On nomma ce terrible jour comme tel : la Trahison. La figure d’espoir ayant abandonné les siens ainsi que sa patrie, le visage du Japon changea du tout au tout. On savait les Alters dangereux, mais à quel point ?
La misère. Partout où le jeune homme allait, elle le suivait. Ou peut-être s’y dirigeait-il lui-même. En cette ville qu’il ne connaissait pas, il ne voyait que très peu de différences avec Sapporo. Toujours les mêmes ruelles sombres, les égouts, la misère à peine cachée derrière les façades des immeubles. Kain n’était pas venu chercher à s'extirper de sa condition de toute manière. Sapporo était simplement devenue trop risquée pour lui.
Ainsi, au milieu de cette ruelle perdue dans cet embranchement labyrinthique, Kain avait choisi son refuge. Sans même savoir ou il pouvait être, le jeune homme avait remarqué que les passages étaient moins fréquents et le quartier apparemment plus calme. La tombée de la nuit renforça d’ailleurs cette idée. Une nuit noire, laquelle n’épargnait pas la ruelle où il s’était jonché de par son absence de lampadaires, la source de lumière la plus proche étant l’extrémité gauche de la ruelle donnant sur une rue plus grande.
S’asseyant contre le mur, il resta fixe un moment. Au milieu de cette crasse et des sans abris plus proches de leur mort que de leur naissance, il faisait tâche. Jeune, relativement beau, vêtu de vêtements sombres et relativement propres sans parler de sa chevelure nivéenne reflétant le peu de lumière passant par la, Kain ressemblait plus à un jeune homme égaré qu’à un sans abri.
Tous n’avaient pas eu la chance de naître au sein d’un foyer.
Ainsi, affalé contre le mur d’une ruelle miteuse, le jeune homme ferma les yeux. La pluie ne tarda pas à tomber, s’abattant sans crier gare sur le quartier. Un véritable torrent diluvien, qui força certains de ses homologues à la rue à se réfugier sous ce qu’ils pouvaient trouver. Kain, lui, ne bougea pas le moins du monde. Le son des gouttes s’écrasant sur le bitume, l’eau coulant le long de ses cheveux, l’odeur si caractéristique… la pluie l’avait toujours accompagné et réconforté. Peut-être étaient-ce les seuls bons moments qui lui étaient permis de passer au sein de la rue.
Alors qu’il commençait à sombrer dans le sommeil, le jeune homme entendit des pas se rapprocher. Sans doute un autre sdf, qui d’autre de toute manière. Il n’y porta pas plus attention. L’heure n’était pas à la vigilance… du moins, c’était ce qu’il croyait.
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« Désolée, papy, mais les discours d’espoir c’est pas pour moi. Là ou je t’envoies au moins tu échapperas à ta misérable condition. »
Ces mots avaient résonnés tels une condamnation avant que ne retentisse le bruit si particulier d’une lame qui tranchait la chair, puis le son caractéristique d’un corps qui chutait lourdement sur un sol dont il ne se relèverait plus jamais. C’était le cinquième dont tu te chargeais ce soir alors que tu venais seulement de mettre les pieds dans ce quartier. Quel étrange plaisir macabre t’avait poussée à tuer à Ueno et nulle part ailleurs, ce soir ?
Loin d’être une activité dont tu retirais le moindre plaisir, c’était plutôt une nécessité. Peut-être que ton efficacité commençait à payer ? Cette fois ce n’était pas toi qui était allée voir ton employeur à genoux pour lui demander de te filer un contrat, c’était lui-même qui t’avait de suite confié le travail en sachant pertinemment que tu saurais le mener à bien. Un commerçant peu scrupuleux avait décidé que c’était la goutte de trop, quelques jours auparavant, lorsque des sans-abris s’étaient à nouveau introduits dans son échoppe pour festoyer à ses frais. L’homme étant muni d’un permis de chasse, le sort des intrus fut assez évident, sa peine fut équitable...mais seulement en sursis. Afin d’éviter de devoir à nouveau se salir les mains, il avait donc été trouver ton patron en lui proposant une offre pour le moins alléchante. Deux cent cinquante mille Yens pour chaque sans-abri qui serait déclaré mort au petit matin. Quand l’on savait que les deux tiers de la somme globale finirait dans ta poche et qu’on connaissait les difficultés financières auxquelles tu devais remédier, on voyait normalement poindre le cataclysme qui allait s’abattre sur la population la plus défavorisée de Ueno.
