On nomma ce terrible jour comme tel : la Trahison. La figure d’espoir ayant abandonné les siens ainsi que sa patrie, le visage du Japon changea du tout au tout. On savait les Alters dangereux, mais à quel point ?
"Gare de Shinagawa, prochain arrêt gare de Shinagawa."
Le garçon sortit de son demi-sommeil en ouvrant les yeux, l’annonce à peine terminée que le train à très grande vitesse arrivait déjà en gare. Précision japonaise, pile à l’heure. Il était parti avec l’un des premiers trains d’Osaka pour éviter la foule et prendre le temps pour sa journée. Il s’étira en se levant, ses mains touchant le plafond en bois. Il profita de cette position pour saisir sa grosse valise et son sac à dos.
Il venait s’installer ici, Ryotaro repensait à sa réaction quand il avait ouvert cette lettre qui devait changer sa vie. Il avait fait une suffisamment bonne impression pour être sélectionner par Yuei, peut-être que le fait que son père avait fait la même école n’y était pas étranger non plus. Le futur lycéen avait douté quand il avait été passer les évaluations. Seul le visage de sa mère quand il lui annonça la nouvelle dissipa un peu le brouillard.
Mais après cette courte euphorie, il s’était à nouveau un peu caché dans sa coquille, Tokyo… Il devait aller vivre à la capitale, s’éloigner de sa mère bien qu’elle lui assurait que tout irait bien. Après tout, c’est elle qui avait envoyé le dossier. Il avait donc commencé à préparer ses affaires, à faire ses bagages en suivant.
Et il y était aujourd’hui, sortant du train, Ryotaro pris une seconde pour respirer l’air de la capitale. Puis le tumulte organisé l’emporta, le flot des voyageurs passant autour de lui, l’évitant pour rejoindre le train ou au contraire le quitter, dans une mécanique horlogère où seul lui semblait grippé à regarder autour de lui. Il cherchait de l’œil l’accueil de la gare.
Il marcha un peu au hasard avant de trouver le comptoir qu’il cherchait. Il se présenta, sortit sa carte d’identité et énuméra différentes informations à son sujet. Le Volcan était à Tokyo, un petit point lumineux devait avoir été déplacé d’Osaka à la capitale quelque part sur un écran de suivi des individus présentant un Alter avec un très fort risque.
La dernière question portait sur la raison de sa venue. Étudier ? Devenir un héros ? Un rempart ? Il choisit la première option pour l’instant. Quittant la gare, le garçon sortit son téléphone pour tenter de se repérer dans la ville tentaculaire et tenter de rejoindre son lycée.
"Oh…"
L’écran semblait ne pas réagir, dans un flash il n’arrivait pas à se souvenir s’il l’avait mis à charger la veille au soir. C’était bien sa veine. Ses épaules s’affaissèrent un peu, la matinée de fin mars était tout de même fraiche malgré les vêtements épais qu’il portait. Il choisit de se poser sur un banc un instant, le temps de passer de la crème sur ses mains qui ressentaient le vent frais comme des petites aiguilles le piquant à vif. Il enfila ensuite des gants, un bonnet et une écharpe en plus de sa tenue déjà épaisse. Ils n’étaient pas beaucoup plus au nord, mais il avait l’impression que les températures étaient bien plus fraiches. Il avait horreur de ça.
Sur couvert par rapport au reste des badauds. Ryotaro chercha un abri, un café quoique ce soit qui lui permettrait de se réchauffer.
Oui, un thé, brulant.
Il avait maintenant cette image en tête, il pourrait en profiter pour demander à faire charger son téléphone dans les lieux tout en savourant une boisson chaude. Il tressaillit un petit peu avant de se lever à nouveau. Quitte à choisir un café, il préférait éviter les prix de la gare et autour. Il avait juste assez pour son transport jusqu’au lycée et pour un ou deux repas, il voulait faire attention.
Bien entendu, zigzaguant entre les avenues essayant d’aller vaguement vers le quartier de son lycée, le futur étudiant se perdit un peu, les avenues devenant des rue et les rues, des ruelles.
Peut-être par là…
Il était maintenant dans ce genre de petit quartier dans les quartiers, avec leurs konbinis, leurs petits magasins d’électro ménagers aux prix prohibitifs mais avec toujours du monde pour faire la causette devant même en cette heure matinale.
Il croisa un jeune couple d’à peu près son âge avec leur animal de compagnie, ils semblaient juste posés là, à attendre que le temps passe et que la journée commence à vraiment défiler. Le futur héros pris son courage à deux mains, c’était plus simple avec des gens de son âge.
