La douleur de perdre un être cher et comparable à une mort lente. [Pv : Sena]

Il avait fait plus de trente minutes de métro, déterminé à goûter la succulente viande d'une boucherie de Minato, plus précisément boucherie située dans le quartier Rappongi Hills. Sena avançait d'un pas déterminé, bien que le soleil commençait à se coucher, le jeune prof de Zaisen continua sa course, en quête de viande. Habituellement, il restait autour de chez lui, plutôt casanier et amoureux de son travail, Sena avait la fâcheuse manie de passer beaucoup de temps à son bureau. Néanmoins, il a beau être amoureux de son travail, il l'est encore plus de la bonne viande, et bien qu'il ne soit pas un cuisinier hors-paire, il sait se donner du mal et apprécier lorsque ça en vaut la peine.
De ce fait, il finit par arriver devant cette boucherie. Elle était étonnamment grande, des pièces de toutes sortes étaient exposées, une variété folle, et qualité exceptionnelle, Sena en avait l'eau à la bouche rien qu'en déposant ses yeux sur la vitrine. Déjà informé des meilleures offres, et connaissant déjà le repas qu'il prévu le soir même, Sena ne mit que quelques minutes avant de ressortir de l'enseigne. Autant de temps passé sur le trajet, pour finalement une poignée de minutes sur place. Il sortit donc, ravi de ses achats, portant à l'aide de ses deux bras un gros sac en papier remplit à ras bord qui venait lui chatouiller le menton et enivrer ses narines.
Après quelques pas en dehors de la boucherie, il se mit à pleuvoir, de fines goutes, pendant un instant, puis une véritable pluie battante, qui, au vue de la taille du nuage au-dessus du quartier, n'allait probablement pas partir tout de suite. Il soupira, déjà saoulé de devoir faire la route jusqu'au métro sous la pluie. Il tira la capuche de sa doudoune pour la rabattre sur sa tête, puis il prit le chemin du retour, la tête baissée au-dessus du sac, prenant le soin de ne pas mouiller le sac qui contenait la viande - bien évidemment la viande était protégée, mais si le sac était trempé, ça serait une tanné à ramener chez soi-.
Au bout de quelques pas, Sena fut déséquilibré par quelque chose, à cause du sac, il ne voyait pas ce qu'il se trouvait à ses pieds, de ce fait, il perdit l'équilibre, le pied entravé par cet élément inconnu, et il laissa échapper du sac un morceau de viande, bien heureusement, c'était le seul morceau qui tomba, et Sena réussi à se reprendre inextrémice. Il aurait été triste de se rétamer et faire tout tomber par terre à ce moment-là. Le jeune prof de Zaisen marmonna quelques mots vulgaires, frustré d'avoir perdu un bout de son repas du soir, et alors qu'il allait reculer pour apercevoir ce qu'il le gêna, il vit une petite boule de poil, qui commençait à être trempé, faire son apparition dans son champ de vision, et se jeter sur la viande, qu'il dévora en quelques instants. Cette chienne n'avait rien de particulier, si ce n'est un collier rose avec inscrit dessus "Ai". Sena regarda autour de lui, mais personne ne semblait réclamer le chien. La petite bête quand à elle fixait amoureusement Sena, elle semblait heureuse d'avoir été nourri, et en redemandait. Le jeune homme réfléchit un instant, il remarqua un petit abri sur la devanture d'une boutique, et il décida de s'y abriter un instant avec la chienne. Il lui donna un second morceau de viande, afin qu'elle accepte de le suivre, puis une fois à l'abri, Sena frottait sa main sur le poil mouillé de la chienne, à la fois pour la caresser et la rendre plus obéissante envers lui, mais aussi pour essayer de la réchauffer, même si ça semblait peine perdue.

Après quelques minutes, la pluie ne s'arrêtait toujours pas, et une voix fit alors son apparition :

"AI !"

La chienne réagit instantanément à l'appel, elle se redressait sur ses quatre pattes et semblait tirer sur la laisse en direction de la voix. Sena qui la tenait, suivit alors sans réfléchir, il remit la capuche sur sa tête et partit à la rencontre de cette voix féminine. Au début, la silhouette de cette femme ne rappela rien à Sena, trop loin, trop camouflée par la pluie et l'atmosphère ambiante, mais une fois plus proche, il reconnut rapidement la jeune fille :

"Shina ?"

