et assouvir notre soif de connaissance. Quant à attirer la cible vers le fourneau, je m’en charge.

Aussitôt qu’un étranger passa et ramassa le billet, le grand brun le suivit et finit par le rattraper pour lui échanger quelques mots, laissant Iwasawa les observer depuis son coin à l’écart. Tomeo remarqua que l’individu avait une dégaine de magicien et essaya d’établir un lien avec les précédents clients qu’il avait et leurs questions quant aux équipements altériques.

Excusez-moi, vous m’avez l’air un peu connaisseur en tout ce qui est pentagramme, artefacts de magie en tout genre.

L’homme ne répondit pas mais dirigea son regard vers le grand brun, intrigué.

Et bien si vous descendez de deux rues il y a un marchand d’objets divinatoires qui a acquis un set complet de tarot où un explosif est intégré à chaque carte. Une pression et l’objet explose tel une grenade après avoir été lancée. Cela devrait vous intéresser. Il y aurait plein d’autres objets de la sorte.

Il connaissait bien ce qui se vendait en matière d’équipements altériques de par les on-dit de ses clients mais Tomeo n’osait pas entrer dans ces boutiques de lui-même car pénétrer dans ces boutiques revenaient à signer un pacte avec le diable. Il le laissa en faisant une légère tape sur son épaule puis partit en contresens pour rejoindre Iwasawa tout en gardant le magicien dans le coin de l’œil et rentra dans la ruelle lorsque ce dernier avait le dos tourné.

Bon, on peut le suivre maintenant, tu n’as qu’à actionner quand il paiera quelque chose. S’il ne prend rien… Improvise.

Il sourit légèrement, content que leur plan se déroulait plutôt bien.

Iwasawa s’occupa de suivre la cible et pour éviter de se faire repérer et éveiller les doutes, puisqu’il n’avait pas encore vu la jeune étudiante, Tomeo resta en arrière et attendait patiemment qu’elle revienne. Il était assis patiemment et jouait avec ses pieds à shooter les pavés bien ancrés au sol quand soudain Iwasawa revenait tout sourire. C’était captivant de la regarder sourire, cela montrait une motivation qui ne put que rendre heureux le grand brun. Elle prenait du plaisir, lui aussi, c’était parfait. Avec précipitation elle lui annonça que c’était le moment et qu’il fallait la suivre. Prenant appui sur ses deux bras, Tomeo se releva en faisant un petit saut et suivit aussitôt sa partenaire d’espionnage.

Je te suis ! répondit-il en souriant également.

Leur allure précipitée soulevait l’interrogation des rares passants qu’ils croisaient mais comme la magouille était plutôt habituelle, les gens ne se questionnaient pas plus que ça et les laissaient tranquilles. Le magasin était connu de Tomeo puisqu’il s’agissait d’une des rares boutiques permanentes du coin. Mais à sa grande surprise et grâce à l’apprentie héro, il découvrit qu’une ouverture permettait de voir le contenu de la boutique. Intéressant… Et risqué. Aussitôt il montait la garde car ce genre de lieu trop célèbre ne pouvait se permettre de sous-estimer la concurrence et les forces de l’ordre. Selon ses pronostics, il devrait y avoir au moins trois agents de sécurité assurant la garde du lieu. Ils avaient pu en voir un à l’entrée lorsqu’ils avaient fait le tour du bâtiment. Un grand homme très imposant qui faisait sûrement des fouilles au corps aux clients. Il devait y avoir également un infiltré parmi les passants et un guetteur dans les étages supérieurs aux alentours. Quand quelqu’un s’approcha de trop près, Tomeo appuya légèrement sur le bas du dos d’Iwasawa et entama un semblant de dialogue.

Succubus, t’as bientôt fini avec tes lacets ?! Mon dieu ce que tu peux être maladroite.

Il se baissa pour faire un clin d’œil à l’étudiante, prit en main ses lacets pour faire semblant de faire un nœud et observa un instant par l’ouverture de la fenêtre. Aussitôt une explosion retentit. Elle était passée à l’acte, et ils avaient été repérés mais le passant accourut vers l’intérieur de la boutique pour finalement apparaître dans l’angle de vision des deux espions. Il sortit de sa veste une arbalète qu’il pointa aussitôt en direction du client qui n’avait rien compris à la situation. Ce dernier leva aussitôt les mains.

Je n’ai rien fait. Ce n’est pas moi.

Ouais ouais… On me la fait pas, les mecs qui veulent pas payer ils finissent par payer dix fois le prix, ne t’inquiète pas tu n’en auras que pour vingt ans pour repayer ta dette.

Il siffla et d’un carreau qui était initialement mise en place et partit à toute allure, quatre carreaux vinrent se planter dans les mains et pieds de l’homme alors immobilisé contre le mur. Lentement, une substance coulait des carreaux et formait comme un gel neutralisant la cible, recouvrant petit à petit l’entièreté de son corps. Il y eut alors une lueur sur le mur au niveau de la main du piégé et son corps disparut instantanément.

Il est où ?

