Le contrôle est un art [Pv : Astrid]

Le contrôle est un art

Azabu. Voilà bien un quartier ou tu te murmurais déjà intérieurement que tu ne remettrais jamais les pieds une fois que tu aurais terminé ce pour quoi tu y est. Et même pour un million de Yens tu refuserais d’y attraper un autre criminel. Entre les quelques célébrités pédantes que tu apercevais ça et là et les hommes d’affaires trop occupés avec leur téléphone pour remarquer que tu arrives face à eux, cette dernière catégorie n’étant pas exempte de se faire ramener à la réalité lorsqu’elle chute face à un pilier de deux mètres, les excuses que tu formulais alors n’étaient que d’apparence, t’efforçant de ne pas leur mettre ton poing en travers de la gorge pour faire cesser leurs remontrances. Ca ne t’étonnait guère que ce quartier soit devenu un filon potentiel pour les pickpockets, dont tu cherchais justement l’un d’eux.

Du peu que l’on avait bien voulu te dire, il frappait particulièrement aux heures de pointe dans la rue que tu arpentais à présent mais tout ce qu’on avait pu établir de lui était un vague portrait robot d’une apparence que les trois quarts des gens pouvaient posséder...ce qui ne te facilitait pas la tâche. Néanmoins puisqu’on lui attribuait bien plus d’actions ici que partout ailleurs, tu t’étais dit qu’il vivait très certainement dans l’une de ces nombreuses habitations et n’avait qu’à descendre de son palier pour trouver un pactole dans différentes poches. A vrai dire, à sa place, tu aurais fait pareil. Malgré ton goût pour l’argent dûment gagné, au fond, pouvait-on dire que les sommes reçues pour les quelques malfrats sur lesquels tu parvenais à mettre la main étaient justifiées ? Certes tu y passais un temps dûment rémunéré mais...recevoir un tribut parce que tu as pris sa liberté à une personne, quand tu y réfléchissais, cela te déplaisait. Si ce n’était pas pour éponger les dettes de ton père, tu ne serais sans doute jamais lancée là-dedans. La petite friture dont tu t’occupais était loin d’être le vrai mal de ce pays mais à ton échelle c’est tout ce que tu pouvais faire. Après tout on ne t’avait jamais, comme ton frère, endoctrinée dans les dogmes de U.A ni d’aucune autre école héroïque. De toute manière tu n’aurais pas supporté qu’on veuille t’inculquer une seule et unique loi à respecter. Celle du Talion te suffisait largement.

Tu ne tardas d’ailleurs pas à trouver une occasion de l’exercer. Tu ne demandais rien à personne, te contentant de marcher à un rythme que tu considérais serein bien qu’il soit plutôt rapide pour les autres et sortie de nulle part, une main se mit à caresser tes attributs. En réalité elle recherchait plutôt le portefeuille qui s’y terrait de manière assez visible mais ça ce n’était pas ton problème. Le coup de poing astral récolté par le propriétaire de la main baladeuse ne se préoccupa pas de ses intentions et puisqu’il ne s’agissait pas de celui que tu recherchais, ta route se poursuivit...jusqu’à ce qu’un détail attire ton attention sur le trottoir adjacent.


Une scène...pitoyable, éveillant ta misandrie profonde. Un groupe de jeunes gens semblait avoir trouvé une proie facile en la personne d’une fille qui avait visiblement bien du mal à se défendre seule face à leurs aggressions diverses. Tu t’arrêtas quelques instants pour observer ce triste spectacle plus en détails...tes phalanges craquèrent et tu entrepris alors de traverser la route. Ton regard s’étant nettement obscurci, tes intentions étaient devenues claires pour quiconque avait une vue d’ensemble.

Ne pas s’énerver.

A mesure que tu rejoignais le bon côté de la rue, la rixe se poursuivait mais la demoiselle semblait indisposée à se laisser faire sans répliquer. Une fougue satisfaisante...mais loin d’être suffisante, la pauvre étant rapidement maîtrisée tandis que se profilait déjà la suite de son passage à tabac. Du moins était-tu arrivée derrière son instigateur, à peine remarquée par le reste du groupe, et avais-tu attrapé son poing avec une fermeté qui le surpris d’autant plus lorsqu’il fit volte-face et réalisa avoir affaire à une femme.

Ne pas s’énerver.