"Excusez-moi… Hum y a un endroit pour boire un thé ou autre dans le coin ?"
Ce n’est qu’à ce moment qu’il se rendit compte que l’animal de compagnie en question était assez… Particulier.
Tu avais passé la nuit à être sur ton nouveau téléphone, à essayer de comprendre comment il marchait. Cela faisait tant d'années que tu avais pu observer les gens avec ce genre d'outil, lorsque tu étais à la rue et maintenant que tu vivais chez ton maître Goro, tu t'étais un peu plus intéressée à l'univers qui t'entourait. Sous la demande de Shina, tu avais alors quémander auprès du squelette d'en acquérir un et maintenant, c'était de savoir comment s'en servir. Tu le bougeas dans tout les sens, t'éclatant par ailleurs les yeux à chaque fois que tu touchais un bouton. En vain... Après tout, tu ne savais lire et c'était peine perdu avec seulement quelques lettres de l'alphabet. Tu t'étais donc mis à grogner fortement dans ton lit, jetant le téléphone sur le côté pour te rouler en boule, espérant que ton ami Eiji pourra te venir en aide.
- T'es sérieuse ? Pourquoi tu prends un portable si tu ne sais même pas lire et écrire ?
Avait grogné le garçon, agitant sous ton nez le dit-objet. Tu haussas des épaules, parce que t'avais clairement pas envi de te disputer avec ton aîné mais en plus de cela, tu avais vraiment mal dormi. Exaspéré, Eiji finit par allumer l'appareil, glissant ses doigts par dessus et se mit alors à pianoter en silence, te laissant observer ses moindres gestes. Finalement, il t'indiqua quelques petits images par dessus.
- Ok. Donc je viens de programmer ton téléphone. Tu vois cet icône ? C'est pour pouvoir lancer un appel. Je vais mettre ma tête avec mon numéro et il te suffira juste d'appuyer dessus pour m'appeler. Tu demanderas aux autres de faire la même chose que moi.
Puis il éteignit le téléphone avant de te le tendre. Un léger gémissement sortit de ta gorge alors que tu le pris entre tes doigts, une légère moue sur le visage. Pour l'avait-il éteint ? Comment fallait-il faire pour le rallumer ? Quel était donc ce tour de magie ? Sérieusement, tu détestais ne rien savoir de la vie actuelle, tu te sentais toujours à côté de la plaque, tout ça parce que tu n'avais jamais mis les pieds dans une école, appris quoique se soit. Puis tu repensas à la télévision qu'il y avait chez toi que tu avais brutalement cassé tout comme le frigo qui avait fini en poussière car tu avais cru à un monstre mangeur de nourriture. Beaucoup de temps à comprendre tout de la vie.
- Alors apprends moi à lire et à écrire ! Tu gémis.
Attrapant par la même occasion sa manche, tentant de t'élever le plus du sol de la pointe de tes pieds. À ce moment précis, Eiji sursauta, retirant son bras aussitôt de ton emprise d'un coup sec avant que son regard se durcisse. Ce rejet, tu le sentis dans tout ton être qu'une petite larme alla naître au coin de ton oeil, reculant de quelques pas. L'adolescent finit par observer tes mains avant de soupirer, remarquant que tes bandages étaient bien mis en place sur tes paumes.
- Désolé. J'ai eu peur que tu me tues... - Mais je sais me contrôler ! Tu peux pas avoir peur de moi tout le temps, quand même ! - Oui, pardon. Oublions ça et posons nous quelque part. Je vais t'apprendre quelques trucs si tu veux.
Tu hochas de la tête avec lenteur, un regard qui en disait long. Tu voulais bien passer à autre chose mais clairement, tu n'allais pas oublié ce geste de refus de sa part. Le rejet était quelque chose que tu avais trop vécu, que tu détestais maintenant et tu avais trop de difficulté à pardonner ces personnes qui t'avais osé regarder de haut, à t'abandonner lorsque tu en avais besoin.
Attrapant ton chien à deux têtes par la laisse, tu suivis Eiji près d'une petite place, plutôt au soleil afin de ne pas trop subir le froid de l'hiver. Heureusement, Shiro et Kuro ne semblèrent pas gênés par le froid et agitèrent le corps commun à poursuivre quelques feuilles tombant d'un arbre, faisant claquer en même temps leur mâchoire respectif. Le chien était totalement calme et n'attirait l'attention de personne, malgré son physique hors du commun, il s'effaçait même facilement, agissant comme lorsqu'il était vivant et pas fusionné à une autre tête.