Bien qu'ils n'avaient pas été en contact longtemps, Sena se rappela de sa partenaire de défi, elle faisait, tout comme lui, partie du groupe "arrière" du challenge qui consistait à attraper Miss Mamori. Bien que l'épreuve ne dura pas très longtemps, Sena fut marqué par cette jeune femme de part son alter, mais aussi sa personnalité.
Une fois qu'ils étaient à porté l'un de l'autre, Mamoshi remarqua cette pauvre fille tremblotante face à lui, elle avait le corps trempé, la pluie tombait sur son visage, à tel point qu'il était difficile de déterminer si elle pleurait, ou si c'était la pluie qui ruisselait sur ses joues. Peu importe, ça n'était qu'un détail, Sena donna la laissa à son interlocutrice, et avant qu'elle n'ait le temps de dire un mot, le jeune homme ouvrit la fermeture de sa veste, puis attrapa la capuche d'une main, et la posa sur la tête de l'étudiante. Il se trouvait maintenant face à elle, en t-shirt sous la pluie, les bras remplis de provision, et bien qu'il fallait forcément être galent dans cette situation, Sena savait qu'il allait rapidement être mort de froid. Ils échangèrent quelques mots, Shina avait d'ailleurs l'air au bout de sa vie, elle semblait infiniment reconnaissante auprès de Sena, et celui-ci refusait les remerciements, expliquant que ça n'était qu'un concours de circonstances qui le fit trouver sa chienne. Alors qu'ils se trouvaient au beau milieu de la rue, Shina souriante, emmitouflée dans une doudoune chaude, et Sena frissonnant, de plus en plus glacé par chaque goute qui rentrait en contact avec sa peau, le jeune homme prit l'initiative de bouger, que ce soit avec ou sans Shina, il devait rentrer au plus vite, ça devenait insoutenable. Le jeune homme prit son téléphone, et regarda l'heure du prochain train en direction de Toshima, là où il vivait. La durée était trop longue, ça n'allait pas être jouable, il réfléchit alors un instant, et en misant le pour et le contre, décida de prendre un taxi, bien que le prix allait être exorbitant, il n'avait pas le choix, il devait rentrer rapidement, et c'était là le moyen de locomotion le plus rapide. Il invita sa partenaire de défi à le rejoindre, montrant ce qu'il avait acheté juste avant, et bien qu'il ne voulait pas la forcer à venir, il était intéressé de parler plus amplement avec elle, elle qui semblait avoir une personnalité proche de la sienne. Bien entendu, au vue de la nourriture débordante du sac, il ne se fit pas prier longtemps, Sena et Shina partirent alors en quête d'un taxi, et par la suite, en quête du bonheur gustatif.

Vingt longues minutes passèrent, et ils arrivèrent enfin à l'appartement de Sena, après avoir déverrouillé l'entrée de son logement, tout en discutant avec elle, Sena s'excusa, et il fit comprendre à la jeune étudiante qu'il allait devoir la laisser un instant seule afin de pouvoir prendre une douche chaude et se changer, encore grelottant, probablement déjà malade. Sans même attendre sa réponse, Sena se précipita dans sa chambre et attrapa les premiers vêtements secs venus pour répondre à ses besoins. Il verrouilla ensuite la porte de sa salle de bain, puis soupira de soulagement, voilà enfin un moment de plaisir, après une bonne demi-heure de souffrance.

Sena sortait tout juste de la salle de bain, frais et propre, il se sentait bien mieux ainsi, néanmoins, il omis un détail. Lorsqu'il rejoint son invitée, il remarqua qu'elle était restée à l'entrée, toute dégoulinante, bien qu'elle était emmitouflée dans sa doudoune chaude, elle restait trempée jusqu'aux os, c'était impensable de la laisser dans cet état. Le jeune Mamoshi fit demi-tour et retourna dans sa chambre. Il saisit quelques vêtements un t-shirt, un sweat à capuche, ainsi qu'un jogging qu'elle pourrait ajuster à sa taille, bien plus fine que Sena. Il se dirigea ensuite vers elle, puis lui tendit les habits. En croisant son regard, Sena remarqua ses yeux rouges, non pas ses pupilles, ça il l'avait déjà remarqué à leur première rencontre. Le cas présent, il s'agissait du blanc de ses yeux qui était rougeâtre, comme en témoigne les yeux d'une personne triste, qui pleurait quelques instants auparavant. Il se figea une seconde, réfléchissant à comment l'aider du mieux possible sans être envahissant, une fois qu'elle prit les habits, elle partit en direction de la salle de bain, Sena l'appela pour qu'elle se retourne vers lui, puis il lui jeta une boite de mouchoirs:

"Je refuse qu'une fille pleure sous ce toit, sèches moi ces larmes, va prendre une bonne douche chaude, quand tu auras fini, un bon repas vous attendra, toi et Ai."