Cette soirée macabre commençait sous d’assez bons auspices, mais tu jugeas rapidement préférable de changer de secteur quand tu remarquas que les promeneurs divers commençaient à se multiplier. Les ruelles sombres c’était une bonne chose pour la discrétion...mais une femme aussi grande que toi en combinaison assez près du corps, en plus de porter un masque aux traits lupins, c’était loin de passer inaperçu. L’avantage de ce dernier toutefois c’était qu’il modifiait ta voix pour la rendre bien plus rauque qu’elle ne l’était réellement. Sans les deux amas de chair qui protégeaient ton cœur, tu aurais même pu passer pour un homme.
Le parc de ce quartier était réputé pour être un vrai nid à sans-abris et donc, dans ton cas, une mine d’or, mais tu préférais l’éviter car la présence d’autres témoins était un facteur plutôt dissuadant. Faire ce boulot payait bien, certes, mais tu te répugnais déjà assez à devoir t’attaquer à des hommes qui n’avaient plus rien pour en plus te rajouter des innocents sur les bras. Pourtant, dans cette partie du quartier, un détail ne changeait pas ou que tu ailles...c’était affreusement miteux. Un taudis dissimulé par les belles tours d’ivoire qui avaient fleuries un peu partout dans cette ville. Bien loin du paysage de carte postale. Si la soirée avait bien débutée, il aurait bien sûr été étonnant qu’un élément ne vienne pas la perturber. Cet élément, c’était la pluie. Non pas qu’elle te gênait même si tu devrais composer avec une crinière trempée quand tu regagnerais un domicile muni d’un toit...mais elle allait entraîner le repli du gibier que tu chassais ce soir. Alors, il fallait faire vite, accélérer la cadence. Un, deux, trois, c’était à ta huitième victime que tu te rendis compte que la chasse allait se transformer en traque, la plupart des sans-abris s’étant abrités dans des lieux ou ils n’étaient plus hors de portée visuelle de tout leurs semblables...heureusement, avec cette tenue, user de ton Alter par temps pluvieux n’était plus une mauvaise idée. Cependant, tu allais avoir une dernière opportunité de meurtre avant de devoir changer de stratégie. Pourtant, cette cible là était étrange...bien plus jeune que les autres, mais aussi mieux vêtue...et bien trop propre. C’était suspect. Un jeune récemment mis à la porte par sa famille ? Ou n’importe quoi d’autre...mais t’étais pas certaine que le tuer te rapporterait quelque chose. Alors, à plusieurs mètres de lui, tu t’étais figée pour l’observer, le katana présent dans ta main gauche ruisselant alors d’un mélange de sang et d’eau. Oui, tu avais oublié de nettoyer ta lame après ton dernier meurtre, ce qui faisait qu’on pouvait suivre cette partie de ton trajet comme le chemin du Petit Poucet. Il allait falloir corriger ça avant que les premières sirènes ne retentissent au loin.
« T’es perdu, gamin ? Tellement rebelle que tu t’en fous d’être trempé quand tu serais dix fois mieux avec un toit sur la tête ? »
Tout de même, tu préférais rester sur tes gardes. Peut-être que tu n’étais pas la seule chasseuse à errer sur ce terrain...tu pouvais totalement avoir affaire à un psychopathe.