User de ton Alter t’aurait été préjudiciable, mais en avait-tu vraiment besoin face à eux ? D’un rapide coup d’oeil tu jaugeas l’ensemble des freluquets et compris que ce serait rapidement réglé. Ton poing serré résonna séchement contre les os de la mâchoire de celui que tu avais attrapé. Premier K.O technique, le hasard faisant qu’il s’agissait visiblement du plus trapu du lot, la suite n’en serait que beaucoup plus facile.


Hélas, tu avais immanquablement fini par t’énerver. Ta voix avait résonné dans une bonne partie des alentours, attirant alors l’attention des passants qui étaient jusque-là restés stoïques. Tu demeurais droite et sûre de toi, intimant de ton regard foudroyant aux jeunes hommes de relâcher la jeune femme dans les cinq secondes tout en maudissant les passants du regard. Après tout personne n’était intervenu à part toi...dans cette nation qui ne faisait que s’affaiblir. Il aura toutefois fallu que tu fasses un pas en avant pour faire déguerpir le groupe qui délaissa la fille tel un bagage. Tu pris soin de la rattraper, même si elle aurait sans doute pu le faire d’elle-même, étant ainsi suffisamment proche d’elle pour examiner la blessure la plus évidente, son nez qui saignait.


Tu la délaissas un instant pour t’emparer de ton sac, laissant à la rousse le soin de s’asseoir par ses propres moyens, sans quoi tu l’installerais toi-même délicatement sur le banc le plus proche.Heureusement, tu avais toujours une trousse de secours sur toi au cas ou car ton Alter était loin de te rendre invincible lors de tes excès soudains de bravoure. Tu déchiras un bout de coton pour colmater l’écoulement, à défaut d’avoir mieux, et vint appuyer avec une certaine retenue sur le nez de la demoiselle.


Puisque tu n’avais pas témoigné de l’intégralité de la scène, il se pouvait très bien qu’elle aie pris d’autres mauvais coups, en dépit du fait que ses vêtements semblaient plutôt intacts. Dans le doute, tu ne voulais pas l’abandonner ainsi...car rien ne disait que la meute ne reviendrait pas chasser sa proie sans la justicière dans les parages.

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Même si tu n’y connaissais rien, cette blessure au nez semblait être la principale. Elle ne s’appuyait sur aucun endroit de son corps et avait l’air de pouvoir tenir debout par ses propres moyens. Ton corps se détendait alors, pendant que tu jetais tout de même un œil aux alentours par précaution. C’était étonnant de voir à quelle vitesse la vie reprenait son cours dans ces rues. Un instant comme celui-là ne représentait qu’un grain de sable dans l’immense désert d’une vie et pourtant une vie aurait pu s’envoler. Quelqu’un d’autre aurait-il bougé le petit doigt avant qu’il ne soit trop tard si tu avais laissé faire ? La réponse te laissais un goût assez amer dans la bouche.


Voilà que tu recommencais à parler comme si tu appartenais à ce pays...mais aussi comme si ton opinion avait la moindre importance. C’était ta conviction mais la jeune femme ne la partageait sans doute pas...et quand bien même ça n’allait pas changer grand-chose. Tu cessas de l’ausculter dès lors qu’elle t’affirma aller plus ou moins bien. C’était vrai qu’elle en avait pris pas mal dans les côtes...mais tu n’allais pas commencer à toucher le torse d’une inconnue en pleine rue, c’était pour le moins déplacé. Tu te contentas de t’asseoir à côté d’elle, profitant de ce point de vue pour observer les passants...on ne sait jamais, si ton homme passait par là.


Même si tu avais été trop gentille, tu t’étais pour le moins évité d’inutiles ennuis. Passer un civil à tabac sans raison personnelle, ça ne te ressemblait pas...mais quand tu cessais de te contrôler tu en étais parfaitement capable. Quand même...comment ils en étaient arrivés là ? Tu restais curieuse sur ce point, demeurant silencieuse le temps de t’allumer une cigarette, veillant à t’éloigner un peu de la demoiselle pour ne pas lui imposer trop de ta fumée.


Ta dernière phrase semblait peu naturelle, compte tenu du peu d’intérêt que tu avais accordé à la demoiselle en furetant du regard aux alentours, mais le geste y était tout de même, ta main s’étant présentée en sa direction en guise de salut avant que tu ne daignes à nouveau regarder en sa direction.