Sur ces mots, il laissa la jeune fille quitter la pièce, lui, il récupéra la viande présente dans le sac en papier, et commença la préparation. La chienne restait juste à côté de lui, la langue pendante, elle semblait bien l'apprécier, ou du moins, elle semblait apprécier d'être nourri !
La chienne se secouait dans tous les sens, aspergeant Sena, qui eut pour réflexe de mettre sa main entre lui et la chienne. Il comprit enfin qu'elle aussi avait besoin d'attention, et besoin surtout d'être séchée, puant le chien mouillé. Sena retourna une énième fois dans sa chambre, récupéra une serviette dans l'armoire, et commença à frotter Ai, qui semblait enchantée de cette décision. Il finit par lui essuyer ses petites pattes, puis se lava les mains, avant de retourner à la préparation du repas du soir. Bien que Sena n'était pas un véritable cordon bleu, il aimait la bonne viande, et il faisait de son mieux pour la préparer convenablement. Il ajouta à sa préparation du riz et de l'assaisonnement, puis il servit le tout.
D'un côté, une assiette remplie de bœuf, recouvert d'une sauce succulente, de l'autre du riz, parfaitement assaisonné, ni trop collant, ni trop dur. Sena était satisfait de son travail, il entendit la porte de la salle de bain s'ouvrir derrière lui, il se retourna et posa le repas sur la table, sans prendre attention à Shina au premier abord. Il servit une bonne portion à Ai, la chienne qui attendait patiemment, assise à côté du jeune prof, puis il s'asseya, et voyant Shina s'approcher, il l'invita à s'asseoir elle-aussi.

Assiettes:

"J'espère que tu n'as rien contre le bœuf, personnellement j'adore ça, donc j'en ai acheté quelques pièces pour ce soir."

Il la vit s'installer, et commença à la servir, d'un côté le riz, de l'autre la viande, son ventre gargouillait au point qu'elle pourrait peut être l'entendre, mais ça n'a aucune importance, pour l'instant, Sena avait l'esprit ailleurs.
Beaucoup trop de questions tournaient dans son esprit, elle peut très bien balader son chien seule tard le soir, sans veste, elle aurait pu être surprise par la pluie, tout comme le fut le jeune professeur de Zaisen, mais ce qui perturbait le plus Sena, c'est qu'elle restait jeune, très jeune, et elle ne semblait pas se soucier d'arriver en retard chez elle. Ses parents sont peut être habitués à ses balades nocturnes ? Elle habite peut être seule ? Qui s'occupe d'elle ? Et pourquoi elle avait l'air si triste tout à l'heure ? Un simple chagrin d'amour à l'école ? Un problème plus grave ?
Sena décida de rester muet, il ne voulait pas salir le moment sacré qu'est le repas, manger c'est important, il faut le faire dans de bonnes conditions, et certainement pas en pensant à des choses tristes, grisantes. Il faut être heureux lorsque l'on mange, surtout quand il s'agit de bonnes viandes. Le jeune Mamoshi la regardait, elle attrapa ses baguettes et elle engloutit un premier morceau de viande. Il attendait désespérément le verdict, et il put apercevoir un petit sourire timide, qui le fit fondre, il sourit niaisement sans même s'en rendre compte, si heureux que quelqu'un apprécie sa nourriture, malgré son piètre niveau. Il replongea son regard dans son assiette, et mangea silencieusement, face à cette étudiante encore inconnue.