Il avait presque pu gagner le sommeil. Presque. Si une femme à la voix étrange vêtue tout aussi étrangement n’avait pas décidé d’interrompre son repos. Ouvrant un oeil, dévoilant ses pupilles bleues cyan luant dans l’obscurité, il ouvrit le second en détaillant du regard le peu qu’il pouvait voir de cette femme. Grande, chevelure nivéenne, yeux bleus discernables derrière un masque de kitsune… presque une version féminine de lui en somme.
“ … “
Baissant les yeux en direction de son katana encore ensanglanté, il resta immobile. Inutile de réfléchir plus longtemps, il s’agissait sans doute d’une mercenaire ou d’une citoyenne voulant nettoyer les rues des sans abris. Avant même les alters, cette pratique avait toujours été un fléau au Japon. Comme si les gens ne voulaient pas voir la misère sur leur palier. Kain avait dû en tuer beaucoup pour se défendre…
“ Je dormais, ça se voit pas ? “
Dit-il sans se redresser pour le moment. Le simple mot “gamin” l’irritait. Comme s’il n’était pas une menace. Ce n’était pourtant pas lui qui était venu chercher les ennuis. S’il devait y avoir conflit, quelqu’un allait le regretter.
“ Je sais parfaitement ou je suis et l’eau me gêne pas. “
Que cherchait-elle au juste ? Une personne cherchant réellement à débarrasser les rues des sans abris l’aurait attaqué sans crier gare, jeune ou pas.
“ Tes cheveux, c’est naturel ? “
Demanda t-il de manière inattendue. Croiser un semblable n’était pas chose courante, c’était même la première fois pour lui.
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Est-ce que tu rêvais ou bien était-il vraiment à deux doigts de s’endormir avant que tu le tires de sa léthargie ? Ce garçon n’était vraiment pas net. D’un côté, est ce que quoi que soit pouvait l’être dans un quartier malfamé ? Tu avais un sérieux doute là-dessus.
«… aussi naturel que les tiens, mon chou. Les colorations et autres artifices, c’est pour les bourgeoises. »
Il n’avait rien de mieux que ça à demander à une femme dont il ne voyait presque rien, hormis la lame tâchée de sang qu’elle tenait et qui laissait supposer qu’elle savait s’en servir ? Vraiment, il était spécial. A moins que ce soit un guetteur pour un quelconque réseau ? Ca aurait pu te rapporter, finalement.. si tu réussissais à gratter un peu cette couche d’indifférence.
« Que l’eau te gêne pas c’est une chose, mais la pneumonie que tu vas attraper à force de rester là-dessous c’en est une autre. »
Et pourtant, ce que tu venais de lui dire n’empêcha en rien le fait que tu vint t’adosser au même mur que lui, défiant les larmes célestes de la même façon. Huit victimes, ça faisait déjà deux millions de Yens, la nuit étant loin d’être finie tu avais tout le temps de reprendre ton œuvre macabre quand cette maudite pluie qui éloignait tes proies serait terminée.
« Puis, c’est pas l’idée du siècle de dormir dans la rue. Outre les rats qui pulullent dans les égoûts, la nuit est envahie par les rats humains qui ne cherchent qu’à ronger leurs semblables...et ceux-là sont les pires car armés et prêts à tout. »
Naturellement, il le comprendrait sans doute, tu t’incluais dans cette description sommaire. Ce que tu cherchais principalement à obtenir de lui en lâchant ce genre de tirade c’était si oui ou non il ferait référence à un mentor ou quoi que ce soit. Les gamins perdus transformés en marionnette par des parrains ou des maquereaux, c’était bien souvent en commençant à tirer sur ce fil qu’on atteignait le bout de la bobine. Un autre détail pouvait éventuellement t’être utile.
« T’as bien un nom, derrière tes allures de rustre ? »
Il parcourut la femme du regard, impassible bien que le regard légèrement brumeux de par ce semblant de réveil brutal. Les bourgeoises ? Elle n’avait pourtant pas l’air d’être à plaindre. Au contraire même.