Alors qu'Eiji sortit un livre de son sac, afin de te le montrer. Un autre garçon s'approcha de ton petit groupe, un regard totalement perdu sur le visage. Tu ne connaissais que trop bien ce genre d'expression, celui d'une personne un peu paumée, pas très sûre d'elle. Surtout lorsque celui-ci déplaça son regard sur le chien squelette qui s'arrêta alors de s'amuser avec sa feuille morte. Une des têtes se tourna vers lui avant d'aboyer et de se jeter sur lui, tout en remuant la queue comme un fou, tentant surtout de lui lécher la main, ce qu'il ne réussit malheureusement pas à faire que de lui chatouiller la peau avec ses dents. L'autre tête, quant à elle, se mit à gémir, tournant son regard vers toi tout en te suppliant que tu arrêtes ce cirque. Eiji eut le premier réflexe, se leva et attrapa le collier de Kuro pour le faire reculer.
- Arrête ça ! Tu vas l'effrayé espèce de sac d'os ! Désolé. C'est un gentil chien mais c'est vrai qu'il fait peur.
Toi, tu ne dis cependant rien, fixant de ton regard d'azur l'inconnu. Il était sacrément grand mais il semblait un peu plus jeune que Eiji. Genre, ton ami ne lui tiendrait sûrement pas tête. T'imaginais même que trop bien ce gaillard mettre un coup de poing dans la gueule de Eiji, déjà qu'il était du genre craintif. Finalement, tu réussis à sortir de tes pensées, te jetant d'un coup devant le garçon avant de relever la tête, au point de sentir une petite douleur dans la nuque. Non d'un squelette, t'étais minuscule face à lui ! Heureusement que tu étais en pleine croissance à ce jour et que tu avais gagné plusieurs centimètres et poids depuis quelques semaines.
- Waouh ! T'es sacrément grand toi ! Tu disais ?
Puis tu le regardes de nouveau, plus en détail. Il devait sûrement faire du sport, un très gros sport pour être comme ça. Est-ce qu'il était capable de te porter comme un sac à patates ? Comme le faisait Goro avec toi ? Est-ce que son alter, c'était genre la puissance ultime ? Étrangement, ce garçon t'intéressait et t'avais pas envi de t'y frotter, même avec ton alter capable de tout désintégrer.
- Tu voulais boire un truc, c'est ça ? Je crois qu'il y en a un pas loin. Avec des animaux dedans si tu veux. T'aimes les cafés à chats ?
À ce moment, Eiji roula des yeux, te faisant rappeler qu'avec le chien mort-vivant, cela ne risquerait pas d'être possible mais il te proposa qu'il aille promener Kuro et Shiro si ton envi d'aller boire un thé te faisait plus envi.
La surprise premièrement, un chien squelette, soit. Un peu morbide, mais leur monde avait vu son lot de changement depuis l’apparition des premiers Alters alors, pourquoi pas. Ensuite, il avait deux têtes, qui semblaient vouloir des choses différentes. Enfin, il fonçait sur Ryotaro. Par réflexe, le garçon eut un pas de recul, mais trop tard. L’une des têtes commença à gentiment lui mordiller la main.
La surprise passée, le futur lycéen souffla un peu pour évacuer celle-ci. Celui des deux qui semblait être le maître du chien le rappela à l’ordre. La tête la plus sensée des deux sembla prendre le dessus et calma son binôme siamois. Peur, c’était un peu le mot, Ryo ayant la chance d’être plutôt ouvert sur le sujet, sachant qu’il arrivait dans la capitale, il partait du principe que l’inconnu était possible. Mais effectivement, au-delà de son apparence, il semblait gentil.
"Pas d’souci…"
Le nouvel arrivant regarda sa main une fraction de seconde, ce fut suffisant pour qu’un incendie roux se rapproche de lui. Le troisième membre du trio était sur lui. L’étudiant fit un nouveau pas en arrière. Est-ce que c’était une habitude des gens de Tokyo d’empiéter si vite sur l’espace vital des gens ?
Elle commença à le toiser, bien qu’ayant une bonne tête et demie de moins que le garçon après sa poussée de croissance. Il n’y a pas si longtemps, il était à peu près à la même hauteur. Sacrément grand hein ? Bon peut-être un peu, c’est vrai que les gens lui faisaient la réflexion, surtout quand il était revenu en cours après quelques semaines de vacances, et une bonne dizaine de centimètres en plus. Qu’est-ce que ça avait été douloureux et qu’est-ce que c’est fatigant de se faire regarder comme ça tout le temps !
"Euh… Oui, je cherche un café."