Il n'avait pas encore fini son plat que la jeune fille se leva et se rendit face à l'évier pour y laver son assiette. Sena la laissa faire, bien que c'était un peu impoli de sa part, il ne voulait pas la brusquer ou quoi que ce soit, en allant vers elle pour le faire à sa place. Une fois fini, elle caressa sa chienne qui attendait sagement à ses pieds. Sena se leva à son tour, et Shina prit de suite la parole pour le remercier. Ces mots allèrent droit au cœur de Sena, lui qui était habitué à toujours être seul, faire les choses dans son coin, les compliments, ça fait bien longtemps qu'il n'en avait pas entendu. Les derniers étaient probablement ceux de Joto, son vieil ami, enfin, des remerciements, Sena n'avait besoin de rien d'autre dans l'instant, lui qui habituellement ne cherchait pas trop la reconnaissance, estimant qu'il faisait simplement ce que n'importe qui aurait fait, il ne faisait que son travail, pour cette fois, il sauva une jeune fille instinctivement, et cette fois-ci, rare sont ceux qui l'auraient fait, même parmi les héros. ça n'était pas un acte incroyable, néanmoins, il ouvrit sa porte à une parfaite inconnue, et il la reçu, comme se devait de recevoir un hôte de maison respectable, face à n'importe quel invité.
Sena s'approcha de l'évier et commença à s'occuper de son assiette, récurant chaque coin soigneusement. Shina elle s'éloignait de lui, et s'approchait progressivement de l'entrée, le jeune Mamoshi regarda par la fenêtre à l'extérieur, et malgré la nuit noir, il y remarqua les rideaux de pluies qui s'écrasaient au sol, dans la lumière des lampadaires. Il tourna ensuite la tête vers cette jeune demoiselle, et il constata qu'elle regardait l'heure, comme pour témoigner un départ. Il prit une inspiration prêt à lui proposer de rester dormir, quand soudain :

"Tu...
- pourrais-je rester dormir ici ? Je n'ai pas trop envie de rentrer si tard, surtout à pieds ?"

Sena ne pouvait évidemment pas laisser une étudiante à son sort comme ça, la pluie battante, la nuit noire, ça serait inhumain d'agir ainsi. L'autre possibilité aurait été de lui payer un taxi pour la laisser rentrer chez elle, mais quand Sena la regardait, il semblait reconnaître une certaine sérénité, la chienne comme la maîtresse semblaient toutes les deux plus ou moins à l'aise chez lui.
Le professeur de Zaisen fut surpris par sa proposition, elle si fragile, si timide. Mais la chose la plus choquante pour lui était qu'il s'apprêtait à proposer exactement la même chose. Cet étonnement lui valut un temps d'arrêt, le temps pour son cerveau de se reconcentrer sur des choses concrètes, après quoi Sena reprit une inspiration et approuva le souhait de Shina. Il ferma l'eau, ne prenant pas le temps de finir sa vaisselle, il s'essuya rapidement les mains, puis il partit en direction de sa chambre, en lui demandant de le suivre pour lui présenter son lit pour la nuit. Une fois dans la dite chambre, Sena alluma la lumière, et débarrassa quelques affaires qui traînaient, comme une veste qui était sur le lit, ou encore une paire de chaussures et une chemise sale qui étaient sur le passage :

"Désolé pour le désordre, tu te doutes, je ne m'attendais pas à accueillir quelqu'un ce soir, autrement j'aurais fait un effort..."

Bien que peu de choses traînaient chez lui, ça ne le mettais pas tellement dans une position confortable. Il quitta rapidement la pièce après lui avoir fait comprendre qu'elle dormirait dans son lit pour ce soir-là, puis ils repartirent dans le salon. Sena finit la vaisselle qu'il avait entamé, et il soupira légèrement. Il ne savait pas vraiment quoi dire à cette jeune fille, à la fois il voulait la questionner et en apprendre plus sur elle, et en même temps il ne voulait pas l'effrayer avec tout un tas de questions.
Une fois la vaisselle finie, il coupa à nouveau l'eau, puis il se tourna vers Shina en s'essuyant les mains sur un torchon :

"Du coup euh.. Shina, tu étudies à Yuei si j'ai bien compris, c'est bien ça ? Pourquoi est-ce que tu étudies là-bas ?.. Je veux dire... Quelle raison te pousse à vouloir devenir une héroïne ?"

Sena prit la décision de commencer les hostilités, après tout, il fallait bien finir par parler, il était encore tôt pour dormir, et sachant qu'il allait dormir sur le canapé du salon, il a beau être confortable, c'est loin d'être spacieux comme son lit. De plus, le prof de Zaisen pensait prendre assez peu de risques avec des questions générales comme ça, si ça se trouve ils auront un désir commun à travers le fait de vouloir être héros, peut-être qu'à l'avenir ils travailleront ensemble, alors pourquoi ne pas en apprendre plus sur une future collègue. Il espérait aussi lancer une longue discussion, potentiellement un débat, n'importe quoi, peu importe tant que ce silence était brisait, et qu'il pouvait en apprendre plus sur la jeune étudiante.

