Nature morte aux pommes et aux oranges [FT Taiga]

Shishibi NanaFeat Taiga

Nature morte aux pommes et aux oranges

Le dernier samedi du mois, le seul moment où je demande la journée pour moi toute seule. Dans le bus rempli de gens, je posais les yeux sur l’azur aquatique tandis que nous traversâmes le pont. Dans mes habits de tous les jours, je replaçais ma casquette et essuyais une tache de ketchup sur ma blouse. Eh, ça ne paraissait presque pas, du coup je ne me fis pas plus de soucis sur le sujet et finis la dernière bouchée de mon sandwich. Il faisait très beau aujourd’hui et même si c’était nuageux et que le soleil se voulait discret, on était très bien. Il fallait en profiter d’ailleurs, puisque l’été approchait de la fin. J'inspirais, impatiente d’enfin arriver à destination. Non pas que les transports en commun me dérangeaient, mais j’avais juste… hâte d’arriver. Also je venais de terminer mon dernier sandwich et je ne pouvais pas toucher ce qu’il y avait dans mon panier avant d’être à destination du coup…

Un bruit me sortit de mes pensées, un gémissement de bébé. À ma droite, je notais une mère et ses deux enfants. Le premier, celui de cinq ans, se contentait de regarder autour de lui en balançant ses pieds back and forth. Le deuxième, à peine six mois à vu de nez, se tortillait dans les bras de sa créatrice. Les gémissements se firent de plus en plus fréquents et bruyants et je vis la mère qui commençait à stresser. Elle ne voulait pas déranger les autres passagers qui commençaient déjà à tourner la tête petit à petit. Je levais la main devant moi, paume vers le ciel. De petites lumières bleues et roses se mirent à clignoter et un objet en sortit, un petit lézard en peluche avec des googly eyes. Je le tendis à la mère qui me regarda, surprise. Je lui fis signe de le prendre et après un gros cinq secondes d’hésitation, la dame saisit timidement le jouet pour le montrer au poupon qui se calma immédiatement. Je souris, satisfaite d’avoir pu aider. La dame me remercia et le petit garçon de cinq ans qui avait assisté à la scène me regarda avec admiration et stupeur, ce qui me fit ricaner.

***

Une demie heure plus tard, je descendis du bus, non sans remercier le chauffeur. Armée de mon imposant panier, je sortis un suçon de ma poche et le plantais dans ma bouche sans aucune pitié. Je regardais l’heure sur mon téléphone, onze heures trente. J’étais dans mon temps. Une petite demie heure de marche plus tard, je me rendis enfin à destination. Le cimetière de Shibamata. Ma famille et moi habitions ici auparavant, mais c’était une autre époque. Depuis, mes parents se sont retrouvés en plein centre-ville et moi, je dus me resituer près de Daiki, mais Katara, ma grande sœur, restera ici pour toujours. M’aventurant entre les pierres tombales, je saluais de la tête tous les décédés que je croisais chaque mois. Je dis même bonjour à Madame Kokomo, venue rendre visite à son mari. Sa nouvelle coiffure lui allait à ravir. J’arrivais devant le la pierre tombale de ma sœur, un sourire mélancolique au visage.

- Hello, sœurette.

Midi pile, once again j’étais à l’heure. Tout en terminant mon suçon, je fouillais dans mon panier et en sortis un bouquet de marguerites que je posais devant le monument. Grâce à mon pouvoir, je popais une large nappe à carreaux blancs et rouges de ma manche, comme si je faisais un tour de magie. Je la posais par terre et m’assis dessus tout en déposant mon panier pour en révéler l’intérieur au public (vous). J’en sortis plusieurs aliments. Des fruits, des sushis, des sandwichs, des biscuits, même une belle grosse tablette de chocolat pour dessert. Un vrai repas familial quoi… que pour moi ! Je commençais mon pique-nique méridien en croquant à pleines dents dans une belle pomme rouge tout en pelant une orange. Je regardais vers le ciel, toujours nuageux, mais au moins il ne pleuvait pas. Quelle belle journée.