D’un air à moitié présente, concentrée sur tes observations, tu avais toutefois accordé une oreille attentive à la jeune femme. Un détail de ses propos eut néanmoins le mérite de te tirer de ta rêvasserie. Yuei ? Elle avait bien mentionné cette école ? C’en était donc une élève...et elle formait ce genre de jeunes gens ? Des lâches nourris par la rancoeur et qui n’avaient que le courage nécessaire pour s’attaquer à une fille en groupe ? L’époque était bien différente…à moins que ton frère ne t’aie tout simplement menti. Après tout si parfait pouvait-être sa façon de penser à tes yeux, tu avais depuis bien longtemps assimilé le principe qu’on ne voyait jamais les défauts d’un tableau qu’en le regardant de loin et non en le vivant. C’était sûrement pour ça que même avec ta meilleure volonté tu étais incapable de changer quoi que ce soit à ton attitude. Après tout, tu te complaisais totalement dans cette imperfection. Devenir idéalisée ne t’intéressait pas, tu étais l’exemple de ton mode de vie, ni plus, ni moins.


En tout cas, si même la plus prestigieuse des écoles recellait de tels comportements...qu’est ce qu’il fallait penser des autres, bien plus récentes et bien moins expérimentées ? Dire que le gouvernement avait laissé naître de nouvelles instances héroïques sur ce même modèle de mascarade...pathétique.


Et subrepticement, tes mains commencaient à trembler. Laissant échapper un profond soupir d’exaspération, tu fouillas dans ta poche pour te rallumer une cigarette, serrant ton poing en essayant de te faire discrète. Ca n’allait pas le faire, fallait que tu trouves quelque chose à détruire pour te calmer...mais mieux valait ne pas exploser en public, encore moins devant une future héroïne.


Car rester plantée là ne te mènerais à rien et avec cette colère intérieure qui commençait à t’aveugler tu n’avais de toute façon plus le discernement nécessaire à travailler. Un panneau, une poubelle, un passant dans le pire des cas, tant que tu n’aurais pas posé tes mains sur quelque chose ces tremblements ne cesseraient pas. Heureusement, pour l’instant, la boule de nerfs restait vaguement stable.


A vrai dire tu estimais peu probable qu’ils l’attendent quelque part sur son trajet jusqu’à chez elle...mais ta méfiance naturelle prenait le pas. Et puis dans le fond, marcher était déjà un début pour te calmer. Peut-être suffisamment pour que tu sois, pour une fois, moins bourrue et plus ouverte.

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La bonne nouvelle c’était que la jeune fille semblait réceptive à ta requête. La mauvaise, que tu serais sûrement loin d’être la meilleure compagnie possible. Est-ce qu’elle voyait à quel point tu fulminait et comprenait qu’en te dépensant cela irait déjà en s’arrangeant?Oui...c’était pas difficile de deviner qu’une boule de nerfs instable comme toi avait besoin de bouger, même sans connaître les raisons de cette instabilité.

En y songeant, tu appréciais le tempérament de cette femme. A l’entendre c’était loin d’être la première fois qu’elle se faisait violenter de la sorte et pourtant elle n’avait jamais été trop loin, ça certifiait une sacrée retenue...mais qu’entendait-elle par « être née du mauvais côté ? Sa famille devait avoir une sale réputation dans le quartier...mais de simples histoires de rue ça ne pouvait pas aller si loin que ça. Il devait y avoir autre chose mais si tu lui posais la question avec ta finesse habituelle nul doute qu’elle se braquerait.


C’est sûr qu’à force de limiter tes trajets à métro-boulot-dodo, en te laissant parfois dériver dans un ou plusieurs bars sur la route, tu t’étais restreinte toi-même à tes bonnes adresses sans prendre le temps de découvrir cette belle ville qu’était Tokyo. Tes rares promenades dans des quartiers comme celui-là, c’était parce que tu y cherchais spécifiquement quelqu’un ou quelque chose. Tu te levas assez rapidement pour ne pas la retarder, attrapant tes affaires prête à la suivre. Tu ne savais pas vraiment pourquoi mais sa présence te rendait assez empathique. Son ambition et la positivité qu’elle recellait était sûrement contagieuse pour les gens comme toi, ceux qui en manquaient cruellement. C’est d’ailleurs pour cette raison que sa requête te fit cligner des yeux avant que tu ne la fixes en retour. Si on t’avait dit que ça arriverai un jour tu n’y aurais pas cru.