Elle continuait de fixer le futur héros, il n’aurait su dire ce qu’elle pouvait penser. N’ayant pas peur des mots, il était un peu désarçonné par cette rencontre, qui était sa première à Tokyo. Il devait composer avec plusieurs éléments et c’était plutôt brutal pour quelqu’un qui n’avait quitté Osaka qu’à de rares occasions pour les vacances et les voyages scolaires.
La jeune fille aux cheveux roux proposa une solution. Avait-il bien entendu ? Un Café à chat ? Il n’avait jamais entendu parler de ce genre de lieu, ne s’intéressant pas vraiment aux animaux, mais plutôt aux végétaux. Ryotaro avait donc en tête l’image d’un café, peuplé d’individus avec des Alter félins en train de siroter du lait chaud dans des gamelles. Était-ce vraiment ce genre de lieu qu’elle imaginait.
Mais après tout, elle connaissait certainement mieux la ville que lui. De plus, elle n’avait pas hésité bien longtemps avant de le proposer. Elle devait savoir ce qu’elle faisait. Enfin, ça, c’était avant que son compagnon ramène l’attention sur le chien bicéphale. Bien que mort, les habitués du café risquaient de ne pas vraiment apprécier cette présence canine.
"Je… Tant qu’y’a de quoi boire quelque chose de chaud et de quoi charger mon téléphone… J’imagine que oui ?"
Malgré les gants, il mit les mains dans ses poches, autant pour se protéger du froid que parce que, comme souvent, il ne savait pas quoi en faire. Néanmoins, il se sentait également suffisamment serein pour se le permettre même dans ce lieu inconnu, ayant relativement confiance en ces trois inconnus qui ne l’avaient pas envoyé bouler directement.
Tu t'étais peut-être approchée un peu trop violemment, piétinant alors son espace vital. Enfin, c'est ce que tu avais ressenti, de la gêne et du recul. Et cela, tu connaissais bien car il y a quelques temps, tu étais exactement pareille. Peut-être était-ce ce fait d'avoir rencontré Astrid et demander à Eiji de t'en apprendre plus sur la vie actuelle. Alors, doucement, tu redescendis sur terre et fis quelques pas en arrière, un regard tentant de se faire pardonner pour cette erreur de mise en entrée. Afin de montrer cette gêne, tu passas une main derrière tes cheveux, la déposant doucement sur ta nuque alors que ta tête fixa le sol.
- Oups. Nullement dans l'envi de vouloir te sauter dessus...
Tu avais senti derrière toi le regard inquiet de Eiji. Tu étais après tout une jeune adolescente maladroite, ne sachant comment bien s'y prendre avec les gens et Eiji en était bien la preuve. Il avait failli se faire tuer par ton alter et même après que tu lui ais épargner la vie, il avait eu continuellement peur avant de te prendre un peu par le dessus et te reprocher la plupart de tes actions.
Cette fois-ci, tu étais complètement gênée, tournoyant un peu tes mèches entre tes doigts, le regard fuyant. C'était en l'ayant observer et analyser ses phrases que tu compris vite qu'il n'était pas d'ici. Venait-il de derrière les montagnes comme Astrid ? Toi qui n'avais jamais quitté Tokyo et ses alentours, tu étais curieuse d'en savoir plus et cette femme t'avait donné envi d'aller au delà du reste du monde, de pouvoir découvrir de nouveaux endroits et pas que les horribles bâtiments de la ville où tu avais grandi.
- Je te prie de m'excuser... Je ne suis pas du tout douée avec les gens.
Finalement, ta tête se tourna vers Eiji, observant ton aîné avec des grands yeux. Celui-ci te répondit d'un pouce en l'air, apparemment fier que tu ais compris ton erreur. Puis il se retourna vers l'inconnu, tapotant en même temps une des têtes du chien, afin de le calmer afin qu'il ne se jette pas une nouvelle fois sur le colosse. Et toi, pendant ce temps, tu observais en silence la scène, bien trop gênée par ton geste un peu brusque et maladroit de mise en matière.
Tu peux charger ton téléphone. Il y a des prises là-bas. Il se retourna vers toi. Perso. Je préfère aller promener Shiro et Kuro. Tu as qu'à l'accompagner.
Tu hochas de la tête, le regardant alors s'éloigner petit à petit de toi et du garçon. Puis tu réalisas que tu étais désormais seule avec un inconnu, sans soutien émotionnel, sans aide si cela tournait mal. Aussitôt, tu t'attrapas le crâne de tes deux mains, commençant à paniquer dans ta tête d'adolescente qui ne connaissait quasiment rien du monde qu'un squelette complètement timbré qui t'avait juste appris à te battre. Tu voulus hurler quelque chose mais tu préféras garder le silence, tentant alors de reprendre ton calme, respirant bruyamment avant de te retourner vers l'inconnu.