- À la tienne, Katara.

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NATURE MORTE AUX POMMES ET AUX ORANGES
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quelque jours avant de recevoir sa lettre d'admition à Yuei.

Juste devant toi, siège fièrement ta grand-mère. Vêtue de son inchangé châle noir - qui lui sert surtout à recouvrir ses cicatrices d’acolyte - elle sirote son thé bruyamment. Ce son de bouche fripée laisse tout le plaisir à tes oreilles déjà plaquées en arrière de vibrer d’agacement. Tu t’apprêtes alors à te lever de table, n’ayant pratiquement rien touché de ton assiette, gardant feulement en frontière de crocs, quand la vieille femme déclare ces quelques mots :

▬ Toujours pas de lettre d’une école héroïque à ce que je vois. Tes griffes se retiennent de découper la petite table où vous êtes installées. Elle le fait exprès, et tu le sais. Mais ça bouillonne en toi, cette envie de lui rajouter des trous dans le visage… l'envie de lui sauter à la gorge… là, tout de suite, d’en finir... de lui raccourcir le peu de vie qui lui reste. Voilà ce que te cri ton instinct.

▬ Si tu avais eu mon alter, tu aurais peut-être eu ta chance.

▬ J'AI PAS DEMAND- Elle te coupe la parole en reprenant une lampée de son thé, tout en bruits dérangeant.

▬ Même ta mère à ton âge avait un meilleur potentiel. Et regarde ce qu'elle est devenue. Pathétique.

Tu essayes de lui tenir tête, de malaxer cette rage qui te noue la gorge pour répliquer, de maintenir le menton droit, de ne pas baisser les yeux, mais la pression est trop forte… et toi bien trop faible. Tu restes incapable de formuler le moindre rugissement, la moindre complainte, et fatalement, acceptes à contre cœur ses mots en épine, et tes yeux se mettent a fixer bêtement tes pattes velues.

Là est toute la subtilité de son alter.

Il lui suffisait d’en savoir suffisamment pour plonger son interlocuteur dans un profond doute et une frustration dévorante. Ex-acolyte, elle a poussé plus d’un vilain à la faute avec seulement quelques informations d’enquête. Alors sa petite-fille adolescente, pensez-vous, elle savait exactement quoi dire pour la plonger dans un état déplorable. Et dieu sait que tu te bas contre ça depuis toute petite… tu sais son alter faiblissant mais elle continue d’appliquer son emprise sans que tu puisses y échapper. Rejoindre une école héroïque est ton seul salue… tu le sais et pourtant, le doute recommence à te ronger comme vieille peste.

Et ta grand-mère te regarde, on le sent dans ses yeux étirés par les années, qu’elle a parfaitement conscience de sa supériorité. Était-ce un sourire qui lui étire ainsi ses babines flétries ? Ça n'avait, en tout cas, pas grand-chose de rassurant. Il fallait que tu partes. Ça flambé en toi comme une alarme sans fin.

Pars Taiga, pars et ne reviens jamais !

Trois battements de cœur plus tard, tu étais partie. Sur le son des grognements de déception et de frustrations que tu cherches plus que tout à dégager de ta poitrine, tu te lances sur la trace d’un endroit calme où te réfugier. Tu as songé au Nekocafé, mais bien trop de fois t’étais-tu servis de ce petit coin de paradis comme cachette… il te fallait trouver autre chose.

Tu jettes finalement ton dévolu sur le cimetière d’à côté. L’effluve de la mousse, des fleurs et de la pierre humide t’y guident. Sur place, tu bifurques entres les pierres tombales, lis quelques noms dans la foulé et grimpes dans un arbre pour trouver place sur une large branche moussue. Tu t’y loves, maladroitement, reniflant un rien de larmes qui étaient venues se glisser sur ta frimousse frustrée. T’es plus forte que ça. Tu frottes ton visage, lèche le gout du sel de tes poils et regardes en contre bas quand une jeune femme s’installe.