“ Mais ce ne sont pas les prolos qui trouveront ce genre de katanas ou le masque que t’as sur le visage. “
A priori, même sa tenue semblait relativement élaborée. Du moins, du point de vue d’un jeune homme ayant grandi dans la rue sans vraiment s’être confronté à la surface. Mais le plus important était plutôt: que faisait-elle avec tout cet attirail.
Il reposa l’arrière de son crâne contre le mur auquel il était adossé, regardant la femme en faire de même. Ainsi assis à côté d’une personne debout, le jeune homme se sentit en position d’infériorité si bien qu’il augmenta sa vigilance.
“ Pf. J’aurais vu pire. “
Se contenta t-il de dire. Coups de couteaux. Grippe. Engelures. Hypotermie, hypoglicémie… vivre à la rue, même avec un corps aussi jeune et résistant que le sien, n’était pas de tout repos. Bon nombre de sans abris mouraient de froid ou de maladie, quand ce n’était pas sous les coups des autres. Dans la rue, personne ne meurt de vieillesse.
“ Tu parles des gens comme toi ? Je connais. J’suis né dans une poubelle, pas besoin d’un cours de civisme. Je connais la rue. Bien trop même. “
Kain avait lui-même tué bon nombre de ses semblables. Pour se défendre, par conflit d’intérêts, pour une bière… dans la rue, la valeur de la vie se mesurait en fonction de ce que l’on était prêt à faire pour assouvir la moindre de ses envies. En revanche, les individus croyant bon de massacrer les sdf par plaisir ou idéologie alambiquée… mieux valait pour eux ne pas croiser la route du jeune homme.
“ Ça dépend. “
La conversation avait beau avoir l’air d’être possible, Kain tenait à savoir à qui il parlait.
“ A qui est le sang sur ton sabre ? “
Levant les yeux vers elle, il la fixa de nouveau.
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Le jeune homme semblait pour le moins sur la défensive. Comme une proie face à son prédateur naturel dont il cherchait logiquement à déceler les intentions, tandis qu’ils ne faisaient que se regarder en chien de faïence. La fuite, en un quart de seconde, signait le début d’une chasse qui ne faisait que retarder la lutte à mort qui devait de toute façon s’engager. La différence avec votre situation c’était que ton interlocuteur était curieux, très curieux, sans pour autant te fournir la moindre information intéressante...ou presque. Ce n’était pas dans le registre que tu attendais mais un détail de ses paroles retint son attention, te faisant tourner la tête et abaisser le regard sur lui.
« Né dans une poubelle ? Bercé sur un lit d’ordures...et ben. Quels parents ingrats. Si tu connais si bien la rue...j’imagine que c’est parce qu’ils t’ont abandonné ? C’était la suite logique...va savoir pourquoi, dans ce monde, certains parents ne veulent tout simplement pas entendre parler de leur progéniture. »
Une nouvelle preuve assez conséquente d’hypocrisie de ta part...qu’avait-tu fait durant les douze premières années de ta fille sinon l’ignorer, l’agresser verbalement et la repousser physiquement, avant de tolérer tout juste sa présence dans tes bras au bout d’une décennie, quand elle était vraiment au bord du gouffre et qu’elle avait besoin de mots de ta part qui ne venaient pas ? Absolument rien. Etrangement, depuis que tu avais croisée la petite Momo, tu étais enfin sortie de ton sommeil en réalisant que c’était peut-être à toi et non à tes parents de la préparer au monde extérieur...mais il était sûrement trop tard ? Tu voyais bien que tu la terrifiais plus qu’autre chose quand tu prenais l’initiative de diriger ta main sur elle...et comme un chiot apeuré, elle ne faisait que trembler verbalement comme physiquement. Mais tu n’étais pas vraiment du genre à lâcher l’affaire. Après tout, si elle était sortie de tes entrailles, il devait bien y avoir une force mentale comparable à la tienne dans ce petit corps. C’était à toi de trouver comment la révéler.