- Euh... bah. C'est pas loin d'ici.
Tu l'emmenas alors dans un petit café plutôt spacieux. Il était grand principalement en hauteur, avec des branches et des petits ponts de bois où se trouvaient quelques chats. Autour des tables et des chaises, on pouvait aussi trouver des paniers, des arbres à chats où les félins s'y reposaient, d'autres se faisaient caresser ou jouaient avec des clients. Tu te retournas vers le garçon, avec cette fois ci un regard timide, tu n'étais plus la personne surexcitée en voyant un grand adolescent débarqué dans la ville.
- Tu... Tu veux que je paye ? Tu n'as pas l'air d'ici. Je peux peut-être t'aider ?
Elle s’excusait un peu de l’avoir approché aussi vite alors que le garçon retrouvait un peu de sa stature. Il avait pu la détailler de très près et la voyait dans son ensemble. Elle avait l’air un peu plus jeune que lui, s’il se basait à la moyenne de taille des filles qu’il connaissait. Son attitude était assez proche de ce qu’aurait pu faire Ryotaro dans cette situation, chercher à faire quelque chose de ses mains et fuir un peu le regard de l’autre.
"Y a pas d’mal…"
L’attitude de la jeune fille était devenue beaucoup plus calme et distante après l’excitation de la rencontre sans doute. Comme si elle était encore en train d’intégrer les codes pour évoluer en société, comme dans un âge compliqué entre la tendresse de l’enfance et le début de la pression qu'apporterait le regard des autres.
En parlant du regard des autres, elle chercha celui de son compagnon qui semblait occupé avec le chien squelette. Il était pourtant très attentif à la suite des événements, comme si derrière sa décontraction il était prêt à intervenir à tout moment. Il fit comprendre à la jeune fille que tout était bon et qu’elle avait rattrapé le coup. Elle sembla se détendre un peu bien que toujours un peu tendu et cherchant à se fondre dans le décor.
Shiro et Kuro, ce devait être le nom du/des chiens, car ils réagirent chacun à leur façon à leur nom entraînant des hésitations dans ses mouvements. Ryotaro était content d’entendre qu’il pourrait au moins charger son téléphone dans le lieu que lui avait désigné la rousse. Celle-ci se proposa, un peu par l’intermédiaire de son comparse qui s’éloignait pour l’accompagner.
Ils se retrouvaient là, comme de plots au milieu de la place, les feuilles mortes tournoyant légèrement dans la brise fraîche de la matinée.
Elle eut une réaction un peu disproportionnée qui déstabilisa le futur héros. Est-ce que tous les gens qu’il allait croiser allaient laisser voir leurs émotions et leur panique comme ça ? C’était… Perturbant… Presque autant que la voir retrouver une contenance en quelques secondes après ce qui ressemblait à des exercices de respiration ou autre.
Elle l’entraina avec elle dans la direction du café, Ryotaro fût surpris par la luminosité de celui-ci et… finalement le lieu n’était pas réservé aux personnes avec des altérités félines ! Les boules de poils se baladant librement dans les lieux, sans dieux ni maitres, ils agissaient comme les propriétaires des lieux, acceptant de se faire dorloter à leurs bons vouloirs avant d’aller dans les hauteurs ou de renverser des décorations.
Les vrais propriétaires des lieux semblaient avoir un calme et une patience forgés dans la roche, ramassant en silence les objets tombés, réservant des cafés quand ils avaient été renversés par de jeunes chatons. Curieusement, Ryotaro trouvait le lieu assez chaleureux et réconfortant après la froideur de la ville et la solitude qu’il avait ressentie. Son accompagnatrice semblait hésiter. Elle avait compris qu’il n’était pas d’ici sans doute à son attitude ou à son accent peut-être ? Il eut un demi-sourire.
"Non ne t’en fais pas.. C’est à moi de payer pour ton aide. Merci encore !"
Il s’approcha du comptoir, demandant au tenancier une carte ainsi que la possibilité de pouvoir brancher son téléphone derrière le bar le temps qu’ils consomment et que la machine se recharge.
Certains chats commençaient à ronronner au pied du garçon et sur le comptoir alors que le menu leur était approché. La personne derrière le bar leur proposa de passer la commande puis leur indiqua une table à laquelle ils pourraient attendre. Ryotaro tendit la carte à son acolyte du moment tout en caressant négligemment un chat qui s’approchait. "Je vais vous prendre un thé matcha, s’il vous plait."
Ils étaient assez nombreux maintenant et le suivaient quand bien même il se déplaçait un peu se balançant d’un pied sur l’autre. Les animaux devaient sentir que sa température était plus chaude que celle des autres personnes, un radiateur qui faisait des caresses, le jackpot !