Sena l'écoutait attentivement, et fut assez surpris d'apprendre que Shina était en réalité l'héritière d'une famille de mafieux. Néanmoins, ça expliquait certaines choses comme son air toujours méfiant et silencieux. Effectivement, lorsqu'elle demanda à Sena s'il connaissait le nom de sa famille, c'était le cas, le jeune professeur connaissait aussi l'existence de Shina par ailleurs, mais il ne savait pas qu'il s'agissait d'elle précisément. Du fait de son rôle de héros professionnel, il était au courant de l'existence de cette organisation, elle se veut très discrète, mais elle n'est pas très influente, c'est comme qui dirait, une famille mafieuse parmi tant d'autres, dissimulées un peu partout dans le pays. Et la raison pour laquelle Sena connaissait l'existence de Shina, était qu'en tant que prof, il apprit par le biais de bouche à oreille, de prof à prof, d'administration d'école héroïque à prof, etc, il entendit dire qu'une fille au profil très particulier souhaitait rejoindre un cursus héroïque, mais de part ses capacités qui ne correspondaient pas forcément aux écoles, et son passé, toutes les portes se refermèrent devant elle, sauf celle de Yuei. Sena buvait les paroles de Shina, il remarqua une pointe de détresse dans sa voix, elle tremblait, le ton vascillait de temps à autre, mais ainsi, après avoir parlé d'elle quelques instants, elle se libéra en retournant la question à son interlocuteur.
Le jeune Mamoshi resta figé un instant, réfléchissant à la situation, puis il se lança. Il soupira un coup, baissa la tête, et tourna le dos à Shina, afin de se mettre face à la vitre, laissant son regard s'évader à l'extérieur :



"Déjà, ne dis jamais que tu es pitoyable, et ne laisse jamais personne te dire que tu l'es. Si tu penses l'être, c'est que tu as décidé de l'être. Notre personnalité et nos actes se basent sur la volonté que nous avons, si tu veux sauver des gens, commence par en avoir la volonté, et change ta manière de penser, en étant négative, tu n'attireras que la négativité. Je ne suis pas en train de te donner une leçon ou quoi que ce soit, je veux juste que tu comprennes mon point de vue, la vie que tu mène et ce qui t'entoures ne dépend que du travail que tu auras produit, et de la volonté que tu auras à réussir, rien d'autre. Bien évidemment, on ne choisit pas sa famille, le point de départ est indépendant de notre volonté, néanmoins, le chemin que tu choisis, lui, dépend uniquement de toi, soit tu décides de te battre pour le bien, soit tu choisis de continuer sur la voie du mal. Mais si tu souhaites réellement sauver des gens comme tu sembles le dire, il suffit de travailler, la détermination est la clé de la réussite. Vu que tu penses que mes raisons sont plus nobles que les tiennes, je vais brièvement te raconter ma vie et mon parcours...
Contrairement à toi, j'ai eu une enfance assez heureuse, j'avais des parents aimant qui, bien qu'ils n'avaient pas forcément tout le temps la possibilité de s'occuper de moi, faisaient de leur mieux pour mener à bien mon éducation. Lorsque mon alter s'est manifesté, j'ai très vite était encadré, étant un alter puissant, la sécurité du pays dépendait de ce que j'allais en faire, et c'est le cas pour chaque enfant naissant avec un alter comme le mien. De ce fait, les autorités m'encadrèrent, et me firent passer des tests à des périodes différentes de ma vie pour vérifier mon état mental, et s'assurer que je restais sur le droit chemin. Ce fait là, auquel j'étais confronté, seul, contrairement aux autres enfants qui m'entouraient à l'école, me firent comprendre très rapidement que j'étais en quelque sortes "à part", j'avais la possibilité de devenir quelqu'un d'unique et de puissant. À partir de là j'étais donc éveillé, et je commençais dès le début de l'école primaire à travailler sur mon alter.