Un haussement d’épaule, un silence. Puis une dizaine de cartes apparut dans le vide et lévitait telle une rangée de flèches prêtes à être décochées. Une lueur envahit les cartes et aussitôt elles furent envoyées en direction du vendeur et du garde. Le deuxième garde qui était dans l’entrée se projeta en avant et ouvrit sa veste de costard qui développa instantanément une paroi anti-projectile. Les cartes se plantèrent dans la paroi qui disparut instantanément lorsque le garde referma sa veste. Cette dernière disposait dorénavant de cartes dans la poche de mouchoirs. Le magicien apparut alors aux yeux de tous et les embouts de carreaux avaient été rompus mais étaient encore logés dans ses mains et pieds, il psalmodiait quelque chose d’incompréhensible et quand il s’arrêta les murs se mirent à se rapprocher les uns des autres, du moins c’est ce que tout le monde pensait mis à part Tomeo qui pouvait reconnaître une odeur de soufre que lui seul pouvait sentir. Une illusion, que le mage avait créé pour entamer une fugue. Seulement c’est là que le troisième garde fit son apparition, sauta du cinquième étage du bâtiment d’en face et créant une onde de choc à l’aide de ses chaussures, un modèle très connu qui pouvait absorber l’énergie et la relâcher. Cela déstabilisa le mage, ainsi que Tomeo et Iwasawa qui n’étaient pas si loin de la querelle. Le forgeron se pencha une nouvelle fois vers Iwasawa et lui souffla qu’il fût peut-être temps de partir.

Je ne sais pas si tu en as vu assez mais il ne faut pas rester trop longtemps dans le coin ou on subira le même sort que lui. Après je ne sais pas si tu veux le sauver de son sort mais nous ne ferons pas le poids contre trois gardes armés jusqu’aux dents.

Une surprise à la réponse de la jeune héroïne à venir quand elle annonça de venir en aide à la personne. A première vue cette personne leur était entièrement inconnue et elle pouvait être une criminelle autant qu’elle pouvait être un simple civil. Cela l’arrangeait qu’elle ne veuille pas s’y mêler toutefois car elle n’était qu’une élève et cela éviterait quelques complications si cela tournait mal. C’était en soi le sacrifice qu’ils devaient faire pour avoir accès à ce magnifique spectacle technique qui s’arrêta d’ailleurs lorsque les vilains remarquèrent que le présumé voleur n’était pas si puissant que ça et serait fou de tenter de dérober la boutique avec ses mains et ses pieds. Les deux filous qu’étaient Tomeo et Iwasawa prirent la fuite suite à l’invitation que proposait l’étudiante. Tomeo acquiesça et suivit la course entamée par Iwasawa et marchait tranquillement lorsqu’elle ralentit le pas et que l’ambiance lugubre du marché noir avait disparu. Il restait silencieux néanmoins, perdu dans ses pensées dont les deux noyaux principaux étaient la motivation d’Iwasawa et le futur du forgeron.

Pourquoi n’a-t-elle eu aucun remord en laissant à l’abandon cet innocent qu’ils avaient piégés ? Certes la situation était trop périlleuse pour une étudiante mais le sens du héros avait-il tant changé que ça depuis la Trahison ?

Il inspira, jeta un bref coup d’œil vers l’étudiante puis retourna vers ses pensées plus centrées sur lui cette fois.

Je ne veux pas être ce type de héros. Si ça ne tenait qu’à moi, si j’avais l’équipement adéquat ou un alter plus explosif je serais allé régler la situation. Mais au final on a eu de la chance, ça ne s’est pas si mal fini… J’aurais eu la mort de ce mec sur la conscience s’ils l’avaient tué. Je sens cette fibre naître en moi, celle qui me pousserait à braver le danger pour venir en aide aux autres, celle qui me pousserait à me sortir de mon cocon pour aller punir ces Villains juste par sens du devoir. Mais dans l’état, je ne suis qu’un simple fabricant et vendeur, le statut de héro me paraît inatteignable et pourtant je me sens capable de faire quelque chose. Fournir des équipements… ca ne me suffit peut-être plus comme participation à l’effort de guerre.

Iwasawa le coupa soudain de ses pensées. Le grand brun dut se concentrer pour se rappeler qu’elle était venue pour avoir plus d’informations sur les Villains, et l’avoir emmenée à cette boutique salement réputée et ce revendeur d’armes à feu aura été au final plus qu’une mission accomplie. Il se tourna vers Iwasawa et voulut poser une main sur sa tête comme il avait l’habitude de faire quand il était en compagnie de jeunes mais il se rendit compte qu’elle était aussi grande que lui. Il se contenta de taper amicalement sur son épaule comme il le faisait avec ses potes après une bonne blague ou autre évènement euphorique et répondit sur un ton enjoué, relâchant la pression accumulée lors de leur ballade silencieuse.

Comme tu dis Miss ! Sympa tes petits tours de passe-passe ! J’aimerais bien être capable de faire la même chose, ça pourrait m’être utile quand je ramène des petites étudiantes en visite scolaire.

Il rit ouvertement et fort puis afficha un sourire des plus sincères. Il entama ensuite une conversation puisqu’ils avaient encore un peu de chemin.

Je vais sûrement retourner à mes commandes d’ici demain et retourner à ma routine. Ça m’a fait du bien cette petite sortie, mais toi, qu’as-tu de prévu pour l’avenir ? Bientôt les exams ?