Effectivement, son empathie était assez communicative, compte tenu du fait que tu lui rendis son sourire à ce moment là. Avec cette élève là en tout cas le courant semblait mieux passer qu’avec ces bons à rien qui avaient détalés dès que tu avais fait un pas en avant. Le contraste présent dans les classes de UA était pour le moins flagrant. Pour autant, ferait-elle vraiment une bonne héroïne ? Loin d’être une wala tu ne pouvais la rassurer sincèrement pour l’instant. Néanmoins tu préférais relativiser sa modestie.


Lui emboîtant finalement le pas, tu tâchas de modérer ton allure pour ne pas la devancer puisque tu n’avais aucune idée de l’endroit ou vous alliez. Alors pour occuper tes nerfs tu pouvais bien t’intéresser à elle en tâchant, pourquoi pas, de ne pas en faire trop ? Qui sait si sa gentillesse apparente ne dissimulait pas une certaine susceptibilité sur laquelle tu pouvais si facilement appuyer sans même que ce soit délibéré. Hélas elle ne t’en laissas pas le temps en t’adressant une question qui avait le mérite d’être posée. Qu’une étudiante souhaite comprendre ton ressenti apparent envers sa filière n’était guère étonnant.


Un profond soupir t’échappas. Etrangement, vider ton sac t’aidais toujours à te calmer un peu, même si tu restais bien trop fière pour le faire quand c’était vraiment nécessaire quitte à te laisser ronger chaque fois un peu plus par ta rage.


Tournant alors brièvement le regard en sa direction, tu jaugeas sa réaction à tes propos avant de poursuivre.


Evidemment, tu n’allais la juger, c’était simplement une réflexion de curiosité sur ce passé qui semblait encore la hanter. Au moins elle avait encore suffisamment de coeur pour se préoccuper d’autrui malgré ses difficultés personnelles. Instinctivement, tu serras le poing et le tendis vers elle, sans cesser de marcher. Restait à voir si elle laissait ce geste sans réponse ou non.

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Plus tu l’écoutais, plus une certaine forme de respect à son égard se développait en toi. A présent tu comprenais au moins la raison qui avait poussé les quelques jeunes gens à s’en prendre à elle...mais à quel point sa famille pouvait être connue, pour que ce nom continue à planer au dessus de la jeune femme malgré sa résolution ? Tu ignorais ce patronyme mais préférais éviter de lui demander puisqu’elle semblait uniquement vouloir passer à autre chose. Dans tout les cas même si elle te l’avais révélé, avec ta connaissance inexistante de ce milieu, ça n’aurait rien évoqué pour toi. Ca faisait plus d’un quart de siècle que tu foulais ce sol et si au début on te dissuadait de te sociabiliser pour ta propre sécurité, tu n’y avais jamais trouvé un réel intérêt même en grandissant. Trop habituée à ton cercle familial restreint, ne t’étais-tu pas toi même coupée du monde en le jugeant de manière présomptueuse ? Inapte à contenir tes pulsions, ce tempérament avait fini par t’ôter tout désir d’extravertisme...car tu ne voyais comme guère mieux qu’un danger si l’on s’approchait trop de toi. Pourtant tu ne fuyais pas la compagnie lorsque tu éprouvais ta limite d’alcoolémie dans divers bars, la boisson te désinhibant alors. Est ce que tu ne risquais pas de devenir comme ces gens qu’elle décrivait ? Sombrer dans ce que tu essayais toi-même de combattre à force de laisser la rage prendre le pas ? Avec ce maudit Alter, plus tu l’extériorisais, plus elle semblait prendre le pas sur ta raison.

Dans le fond, le passé de la jeune fille était assez triste mais tu ne pouvais t’empêcher d’en retirer une forme d’amusement. Elle avait pris sa propre voie sans se soucier des ambitions de sa famille à son égard et composé avec leur hostilité sans se laisser restreindre par des chaînes imposées. Peu importe ce qu’elle devenait au fond, avec cet état d’esprit elle ne dériverait certainement pas. Au long de son discours, il y eut plusieurs fois ou tu aurais pu l’interrompre pour rétorquer à ses dires mais tu conservas ta langue dans ta poche en attendant qu’elle termine de s’exposer. Après tout elle en avait fait autant. Son optimiste tranchait clairement avec ton pragmatisme...mais cela relevait de constats personnels auxquels elle n’était sûrement pas encore parvenue. Rêver n’était pas non plus interdit, juste inutile de ton point de vue.

Si son discours avait amorcé un léger rictus sur ton faciès, la fin te fit la regarder à nouveau d’un air réellement satisfait avant d’en rire. Décidément, elle était exactement comme il le fallait.