Tu l'observais d'un oeil attentif mais aussi gênée de devoir s'immiscer dans son cercle vital. Tu commençais peu à peu à apprendre les bases du contact social et donc, tu ne savais guère comment danser sur ce genre de chemin. Heureusement, le garçon semblait accepter ta maladresse du bon côté. Tu avais peur qu'il puisse te rejeter par ta façon d'être mais il resta très poli envers toi. À ce moment, tu sortis de ta poche quelques billets, montrant que tu pouvais très bien t'en charger. Somme très haute, bien plus que nécessaire, de quoi s'acheter un objet de luxe. Mais tu n'avais aucune notion de l'argent, comme tes connaissances en maths ou encore le téléphone et peut-être que cela pourrait rendre jaloux plusieurs personnes.
- Mes maîtres m'ont donné de l'argent. Et je me suis quand même jetée sur toi. je dois bien me faire pardonner.
Mais si l'adolescent, plus âgé que toi, avait l'intention de payer, alors, tu ne pouvais pas le contredire. Ton attention n'était pas de déranger, de l'énerver ou quoi que se soit d'autre de négatif. En tout cas, celui-ci semblait attirer tout les chats du petit café car ceux-ci s'étaient tous retrouvés à se frotter contre ses jambes. De plus en plus, ce garçon t'étonnait, curieuse de découvrir qui c'était. Mais ta curiosité serait un bien gros vilain défaut et tu te retins de lui demander, de peur de le gêner de nouveau. À la place, tu pris la carte, faisant semblant de la lire en plissant les yeux. C'était vraiment débile, ton ami Eiji était parti avec ton chien et tu n'avais donc plus personne pour pouvoir t'aider à déchiffrer ce qui était écrit sur le papier. Au fond de toi, tu savais que tu aurais très bien pu demander à ton voisin de te lister les boissons dessus mais de peur que tout les clients se moquent de toi, tu finis par poser ton doigt au hasard sur la carte. - Euh... Je vais prendre celui-ci.
Tu ne savais pas ce que tu avais commandé et encore moins sur quoi tu allais tomber. Tu allais juste croiser les doigts et espérer recevoir une boisson plutôt bonne. Dans tout les cas, tu n'étais pas ce genre de personne compliquée au niveau du goût. Ayant grandi plusieurs années dans la rue, tu avais pu manger les pires délices qu'on retrouvait dans les poubelles.
Tu t'installas alors en face du garçon, remarquant qu'une nouvelle fois, un grand nombre de chats s'était rassemblé autour de la table, principalement de l'humain. Qu'avait-il donc de si particulier pour qu'il attire les félins ? Tu plissas légèrement les yeux, un petit sourire au coin avant d'essayer de pousser un peu une conversation.
- Tu adores les chats ? T'as l'air de les attirer comme si tu leur agitais un bout de poisson sous le nez.
Puis ton regard se tourna vers l'extérieur du local, observant alors les gens passer. Ce n'était pas souvent que tu te retrouvais en tête à tête avec quelqu'un mais là... c'était particulier car celui-ci semblait proche de ton âge, contrairement à un squelette ayant dépassé le siècle et une mère qui possédait une fille du même âge que toi. Alors, forcément, te comporter correctement envers lui allait être quelque chose de difficile.
- Je veux pas te forcer à me répondre. Je n'ai pas envi de te faire du mal ou quoique se soit. Mais... Tu viens d'où ? De derrière les montagnes ?
À ce moment précis, un des propriétaires arriva avec les boissons, les alignant alors en face de vous. Tu le laissas faire en silence, n'essayant plus de prononcer un mot. À la place, tu remercias le serveur avant d'attraper ta tasse et y trempa le bout des lèvres. Le goût était plutôt fort qui te fit tirer une légère grimace. Pourtant, ce n'était pas trop mauvais.
Ces quelques mots avaient fait lever imperceptiblement un sourcil au natif d’Osaka. Était-elle une servante dans la famille fortunée du garçon qui les avait quittés ? Elle semblait pourtant jeune pour être déjà une employée de maison, mais qui sait… Elle sortit un billet, mais le rangea après quelques instants, remplacé dans ses mains par la carte.
La rousse sembla dans une profonde réflexion face au menu, les sourcils plissés et les yeux parcourant les lignes au hasard. Le moment dura un peu, le propriétaire des lieux s’excusa quelques instants pour aller débarrasser une table et la nettoyer avant d’encaisser les clients partant. Ryotaro devina que ce serait la table qu’il leur indiquerait.
