Imaginez vous une petite fille pleine de rêves. Une petite fille accrochée en permanence à la télévision, toujours prête à écouter les informations afin d’en apprendre plus concernant les héros et leurs exploits. Imaginez son sourire et les étoiles dans ses yeux à la vue de Solem sur l’écran. Des posters accrochés partout dans sa chambre et le mot « héros » qui sort en permanence de sa bouche. Comme tout enfant, elle rêvait. Elle rêvait de sauver les autres, de combattre les méchants. Elle rêvait d’Alter et attendait avec hâte de connaître le sien.

Alter dont elle ne voyait pas la couleur.

Elle grandissait et on la baratinait. On lui répétait qu’elle n’était pas comme les autres, que ses aptitudes mettraient un peu plus de temps à se développer. On lui mentait tandis que son rêve grandissait. Les jours passaient, et son sourire n’avait de cesse de croitre. Malgré les critiques, les moqueries à l’école, elle croyait ; était persuadée que son tour viendrait. Ses parents y sont pour beaucoup ; car jamais ils n’ont osé lui dire la vérité (ou du moins, pas avant quelques années).

Ce jour où le médecin les as pris en aparté, leur dévoilant que leur fille n’aurait jamais d’Alter. Qu’elle ne serait qu’une civile lambda aux rêves brisées. Il leur a conseillé de ne pas tarder à lui dire la vérité, leur préconisant un psychologue à consulter (car il savait que ce genre de nouvelles n’étaient jamais bonnes à donner), le contact de personnes spécialisées si jamais. Mais ils n’ont jamais réussi. Ils n’ont pas su lui avouer une fois rentrée, car déjà elle s’était précitée pour allumer la télé afin d’y voir Solem vainqueur ; conquérant.

Elle avait les étoiles dans les yeux ; l’espoir ancré dans l’coeur.

La réalité vint la percuter de plein fouet à l’âge de quinze ans. Imaginez-vous un peu, onze ans de mensonges. Elle est tombée bien bas, ce jour-là. La période de l’adolescence n’a rien arrangé. Longtemps, très longtemps, elle en a voulu à ses géniteurs (et ce encore aujourd’hui). Elle a fugué de nombreuses fois (comme une tentative de fuir ce monde qui avait décidé de la renier ?). Elle a commencé à faire des conneries, plus ou moins graves. Elle ne se sentait à sa place nul part ; n’était en sécurité nul part. Elle se sentait différente, moins forte, pas utile à la société comme elle l’avait tant souhaité.

Elle se voyait comme une moins que rien.
Sa différence, il lui a fallu du temps pour l’accepter ; pour avaler la pilule.

Et puis, un jour, y ce type qui l’a sauvé. Qui lui a indiqué la voie à suivre. Alors qu’elle s’trouvait dans un pétrin sans nom, alors qu’elle était en tort sur toute la ligne, il lui a donné une seconde chance. « Si tu veux aider le monde à ta façon, entre à la police. Ca sera le meilleur moyen. J’t’enseignerai. » Qu’il lui a dit, si sûr de lui, sa cigarette à la main. Alors, âgée de dix-neuf ans, Ume est partie faire une formation d’inspectrice pour la police. Formation courte, elle est rapidement allée sur le terrain en compagnie de ce gars qui l’a sortie des Enfers. Il lui a donné les clefs, lui a montré, l’a aidé. Elle était plutôt bonne enquêtrice, avait de bonnes idées, de bonnes réflexions (notez des heures de travail personnel derrière tout ça ; elle a travaillé dur). Son petit salaire lui a permis de quitter la maison familiale et de se barrer (elle voulait plus les voir ; ils n’existaient déjà plus pour elle à cet instant). Elle s’est perfectionnée dans les sports de combats, le maniement des armes, la logique, la recherche.

Et v’là la Trahison.

Quel déchirement au coeur que de voir le héros qu’elle avait tant idolâtré prendre la poudre d’escampette une fois le danger devenu trop grand. Elle a été dégoutée (bon sang qu’elle l’a été). Ça l’a réellement perturbé ; perdu dans ses propres pensées (elle a remis en questions l’entièreté de ses croyances). Ume, elle a détesté les héros (frustration de ne rien pouvoir faire, pas même la moindre petite chose ; de n’être qu’une humaine banale incapable de grands exploits). Tout ce qu’elle préférait voir, c’était les vilains gagner.

Elle en était même rendue à vouloir les aider.
Jusqu’à ce qu’elle trouve l’idée parfaite.

A vingt-quatre ans, après avoir bien appris de la police, elle l’a quitté. Elle est devenue la femme de l’ombre, appelée Hiji. Elle a décidé de mettre à profit ses compétences en recherches pour devenir informatrice. Contre un bon paquet d’oseille, elle prendra les risques nécessaires pour aller cueillir les fruits et aller donner sa récolte à quiconque le lui demandera. Elle n’est pas compliquée : un max de thune suffira.

Aujourd’hui, elle est prête à vendre ses précieuses informations à héros comme vilains. Ainsi, elle a l’impression de contribuer à la fois au mal et au bien. Elle a l’impression d’avoir le pouvoir ; le contrôle (de pouvoir changer le monde à sa façon).

Mais tout ça, au final, ce n’est qu’un subterfuge afin d’oublier qui elle est, que lorsqu’elle répond sous le prénom d’Ume, elle n’est qu’une pauvre civile qui fait partie de ce pourcentage minime de personnes qui ne se voient pas gâtées par la nature et dont l’Alter est inexistant.