Curieuse, tu l’observes installer ses affaires, croquer dans une pomme et l’odeur des sandwichs et surtout celle des sushis viennent te chatouiller les narines. Elle trinque à une certaine Katara, surement la personne qui repose ici, sous cette tombe décorée de petites fleurs blanches. Tu te dis, qu’il serait plus judicieux de partir, mais the curiosity kills the cat, right ? Alors, avec un équilibre qui se veut pourtant parfait, tu tentes de mieux voir le contenu de son énorme panier, et t’avances vers le bout de la branche.

*CRACK*

Fort heureusement un chat retombe toujours ses pattes, et si jamais l’héroïsme ça ne te réussis pas, une carrière de pro au twister t'attends, car tu as réussi à ne rien renverser, à ne rien toucher. Le pique-nique est intact. Mais toi tu es là, le poil tout hirsute et les yeux ronds de frousse, tu restes stoïque, attendant le moindre geste de sa part pour espérer détaler. Un faible ▬ Désolée... à peine soufflé, soldé d'un miaulement sourd est tout ce que tu as trouvé à dire.

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Shishibi NanaFeat Taiga

Nature morte aux pommes et aux oranges

L’astre diurne posé confortablement au-dessus de nos têtes, je me permis une énième carotte que je croquais, provoquant un crunch effect des plus sonors. Le vent était doux, les nuages se firent de plus en plus discrets et tout n’était que tranquillité et paix autour de nous. Cela faisait du bien de prendre un peu de temps pour soi-même, car la rentrée était à nos portes et… ouff, déjà ma cinquième année à enseigner. Je ne pensais pas me retrouver héroïne ET professeure à un si jeune âge, mais j’étais satisfaite, car ça me passionnait. Façonner les esprits de demain, c’était une contribution que la société d’aujourd’hui prenait trop pour acquis. Peut-être que si nous avions fait un meilleur travail à enseigner aux jeunes dans le passé, nous aurions pu éviter une quantité phénoménale d’erreurs. L’histoire comme on la connait était sombre, trop sombre à mot goût. J’espérais de tout cœur que rien de trop affreux n’arriverait pendant mon époque à moi… du moins pas pour une deuxième fois. I’m looking at you, Trahison.

Un bruit me sortit de mes pensées, once again. Alors qu’un petit craquelin à la tomate se dirigeait directement dans ma bouche, un craquement de branche se fit entendre au-dessus de moi, rapidement suivit par un invité surprise qui atterrit directement devant moi. Mon instinct prit le dessus et je ramenais rapidement ma main droite dans ma manche gauche, prête à créer une arme quelconque. Cependant, la tension descendit d’un cran lorsque mes yeux rencontrèrent ceux de mon assaillante. Une adolescente, une femme-féline si j’osais me permettre. Funny enough, même si elle était directement tombée sur la nappe, donc là où toute la nourriture se trouvait, absolument rien n’avait été perturbé. Il s’agissait définitivement d’une femme aux attributs de félins. Moi, assise au bout de la nappe avec un craquelin entre les dents et elle, toujours dans sa position inconfortable, nous nous regardâmes sans rien dire… puis je me mis simplement à sourire. Sans rien dire, je posais mes deux doigts sur la boîte de sushi et la fis glisser lentement en direction de mon invitée.

- Un p’chti Shushi ? Dis-je la bouche pleine de craquelins. Maintenant que j’y pense, l’on aurait pu confondre sushi et soucis… hmmmmm… funny ! Serait-ce un autre de tes cadeaux, Katara ?