« Le sang sur mon sabre ? Il appartient...à un homme sur la rive de la mort. Il était si transi de froid qu’il n’a pas su faire autre chose que me regarder l’approcher en m’implorant d’un regard de chien battu de ne pas faire ce que j’allais lui faire...mais ça n’a eu aucun effet. »
Tu abaissas alors à ton tour le regard sur le fameux katana.
« J’aurai quand même pu faire ça plus proprement...enfin...j’imagine que j’ai mis un terme à ses souffrances et qu’il est dans un monde meilleur. J’ai même pas pris le temps de demander qui il était, ce qu’il avait fait dans sa vie et comment il avait fini dans cette situation...mais bon, c’est pas vraiment mes affaires ça. »
C’était...une façon étrangement naturelle le monstre dont tu revêtais le costume lorsqu’il te fallait mener à bien ce genre de sale boulot. Ton interlocuteur se sentirait-il en danger avec toi ? Vu la froideur avec laquelle tu venais d’avouer un meurtre tout en minimisant sa gravité, c’aurait été normal. Cela dit, tu avais principalement été aussi honnête car tu voyais mal ce jeune homme aller tout avouer aux flics, qu’il voyait sûrement plus comme des ennemis que des alliés. Tu avais déjà entendu parler de plusieurs sans-abris ayant fait l’erreur de s’installer dans un lieu trop touristique, chassés brutalement à coups de matraques et de gaz lacrymogène.
« Bon, question à choix non multiple...si t’es là j’imagine que c’est parce que t’as nulle part d’autre ou aller ? »
S’il daignait encore t’adresser la parole après avoir vu cette « vraie nature » que tu endossais en même temps que ta tenue, tu avais peut-être une proposition à lui faire.
A bien y réfléchir, c’était bien la première fois que l’on s’intéressait à cette partie de sa vie. Enfin, si intéresser était le bon mot. Kain ne parlait jamais de ces choses la, d’une part parce qu’aucune oreille n’était la pour l’écouter, d’une autre parce qu’il n’avait au final pas grand chose à en dire. Il serait tellement plus simple d’avoir un coupable sur qui déverser sa haine… mais non.
“ Aucune idée. Et j’men fous. “
Dit-il en reportant son regard droit devant lui, observant l’asphalte trempé dont les reflets ne renvoyaient que la lueur des lampadaires lointains. S’il devait y avoir un mort ici, l’endroit serait parfait.
“ Ça devait être des sans-abris aussi. “
Kain ne savait presque rien d’eux. Des toxico. Ils l’avaient revendu à un autre type pour pouvoir payer leur came. Le type en question s’était servi de lui d’une manière que son esprit s’était efforcé d’oublier. Mais tout ce temps, la seule constante était la rue. Ou qu’il aille, ce foutu bitume n’avait jamais disparu de sa vision. Et ce désagréable goût de sang dans la bouche non plus.
Les mots de la femme résonnèrent en lui calmement. En voilà une qui ne dissimulait même pas la putricité de son âme. Mais pourquoi donc lui dire cela ? Était-ce un avertissement ? Une menace ? Une manière de se vanter ? Ou simplement une honnêteté un peu trop froide.
“ Hm. Je me doutais bien que t’étais ce genre de personnes. “
Il n’y avait pas à réfléchir bien longtemps. Une personne masquée, armée et sanglante dans une rue nocturne fréquentée par les sans abris… Les meurtres de sdf étaient trop courants pour se voiler la face. Devrait-il venger ses victimes ? Sans doute. Mais quelque part, le jeune homme s’en moquait. Lui aussi avait tué. En revanche…
“ Qu’est-ce que t’attends pour tenter ta chance avec moi alors ? “
Il releva le regard une nouvelle fois vers elle. Comme un défi. Il lui suffisait d’un contact. Un contact avec la paume de sa main, et ses crimes seraient lavés pour l’éternité… mais tenterait-elle le coup ? Si elle l’avait réellement voulu, il aurait fait une cible idéale ainsi plongé dans le sommeil.
Sa question lui arracha un rictus.