Pourtant, malgré son assurance apparente… elle avait clairement souligné qu’elle cherchait encore à faire ses preuves. Selon ses dires c’était auprès de l’école qu’elle voulait se montrer digne mais elle te paraissais clairement vouloir se prouver à elle-même qu’elle valait mieux que cette famille noyée dans le crime dont elle était issue. Avec le recul, dans un milieu si impitoyable, tu pouvais te faire une vague idée de ce qu’elle avait dû traverser. Après un temps de marche, fidèle à toi-même, tu lui adressas une légère tape sur l’épaule, sortie de nulle part.


Ca, peut-être que tu n’aurais pas dû le dire, mais tu t’en fichais bien. Vu tout ce dont Solem était responsable, il t’étais inconcevable qu’il soit encore respecté. Durant son ère il n’aura finalement fait que tromper les gens en s’accaparant des valeurs qu’il ne possédait pas.


Ta main se mit alors à fouiller dans ta poche, assez nerveusement. Tant de choses te passaient parfois dans la tête que ta mémoire n’arrivait pas à tout retenir, particulièrement quand tu étais l’esclave de tes nerfs, faisant que depuis quelques années tu veillais à toujours avoir un carnet sur toi, par précaution. Pourtant, cette fois, tu n’écrivais pas à l’attention de ta propre mémoire.


Sans doute que ça ne servirait pas à grand-chose, mais tu avais l’esprit plus serein ainsi.

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Après tout ce temps ou tu avais monopolisé la conversation, il s’avérait que la jeune femme avait bien plus de questions que ce à quoi tu t’attendais. Pourtant, elle commençait fort. C’était vraiment à toi, dont le sang n’était pas oriental, d’expliquer à une jeune Japonaise l’histoire de son propre pays ? Bon, il fallait reconnaître que tu avais une bonne décennie de plus, à vue d’oeil, et que tu avais toujours vécu ici. Le problème c’est que ressasser cet évènement, pour toi, c’était remuer une période bien sombre de ton passé à laquelle il ne valait mieux pas trop toucher. Depuis douze ans que les graines du chaos avaient germées en ton esprit, si tu commençais à les arroser régulièrement, ta vision de l’héroïsme et le soin que tu mettais à t’y tenir, tout ça ne ferait plus long feu.


Ca, c’était au moins l’une des facettes de ce pays que tu respectais encore. Leur attachement profond aux codes et aux figures qui les régissent depuis des siècles...bien évidemment, certains en avaient fait usage à leur profit et d’autres s’en moquaient complètement, mais ça ce n’était qu’un comportement humain classique à tes yeux.


Et certaines étrangères y avaient même perdu leur aîné, leur propre source d’inspiration à l’héroïsme.


Ce n’étaient là que tes suppositions, pour le moins subjectives, influencées par ton ressenti envers un pays qui n’avait fait que tenter de colmater les fuites que ce drame avait montrées au grand jour en rigidifiant subitement sa loi. L’idée était loin d’être mauvaise puisqu’au moins elle pouvait dissuader d’user de son Alter n’importe comment...mais elle venait bien trop tard car bien trop de mal avait déjà été fait. Sa question suivante, bien qu’assez personnelle, te permis au moins de penser à autre chose...néanmoins, tu préférais rester prudente dans la formulation que tu emploierais.


Tendant ton bras opposé en direction de la route, ta main se mit à suinter d’un courant électrique visible. Pourquoi tu n’y avais pas pensé plus tôt ? Forcer la dose là-dessus aurait été le meilleur moyen de te calmer tout à l’heure...après tout tu te souciais peu du fait qu’on connaisse ton Alter dans l’absolu, même si tu n’étais pas du genre à le crier sur tout les toits. Après tout, même si l’on sait comment la foudre va frapper… on ne sait jamais ou est ce qu’elle frappera, ni quand est ce qu’elle le fera.


Ce qui expliquait tes quatre repas par jour, chacun dignes d’un banquet royal. Outre la contribution à la dette de ton père que tu t’imposais, outre l’argent que tu dépensais pour élever ta fille...c’était pas un peu de là que venait ta difficulté à boucler tes fins de mois sans jouer la justicière à mi-temps ?


