Il se levait et s’il le pouvait il s’étirerait pour dénouer les muscles engourdis par les blessures occasionnées par les gangsters qui s’en étaient pris à lui la veille. Seulement une nuit de sommeil avait suffi à effacer les hématomes parcourant tout son corps piétiné comme un simple paillasson, sa mâchoire inférieure qui avait été sujette à de nombreux coups était elle aussi intacte. Il s’assit sur le bord de son lit en repensant à cette étrange rencontre qu’il avait pu faire : partager un verre avec un criminel recherché, voilà qui était la dernière des choses qu’il aurait souhaitée. Et pourtant ça s’était bel et bien passé, bien qu’il y coupât court dès que cette fameuse Nikki avait dévoilé son identité. Il refusait de collaborer avec les Villains par principe, et pourtant elle l’avait aidé à cogner ces gangsters afin de se venger. La réputation c’était quelque chose qu’il ne fallait pas perdre à Kabukicho sinon on pouvait finir à genoux face à n’importe qui. Autant il aurait aimé ne pas faire de grabuges en se laissant cogner et se faire oublier, autant c’était plutôt utile de se faire craindre par les habitués du quartier. Déjà ses escapades au marché noir avaient pu lui coûter la vie à plusieurs reprises mais comme il ne pouvait y échapper, apprendre sur le tas à faire peur aux personnes qu’il rencontre peut s’avérer utile.

Il se souvint en regardant son téléphone qu’il avait accepté d’organiser un cours pour une école qui avait des soucis avec ses élèves de classe élémentaire et comptait bien leur faire comprendre que la loi du plus fort était souvent celle qui régissait ce monde.

« -Bien le bonjour à vous !

-Bonjour madame ! crièrent les enfants en rythme

-Nous recevons aujourd’hui la visite de monsieur Tagaki qui a accepté de venir pour vous parlez davantage des alters, car comme vous ne le savez, nous n’avons pas tous des pouvoirs… »

Il y eut tout d’un coup un brouhaha des plus chaotiques, les enfants parlaient en tout sens, criaient, hurlaient, rigolaient, pleuraient. Tomeo s’apprêta à parler mais c’était impossible de se faire entendre. Il pensait d’ailleurs qu’il n’était pas le meilleur placé pour parler des Alters, tout ce dont on lui avait demandé de faire était d’inculquer une notion de discipline dans cette classe devenue sans espoir. Il hurla et retira sa chemise qu’il avait mise spécialement pour l’occasion. Le silence se fit aussitôt suivi de discrets gloussements. L’institutrice était quant à elle complètement aspirée par la vue des muscles saillants du forgeron tout en se demandant en quoi cela allait aider la situation.

On va jouer à un jeu. Celui qui arrive à me mettre au sol a le droit de dire ce qu’il pense à tout le monde. Et pour commencer je vais dire ce que je pense.

Il inspira profondément, ils étaient tous curieux de savoir ce qu’il allait dire. Certains répétaient de manière effrontée « Nianiania je vais dire ce que je pense »

Je pense que…. Ce que nous enseigne l’école ne vaut pas les rencontres que l’on y fait.

Il sourit puis haussa les épaules avant d’inviter les élèves à le mettre à terre.

Que celui qui ne pense pas comme moi vienne me mettre à terre pour dire ce qu’il pense.

Bizarrement il y eut un silence, il faisait deux fois la taille de la plupart des élèves et ses bras étaient aussi large que leur corps alors automatiquement, ils ne montraient aucun intérêt à essayer de s’en prendre à lui. Il patienta quelques secondes, s’attendit à ce que le chaos renaisse mais étrangement ils restaient plutôt silencieux.

Personne ? Bon bah… Je pense que vous êtes des poules mouillées !

Toute la classe se mit à rire et l’instant d’après Tomeo tomba violemment au sol, il put discerner parmi les enfants une jeune fille qui agitait ses bras et dont les cheveux lévitaient. Il ne pouvait pas se lever facilement car une étrange force le maintenant au sol. Elle s’avança et lança.