Finalement elle prit sa décision, pointant simplement du doigt une ligne faisant acquiescer le barista derrière le bar qui, comme attendu, leur indiqua la table nouvellement libre. La troupe de chats les suivant d’un pas tranquille et assuré. Ils avaient accepté la présence de ces nouveaux “grands chats” sur leur territoire. Ils s'installèrent et les félins se répartirent autour de leur table. Certains clients s’étaient retournés vers les deux individus, étonnés de voir les chats disparaître de leur table.
Ryotaro rougit un peu en se grattant l’arrière du crâne alors que son invitée souriait en se demandant pourquoi les chats s’approchaient autant. Il détourna un peu le regard et joignit ses mains, jouant avec ses doigts.
"Je… Je pense que c’est avec mon Alter, ma température."
Naturellement, même sans activer son Alter, le garçon avait une température corporelle supérieure à celle des individus normaux. Les chats devaient apprécier cette température supérieure, leur rappelant sans doute celle d’un radiateur portable avec un thermostat moyen.
La réflexion eut le mérite de donner une explication en quelques mots, si Ryo pouvait éviter d’avoir à développer, il prenait la perche. L’attention de la rousse se porta vers l’extérieur un temps. Le garçon connaissait cette habitude, elle permettait de donner un petit temps pour réfléchir aux mots qui allaient suivre. Elle finit par se jeter à l’eau. Ryotaro eut un sourire déjà un peu nostalgique alors qu’il venait de quitter sa maison.
"Les montagnes ? Non je suis de ce côté, je viens d’Osaka."
S’il avait su que la jeune fille ignorait tout des choses hors de Tokyo, il aurait été dans plus de détails, voulant certainement l’aider à visualiser la ville. C’était l’un des rares sujets où Ryo pouvait être assez volubile pour parler longtemps.
Les boissons arrivèrent pile à ce moment, son thé matcha et un liquide sombre pour sa compagne. Choix intéressant de prendre une boisson aussi forte, il se demanda si elle ou le barista ne s’était pas trompé alors qu’elle analysait sa boisson. Ryotaro en profita pour prendre une gorgée de son thé, il le trouva curieusement très bon pour un lieu qui devait surtout miser sur ses attractions félines.
L’un des chats, plus courageux, vint sur ses genoux et se mit en boule à ronronner. Le garçon posa sa tasse et vint gratter affectueusement le crâne de la bête. Ce fut son tour de regarder un peu dans le vide, vers le fond du café. Le bruit des conversations feutrées autour d’eux et de la machine à café vient habiller le court silence.
"J’imagine que tu es du coin c’est ça ?"
Le bruit d’une bouilloire vint ponctuer la fin de sa phrase, souriant, le propriétaire vint verser l’eau frémissante dans une tasse avant d’en humer le parfum. Il observait le curieux couple entouré de ses chats avant de repartir à ses tâches.
C'était étrange de fixer ce beau garçon entouré de chats, la scène parfaite qu'on pouvait trouver dans les mangas si on lui enlevait son haut. Tu avais levé un sourcil en le regardant, une idée te traversant l'esprit. Comme une attirance, tu aurais pu te déplacer pour t'asseoir à ses côtés, ressentir la chaleur de cet homme, comme les chats ici présents, te donnait vraiment envi. Mais depuis peu, tu avais appris à restreindre tes envies alors, tu restais sagement assise à ta place, sirotant avec un certain dégoût ta boisson noire. Malgré tout, c'était plus appréciable qu'un poisson trouvé dans une poubelle du coin.
- Oh ? Tu fais du feu alors ? Ou quelque chose du genre ?
Tu t'arrêtes un court instant, attrapant une de tes mèches que tu enroulas entour de ton doigt, l'air envieuse. Chaque alter t'étonnait un peu plus à chaque fois que tu rencontrais des gens. Même, tu les admirais contrairement à ton propre pouvoir que tu haissais. Pourtant, tu avais fini par accepter ton sort et à tenter de le maîtriser. Cette puissance que tu possédais, jamais tu ne souhaiterais que quelqu'un le possède, bien trop dangereux.
- Je t'envie ! Moi aussi je voudrais pouvoir attirer les animaux autour de moi avec une haute chaleur. À la place, je les effraye.
Finalement, ton mouvement s'arrête, alors que tes yeux glissent sur le côté, fixant les autres clients. Tout était si calme ici, si agréable. Et cette compagnie, avec ce garçon, te réconfortait, comme si tu avais toujours cherché d'avoir une vie normale, être une simple adolescente qui ne se sent pas en danger à chaque coin de rue.
- On peut dire ça. J'ai grandi dans les rues de Tokyo.