C’était d’ailleurs un point que tu avais volontairement omis lors de ta réponse. En dépit de cette forme de respect que tu éprouvais pour Shina, elle n’avait pas besoin de mesurer l’intégralité de ton potentiel...elle réaliserai bien cela lors des entraînements que tu lui réservais. Et a vrai dire tu étais tout aussi curieuse de voir ce qu’elle pouvait donner quand elle se sortait les tripes.

Au gré de la discussion, elle te confia également un moyen de la joindre, ce qui te fit sourire l’espace d’un instant. Qui sait, maintenant quand tu voudrais te sortir de ce cocon pour ta propre santé mentale, tu aurais au moins un contact potentiel. La jeune femme continuant à te parler, sa dernière tirade attira rapidement ton attention. Et malgré la volonté que tu y consacras, tu ne pus t’empêcher d’exploser de rire.


Te qualifier d’héroïne...ça aurait pu figurer dans la compilation des blagues de l’année 2050.


Car tu préférais en effet mourir plutôt que fuir pour ton honneur personnel. Pour que tes proches ne te qualifient pas de lâche ou de traître comme le héros solaire fut qualifié jadis. Mais aussi parce que dans ta conception de la vie, il t’était inconcevable de cesser d’avancer, peu importe la taille et la profondeur du précipice que tu devais franchir, ou même le poids des chaînes qui essayaient de te retenir. Mettre de côté ses émotions le temps de l’intervention et se consacrer à son devoir...c’était ce que n’avait pas fait Solem ce seul et unique jour. C’était ce que tu ferais aussi si tu venais à prendre cela plus à coeur...mais le fait était que tu ne faisais ça que pour la stabilité financière de ceux qui t’hébergeaient. Dès lors...avais-tu le droit de mourir ? Tu n’avais pas la réponse.


Instinctivement, ta main vint se poser sur ta poitrine.


Finalement, tu en avais encore trop dit. Est ce qu’il y avait vraiment de la place dans ton esprit pour te poser tant de questions ? Ou bien est qu’en réalité la présence d’une tierce personne dont l’avenir n’était pas encore obligatoirement tracé te poussait toi-même à t’améliorer ?


Les tiens ne savaient rien de tout cela, c’était beaucoup plus simple ainsi.

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L’évocation de ses parents avait immédiatement atténué son sourire. Compte tenu de sa réaction, c’était pas le plus facile des sujets à évoquer pour elle, cependant elle fit au moins l’effort de te répondre...et ta réaction fut comparable à la sienne. Quel genre de parent posait un tel ultimatum à sa fille que de la renier si elle accomplissait son rêve ? Les tiens n’étaient pas parfaits mais au moins ils t’avaient toujours apporté un soutien, bien sur à leur façon, dans la voie que tu avais choisie. Quoiqu’ils s’étaient bien plus distants depuis que tu devais assumer tes propres âneries, mais ça ne pouvait pas te faire de mal...pour peu que tu les assumes vraiment, au vu du temps que tu passais à l’extérieur ou bien recluse sans daigner accorder plus à ta chair que le fait qu’elle existe ?

Mais la suite de son récit fut encore moins plaisante à entendre. Combien de fois son père avait essayé de la faire supprimer, ça tu ne pouvais que l’imaginer, mais tu aurais bien entrepris une petite visite à cet homme si elle ne t’avait pas tempérée en avouant que cela s’était calmé. Le principal, c’était que rien d’insurmontable ne lui soit arrivé et surtout qu’elle n’aie pas cédé à la tentation d’abandonner son rêve. Ce qui était rassurant quelque part c’est qu’elle semblait avoir trouvé un nouveau toit en plus d’une situation stable. Puisqu’elle s’en donnait les moyens, elle irait loin.


Ton regard fureta alors les alentours, ça commençait à faire un moment que vous marchiez,tout comme cela faisait un moment que tu ne reconnaissais plus aucune bâtisse sur la route, mais ton impression se confirma quand ta camarade te fixas en retour. Ca devait certainement être son bus qui arrivait, alors tu t’approchas un peu plus d’elle, lui adressant un léger sourire ainsi qu’une faible tape sur les bras


C’était donc ça le meilleur au revoir dont tu sois capable ? Ca le faisait pas...que ce soit avec tes collègues ou avec ta famille tu te contentais généralement d’un «  salut » ou d’un « à la prochaine » mais être aussi familière avec quelqu’un que tu venais de te rencontrer ? Non, ça servait à rien de vouloir te donner des apparences, tu étais trop spontanée pour ça. En particulier quand, lors de votre prochaine entrevue, tu serais certainement bien moins agréable qu’aujourd’hui.