Au milieu de ce monologue, Sena regarda l'heure, et laissa échapper un sourire, avant de retourner plonger son regard dans l'obscurité de la nuit :

"Quand j'étais enfant, j'étais encore en train d'essayer d'utiliser mon alter à cette heure là, j'étais à bout de force, ayant tenté de manipuler le sable toute la journée, mais néanmoins, je continuais, je travaillais et je n'arrêtais jamais. J'ai eu la chance d'avoir une prise de conscience très tôt, mais contrairement à ce que peuvent dire les gens, je ne dois rien au talent ou à la chance à proprement parlé, lorsque j'entendais les autres dire au collège ou au lycée "tu as de la chance", moi j'entendais "bravo, tu as bien travaillé, tu es exceptionnel".
Je ne veux pas paraître arrogant, loin de là, c'est simplement que je sais d'où je viens, et je sais où je vais. Mon seul objectif est de sauver des vies, et depuis peu, je suis passé prof parce que j'ai pris conscience que je pouvais sauver des vies aussi en formant et en inculquant les bonnes valeurs aux élèves qui passaient dans ma classe. La personne qui m'a formé à penser de cette manière était mon prof d'évolution au lycée héroïque de Zaisen. J'étais en stage de 3ème année avec lui, et suite à une altercation avec un vilain, il perdit l'usage de ses jambes par ma faute, il fut durement frappé à la colonne vertébrale, et j'ai été impuissant ce jour.. ce jour-là."

La lèvre inférieure de Sena tremblait, de vieilles émotions, le sentiment de culpabilité, tant de vieux démons vinrent le hanter une seconde, lorsqu'il se rémémorant cet instant. Il prit une grande inspiration, enleva l'humidité présente au coin de ses yeux avec son doigt, puis reprit la parole :

"Depuis cet instant, je travailles encore plus dur, je réfléchis et j'apprends continuellement, grace à mes élèves, grace aux événements que je rencontre au quotidien, même ce soir j'ai appris en te venant en aide, même si tu ne courrais aucun danger, je suis naturellement venu t'aider, car j'estimais que c'était nécessaire.
Moi je ne souhaites pas sauver les gens dans l'ombre qui sont oubliés par la société... Je souhaite sauver tout le monde. Encore une fois tu vas peut être me trouver prétencieux, mais c'est ce à quoi j'aspire, je ne veux pas nécessairement devenir le numéro 1, car je ne pense pas en être capable, du moins pas en ce jour, mais néanmoins, je souhaite protéger et servir tous ceux qui le nécessiteront."

Sena soupira, laissant ses épaules se relâcher un peu. Il se retourna ensuite vers la jeune étudiante, qui restait silencieuse jusque-là, espérant ne pas lui avoir trop fait peur, ou alors être passé pour un gros rêveur arrogant, se croyant plus fort qu'il n'est. Il s'asseya dans le canapé, où il passera la nuit un peu plus tard, tout en continuant de regarder cette fille face à lui :

"Désolé de revenir sur le sujet, je ne veux pas forcer, j'espère que c'est pas trop douloureux pour toi d'en parler, auquel cas, tu n'es pas obligée de me répondre, je comprendrai. Mais du coup, vu que tu étudies à Yuei, je suppose que ta famille le sait, même si tu ne leurs as pas forcément dit, ils ont du s'en rendre compte non ?
Tu vies toujours chez eux, ou tu as été obligée de prendre un appartement seule ?"

Le jeune prof espérait ne pas être trop intrusif, mais il ne pouvait s'empêcher de se soucier du sort d'autrui. En fonction de sa réponse, il aurait même été prêt à la laisser rester quelques nuits supplémentaires, même si le lycée de Yuei se trouvait à plus de vingt minutes en voiture, de son appartement.