Je pense que Takaka Tobobo fait pipi dans son lit !

Hahaha ! Hahaha ! Moi aussi je pense ! Moi aussi je pense !

C’était ça de gagné, ils étaient rentrés dans son jeu et ça voulait dire que ce n’était pas perdu d’avance. Il attendit que le silence redescendît alors qu’il se faisait mitrailler de provocs puériles pour répondre à la petite.

Très bien, très bien. Je vais vous dire la vérité…

Il poussa de tout son corps la force invisible afin de se relever lentement. Tel un colosse imposant se levant d’un sommeil de mille ans il parvint à rester debout, affichant une stature optimale pour résister à la force.

Je n’ai jamais fait pipi au lit tout simplement car mon corps fonctionne parfaitement. Je contrôle mon corps peu importe la situation. Bon… que celui qui pense que je fais pipi au lit vienne me mettre au sol, je vous attends.

Aussitôt il sentit une odeur de souffre très intense, comme s’ils essayaient tous de le mettre au tapis à l’aide de leur Alter car son propre Alter lui permettait de discerner un effet et de le bloquer par cette odeur. Le sol devenait également mou sous ses pieds et il se dépêcha de sauter à côté.

Attention Monsieur Takagi, il y en a un qui a un Alter très dangereux ! Il peut lire vos peurs et les matérialiser devant vous. C’est le leader de la bande.

Il fit un clin d’œil à l’institutrice et se dépêcha de courir vers celui désigné par cette dernière. Il le choppa sous le bras et le présenta à tout le monde en le portant en l’air tel le nouveau roi présenté à la cour.

Bon, voici Jimmy. Il est mon assistant. Jimmy dit bonjour à tout le monde.

…

Allez, sois gentil Jimmy. Le rôle de l’assistant est de dire si c’est vrai ou faux ce que je pense de telle ou telle personne. Par exemple… On va faire quelque chose de simple pour commencer. Je pense que Jimmy n’aime pas parler de lui et pourtant il aime bien la maitresse.

Je… Je ne m’appelle pas Jimmy !

Ah ? Comment t’appelles-tu alors ?

Jyunban.

Ah… et tu aimes bien la maîtresse alors, tu ne m’as pas contredit sur ce point…

Les enfants suivaient plus ou moins la conversation mais surtout parce qu’ils voulaient savoir ce que Tomeo allait dire sur eux. Au final ils arrivaient à avoir des rires face au sketch que faisait le vendeur d’équipements héroïques aux enfants et il arriva à la morale de son sketch en arrivant au dernier élève de la classe.

Bon et toi je suis prêt à parier que tu aimes la musique, tu détestes les mathématiques mais que tu as un petit faible pour moi. Tu ne fais que de me regarder depuis avant avec des yeux remplis d’étoiles.

Plutôt crever !

Haha. Ne t’en fais pas, je suis plutôt mauvais devin, c’est juste ce que je pensais en te voyant après ce n’est pas forcément la vérité. Il est important de montrer ce que vous voulez que les gens comprennent. La maîtresse m’a appelé parce qu’elle trouve que vous ne montrez pas assez de gentillesse envers elle mais vous l’embêtez parce que vous l’aimez bien n’est-ce pas ? Mais elle ne voit pas toute cette affection parce que comme moi elle n’est pas très forte pour deviner les choses. Aussi, si je pouvais ajouter quelque chose de mon côté, je pense… Et vraiment je le dis avec mon cœur, je pense qu’il est important de montrer à quelqu’un qu’on l’apprécie parce qu’après il sera peut-être trop tard et on peut avoir des regrets. Vous êtes des enfants, les regrets ne viendront que bien plus tard, mais il n’est jamais trop tôt pour apprendre une bonne leçon.

Il ne savait pas du tout si ce qu’il avait fait était utile, il ne savait pas si le calme qu’il avait instauré pendant sa courte présence suffirait à les faire mûrir mais c’était le maximum qu’il pouvait faire de son expérience et de sa formation de forgeron de campagne. Faire le clown aura peut-être suffit à leur graver de bons souvenirs entre copains.