Certes, tu avais beau connaître chaque recoin de rue de l'immense ville. Pourtant, la plupart des noms t'échappe encore et tu avais peur de faire des erreurs à chaque fois que tu t'y promenais, surtout en prenant les transports publics. Mais ta confiance grandissait de jour en jour et au fond, tu voulais aider ce garçon, du mieux que tu pouvais, comme Goro l'avait fait pour toi.
- Excuse-moi. Je me suis pas présentée ! Je m'appelle Momo ! Juste Momo.
Un large sourire se dessina sur tes lèvres. Un nom simple, facile à retenir. C'était toujours comme ça que les gens t'appelaient, tes parents. Puis ton regard bleu glissa dans ceux de ton interlocuteur alors que ton corps se pencha légèrement sur la table, pour te retrouver un peu plus proche de ton aîné. Le tout sembla s'arrêter, tu ne fis plus attention au bruit alentours, ni même à un des chats qui sursauta à ta vue et alla se faufiler derrière le garçon. Même le bruit des machines à boissons avait fini par se taire à tes oreilles.
- Et toi ? C'est quoi ton petit nom ? Et pourquoi venir ici ? Pour devenir un héros ?
Moi aussi, j'aurai voulu aller à l'école pour sauver les gens ! Penses-tu.
Elle arqua un sourcil à l’évocation de l’Alter du garçon d’Osaka. Il n’était pas entré dans les détails dans un premier temps, sirotant tranquillement sa boisson pour faire passer le temps et que son téléphone se charge. En face de lui, sa cadette l’imitait mais avec plus de réticences en buvant sa boisson chaude. Il sourit imperceptiblement en regardant autour d’eux, comme à la recherche de quelque chose.
“Hum… Oui quelque chose du genre…”
Il ne savait jamais trop comment aborder la question de son Alter et redoutait un peu la traditionnelle présentation qu’il aurait à faire de lui en classe, comme à chaque rentrée. Bon ce n’était pas la seule raison, être seul, debout, les regards tournés vers sa grande carcasse était déjà une petite gêne suffisante.
“Je suis... Non, mon Alter plutôt, me transforme en volcan ambulant.”
Il se gratta l’arrière du crâne en répétant ce geste sur le chat roux sur ces genoux qui n’avait pas bougé, ayant trouvé une place de choix et semblant près à la défendre face à tout autre intrus. Ryo sentait le poids de l’animal sur lui, sa respiration et la lente vibration de ses ronronnements. C’était plutôt apaisant à y réfléchir, sauf si bien sûr il venait à commencer à sortir ses griffes pour défendre son nouveau territoire.
“J’imagine que ça peut être un avantage oui !”
Elle jouait avec une mèche de cheveux, pensive. Le garçon ne releva pas l’allusion aux rues de Tokyo, la prenant pour une formulation plutôt que la vérité cruelle derrière la vie de l’adolescente qui découvrait le café. Il rougit un peu en se rendant compte par la même occasion que lui aussi avait été très impoli de ne pas se présenter plus tôt.
Un sourire franc s’afficha sur le visage de Momo, auquel Ryo y répondit également par un léger sourire. Le rouquin sur ses jambes, courageux mais pas téméraire, s’enfuit quand la jeune fille s’approche du futur étudiant. Il se figea un peu sur sa banquette, passant son poids d’une jambe à l’autre pour réactiver la circulation.
Il pouvait presque sentir son odeur qui se mêlait aux émanations de cafés et autres boissons s’il se concentrait. Néanmoins, rien que de penser à cette idée... Il se raidit un peu dans sa posture après avoir essayé de faire illusion en bougeant un peu sur son assise.
“Ryotaro… Je m’appelle Ryotaro !”
Le jeune volcan reprit sa contenance en reprenant sa respiration. Le bruit des percolateurs revient assez puissamment. Devenir un héros ? Il imaginait que c’était bien le but oui, enfin déjà réussir à avoir son diplôme, la suite viendrait bien assez tôt. À court termes, c’était déjà réussir à maîtriser son Alter, à en tirer le bénéfice au milieu du potentiel destructeur. Une fois ce travail fait, il espérait pouvoir aider les autres oui.
“Oui c’est ça, j’ai été pris à Yuei !”
Il prit une gorgée de thé, son œil s'agrippant à un élément du décor. Il se pencha et s’étendit par delà la table, se rapprochant innocemment de sa compagnie et déclenchant la colère des chats qui perdaient là leurs positions préférentielles. Son long bras saisit à côté une petite cruche contenant du lait. Il sourit en la posant à côté du café entamé de Momo.
“Tu devrais essayer ça avec ton café.”
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