Sena était toujours assit lorsque Shina étoffa un peu son histoire, racontant des détails qui étaient loin d'être anodins. Elle alla même jusqu'à se livrer à lui, racontant son traumatisme, ce qui toucha énormément Sena. Il sentait un lien se tisser entre elle et lui, un climat de confiance s'installait, l'un et l'autre se parlaient et s'avouaient chacun des vérités qui leurs étaient pesantes. Le regard de Sena était vide, non pas qu'il ressentait quelque chose en particulier, simplement il laissait son regard se perdre pendant qu'il se concentrait uniquement sur le son de sa voix. Shina continua de développer la relation qu'il y avait actuellement entre elle et sa famille. Et c'est à cet instant, ce précieux moment au cours du quel Sena fut profondément touché par son histoire.
L'étudiante était harcelée, les membres de son clan étaient même prêts à la kidnapper, à la traumatiser une nouvelle fois pour lui faire arrêter de rêver à une vie héroïque. À cet instant, Sena ressentit comme une douleur à l'abdomen, l'impression qu'une main venait saisir ses tripes et les serrer, il écarquilla les yeux, prenant conscience de la réelle situation dans laquelle se trouvait Shina. Elle rêvait de jours heureux, d'un bonheur palpable qui lui était pourtant impossible d'atteindre. Elle avait la volonté d'être une bonne personne, et pourtant, ses démons la tiraient perpétuellement vers le bas, comme-ci le fait d'être heureuse lui était interdit par ses pairs. Cette jeune fille avait menti ce soir-là, si elle souhaitait rester, ça n'était pas simplement parce que les transports n'étaient plus disponibles, et même si Sena avait inconsciemment tiqué sur cette raison, il ne l'avait pas noté, il avait laissé coulé, jusqu'au moment où elle l'avoua, éclairant automatiquement l'esprit de Sena.
Elle avait peur.
Si elle ne souhaitait pas rentrer à son domicile, c'est parce qu'elle craignait d'y retrouver un membre de sa famille, une personne malveillante qui essayerait de lui nuire une nouvelle fois. Le jeune prof de Zaisen comprit qu'il n'avait pas simplement une jeune étudiante devant lui, elle se livrait, elle appelait à l'aide.
Sena leva un instant les yeux pour regarder son visage, il y vit un sourire, c'était faux, ce sourire était si faux si trompeur... Au fond elle pleurait, c'était une évidence. l'héritier de la famille Mamoshi vit en elle une enfant, terrorisée, une pauvre fille sans défense qui criait et pleurait, implorant la foule de l'aider, mais personne ne se retournait sur elle, car tous étaient la raison de son mal-être.



Un silence pesant suivit le discours de cette jeune étudiante de Yuei. Sena baissa la tête, changeant de visage en un instant. Il était profondément touché par cette histoire, et son honneur le forçait à agir dès maintenant, ça n'était pas seulement l'âme d'un héros qui parlait à présent, c'était aussi son cœur. Il refusait de passer à côté de cette pauvre enfant innocente abandonnée à son sort et de l'ignorer comme tous les autres passants. Elle n'avait pas la force, pas les épaules pour endurer un tel fardeau toute seule.
Il se leva alors, le regard noir, le visage fermé, il avança jusqu'à arriver devant elle, sans lâcher le moindre mot.
il resta figé un instant, puis il amena sa main droite derrière la tête de Shina, puis il l'attrapa et la tira jusqu'à l'amener contre son torse, il se voulait protecteur, et il voulait montrer à cette jeune étudiante qu'elle n'était plus seule, qu'il était là pour elle. Il maintenait Shina contre lui, tandis que son autre main se ferma, son poing se serra, comme le témoignage d'une haine profonde, d'un dégout émergeant envers les agresseurs de Shina. Il prit une grande inspiration, puis brisa le silence :

"C'est terminé, tu n'as plus besoin de te cacher. Tu n'es plus seule, relâches-toi et laisse tes émotions prendre le dessus. Je ne te laisserai pas tomber, tu m'as fais confiance, il est maintenant de mon devoir de te protéger..."

Suite à ces quelques mots, il laissa sa main glisser jusqu'à la nuque de l'étudiante, la gardant ainsi pour montrer son soutien. En effet, Sena était maintenant impliqué dans son histoire, il ne pouvait plus la laisser partir sans rien dire, sans rien faire alors qu'elle s'était autant livrée. Si Shina était autant dans le besoin, il était de son devoir d'y subvenir autant qu'il le pouvait. Et bien qu'elle ne faisait pas partie de Zaisen, mais bien de Yuei, ça ne faisait aucune différence. Cette attitude protectrice qu'avait Sena envers ses élèves habituellement, déteigna naturellement sur Shina après ses aveux. Un passif si lourd, un destin si dangereux ne pouvait pas être confié à une jeune enfant sans aucun repère ni aucune aide pour la guider. Sena était conscient de ce dans quoi il s'aventurait, mais après tout il ne pouvait pas fermer les yeux sur son appel à l'aide :

"Je suis conscient que l'on parle là de ta famille, mais si tu en as besoin, et si tu le désires, je leur ferai face moi-même. Je peux t'aider à surmonter cette impasse. Et si tu as peur de rentrer chez toi, tu peux d'ailleurs rester quelques temps ici, le temps que tout ça se calme, et que tu reprennes tranquillement un quotidien normal."