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NATURE MORTE AUX POMMES ET AUX ORANGES
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Fallait que ça tombe sur toi. Enfin, que toi, tu tombes sur une inconnue. T’as les sens en alerte, les poils hérissés, les iris rond de stupeur. Elle te regarde. Tu la regarde. Tu enregistres ses moindres traits de visage, la longueur de son nez, la forme de ses yeux, la longueur de ses cheveux, l’odeur qu’elle dégage malgré le craquelin entre ses dents. Tout est enregistré dans un petit coin de tête, dans un des nombreux tiroirs olfactifs qui te permet de savoir qui est qui les yeux bandés. Pour le coup, tu as beau plisser les yeux, elle te dit vaguement quelque chose... mais en soit tu ne saurais vraiment dire. Juste, une vilaine impression de déjà vu, qui ne veut généralement rien dire.

Ainsi, alors qu’elle continue de te fixer, son bras bouge et d’instinct tu te prépares à bondir en arrière. Mais de sa voix sableuse, elle te propose des sushis. La méfiance n’est pas toujours ton point fort et bien que tu aies les instincts pour, ta nature naïve te rattrape aux galops. Jetant des regards sur la boite à sushi puis la jeune femme, tu finis par te te pointer du doigts, te retournant même, étant pourtant sûre et certaine que personne ne se trouve derrière toi. C'est bien à toi qu'elle parle.

Alors tu t’installes. Contorsionniste, tu cales tes genoux contre la nappe et malgré un reste d’hésitation, ouvre la boite et commences à manger les sushi qui – par tous les dieux – sont particulièrement délicieux.

Tu es aux anges. Difficile de ne pas voir le bonheur imprimé sur ta frimousse. La queue posée sur la nappe, celle-ci tourne et vire allègrement alors que tu continues de goulûment te repaître de poisson. ▬ Merchi crachouille-tu la bouche pleine, tandis que tu regardes un peu autour de toi. Elle n’attendait personne au moins ? Quelle drôle d’idée de pique-niquer dans un cimetière aussi…

Glauque.

▬ Vous attendez quelqu'un? Petit clignement d'yeux avant d'avaler une grosse portion de riz. ▬ Ou alors vous déjeunez avec les morts ? Au choix. Tu trouves ça drôle, bien qu'a bien y réfléchir.... Tu regardes droite et gauche simultanément avec vivacité... A partir de maintenant la moindre brise te fera l'effet d'un souffle fantomatique dans la nuque. BRRRRRRR.

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Nature morte aux pommes et aux oranges

Je ricanais devant la réaction de notre invitée. J’étais légèrement triste de ne pas avoir eu l’occasion de goûter aux sushis, mais au moins cela fit le bonheur de l’adolescente. De toute façon, j’avais de quoi nourrir un bataillon complet dans mon panier et le gâteau aux anges qui y trainait au font allait passer un sale quart d’heure dans quelques instants. Nous mangeâmes donc nonchalamment dans le calme de l’après-midi. La jeune féline me demanda si j’attendais quelqu’un, je fis non de la tête. S’en suivit alors la théorie comme quoi je déjeunais avec les morts. Je lui souris après ma gorgée de thé glacé.

- Je suis en effet venue rendre visite à ma grande sœur, Katara, révélais-je en posant ma main sur les écritures de la pierre tombale, nostalgique. Elle nous a quittés beaucoup trop tôt, mais elle restera toujours ici, dans mon cœur. Je sais, c’est cliché, mais ça ne fait de mal à personne, hihi.

S’en suivit alors une discussion des plus banales, mais plaisantes. J’appris finalement le nom de mon invitée, Saotome Taïga, un nom très mignon. Pour être honnête, tout le long de notre pique-nique, je ne cessais de me demander si la jeune fille m’avait reconnue ou non. Bon d’accord, sans mon costume j’étais probablement moins facile à reconnaître, mais il était rare de passer inaperçue… et ça ne me déplaisait pas pour autant. Le temps passa et nous enchaînâmes les différents sujets, jusqu’à ce que je finisse par lui demander la question qui me trottait à la tête depuis le tout début.

- D’ailleurs, j’aimerais bien savoir, Saotome, pourquoi te retrouves-tu dans un tel endroit ? Tu semblais bien nerveuse lorsque tu es tombée de cet arbre. Tout va bien ?

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