Après tout, Sena disposait d'un bureau qu'il n'utilisait pas, une salle dans laquelle il aurait la place d'installer un lit et éventuellement une armoire pour ses affaires personnelles si elle en a besoin.
Il était aux petits soins pour elle, mais après tout, c'était la moindre des choses, elle n'avait sans doute pas connue le bonheur, ni même l'amour d'une famille, alors un toit convenable et de l'attention allait probablement être nouveau pour elle.
Peu importe, Sena en avait décidé ainsi, il était lancé, et il refusait de faire machine arrière. Il lui viendrait en aide coute que coute, peu importe ce qu'elle en dirait. Il sera là lorsque les mafieux lui tomberont dessus et essayeront de la tirer une nouvelle fois dans l'ombre.

Sena avait tapé dans le mille, la jeune étudiante était maintenant à genoux face à lui, en larmes. Bien qu'il lui avait précédemment dit qu'il refusait qu'une femme pleure sous ce toit, il devait la laisser se décharger de toute sa peine. Son cœur se serrait, prit d'empathie, mais il ne pouvait rien faire dans l'instant, il se devait juste d'être là pour elle, à ses côtés. Il la laissa un instant pour aller chercher des mouchoirs sur le plan de travail de la cuisine, puis il lui en tendit un. Après quelques instants, il l'aida à se relever et souhaitant lui changer les idées, il lui proposa une partie de jeux vidéos. Rien de mieux pour se changer les idées, la plonger dans un univers fantastique inconnu ne pourrait qu'occuper son esprit suffisamment longtemps pour oublier pour la soirée. Il lui tendit donc une manette, puis s'installa sur le canapé, et l'invita à le rejoindre. La jeune fille s'exécuta, mais comme il s'en doutait, de part son enfance difficile, elle n'avait aucune idée de ce qu'était un jeu vidéo, elle n'avait aucunes connaissances dans le domaine. Sena passa donc la soirée à ses côtés, lui expliquant étape par étape les fondamentaux du jeu, lui montrant les touches, l'aidant à progresser petit à petit. Le temps passa et ils ne virent pas passer, ils s'amusaient, bien qu'ils se connaissaient peu, ils passaient une bonne soirée, et finir par partirent se coucher, chacun de son côté, tous deux épuisés par les événements précédents.
Sena était allongé sur le dos, il regardait le plafond, installé dans son canapé, bien qu'il soit confortable, il ne pouvait s'empêcher de penser à cette jeune fille qui se trouvait enfermée dans une pièce à quelques mètres de lui :

*Je doute d'avoir eu la meilleure idée de ma vie en proposant mon aide et ma protection à une inconnue, bien qu'elle soit jeune et mignonne, elle reste l'élève d'une école qui n'est pas la mienne, on ne se connait pas, on n'est pas de la même agence... Pourquoi j'ai réagis comme ça ...*

Sena se torturait l'esprit, mais sa réflexion était inutile, c'était non-productif. La simple raison de sa réponse à cet appel à l'aide, c'était tout simplement qu'il s'agissait d'un appel à l'aide. Un héros qui ne répond pas à un tel événement ne peut pas affirmer être un héros, ça n'est qu'un imposteur. Du moins, c'était là, la vision de Sena.
Pour lui, si une personne est en danger, peu importe son âge, ses capacités, sa mentalité, son statut social, si cette personne est en danger, il est du devoir d'un héros de lui venir en aide. Son esprit était perturbé, trop d'informations, trop de questionnement, mais malgré ça, il finit par s'endormir, épuisé de la longue journée qu'il venait de passer. Il fallait être en forme et sur ses gardes à présent, ça n'était que la première nuit que Shina allait passer ici, mais qui sait, peut-être que ses persécuteurs viendraient un jour la chercher chez lui directement. Le danger était permanent, il allait maintenant être vif et éveillé, ne pas se laisser surprendre, peu importe ce qu'il pouvait arriver. Le silence pesait dans cet appartement. L'obscurité prenait place et la fraîcheur de la nuit envahit l'espace. C'était calme à présent, la tranquillité était le mot d'ordre, mais rien ne dit que ça allait durer...