“ Nan, j’adore la pluie, les poubelles, l’odeur de pisse tout ça. “
Question rhétorique. Evidemment, Kain n’avait nulle part où aller.
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Les propos du jeune homme sonnaient assez familièrement dans ton esprit. Tes aveux ne l’avaient pas impressionné le moins du monde, il était même allé jusqu’à te défier vaguement de l’inclure à ta liste macabre. Ainsi, ta prise sur ton katana se raffermit, tandis que tu le jaugeais à nouveau du regard. Voyait-il lui aussi sa mort comme une délivrance ? Probablement...mais ne pouvais-tu pas en tirer davantage ? Pourquoi sa tête t’était comme...familière ? En tout cas...deux cent cinquante mille Yens c’était une somme...mais est ce que tu n’avais pas moyen de négocier davantage si tu le mettais sous l’égide de ton boss ? Après tout, avec cette dette qui ne cessait de se creuser, il fallait aussi bien penser rentabilité proche que lointaine.
« Je pourrais te tuer ici-même en un éclair, en effet…mais j’ai peut-être un meilleur plan. »
A défaut de lui présenter ton katana, qui regagna dans son ensanglantement ton fourreau, c’est ta main que tu lui adressas après avoir fait un pas vers lui. La scène était assez représentative...un jeune homme accroupi vivant dans la rue qui voyait une main tendue par une mercenaire qui lui laissait donc la vie sauve s’il était réceptif à la proposition.
« Vu que tu aimes tant l’odeur de la pisse et des poubelles. J’ai un moyen pour toi de sortir de ce foutoir. J’suis pas venue buter des pauvres gens pour le plaisir mais parce que ça rapporte. Et j’ai un commanditaire. Un gars qui serait sûrement ravi d’avoir un nouveau poulain pour s’en mettre plein les poches...mais il reste assez réglo, ses petits jobs payent bien et il laisse bien entendu la plus grosse part à l’exécutant. Faut juste pas avoir peur de se salir les mains mais pour quelqu’un comme toi qui as toujours vécu dans la crasse ça doit pas être un problème. Je me trompe ? »
Tu lui laissas un instant de répit pour digérer tes propos, ayant bien entendu passée ta commission sous silence. Cela dit, il n’y avait pas besoin d’être un génie pour le deviner, seulement d’y réfléchir un peu.
« Et avant que tu me demandes le rapport...il m’a fourni une piaule annexe. Se pourrait qu’il y ai une place pour toi dans cette piaule si tu es assez intelligent pour la fermer sur ce qui s’est passé ce soir. Donc, qu’est ce que tu en dis ? »
Tu ne lui laissas toutefois pas vraiment le temps de te répondre avant de lui tourner le dos et de sonder les alentours du regard. Il pleuvait toujours...mais avec le temps peut-être que tes cibles s’étaient enfin fixées quelque part. S’il ne formulait aucune réponse, ou bien si elle n’était pas satisfaisante...la louve se contenterait de repartir en chasse. De toute manière il avait de bien trop vagues informations sur toi pour constituer un danger. Pas comme cette héroïne qui avait vu ton visage mais qui paraissait trop négliger son cursus pour t’avoir inquiétée.
Il resta stoïque. Kain n’avait peur de rien ni personne. En enfant de la rue, les pires menaces qu’il ait dû affronter n’étaient plus de ce monde. Sans parler de cette arrogance invétérée qui le caractérisait, grandement encouragée par son alter. Un alter auquel il n’avait trouvé aucun équivalent en terme de létalité, celui-ci lui conférant le pouvoir de tuer d’un simple contact de la main. De quoi se sentir au-dessus de tout. Bien heureusement, Kain n’était pas homme à vouloir imposer ses exigences aux autres ou à vouloir prouver sa supériorité à tout va. Seulement, il était bien rare de sa part que de prendre une quelconque menace au sérieux.
“ Tu n’avais pas de meilleur plan pour l’autre ? “
Demanda t-il, cynique, se demandant bien ce qu’elle pouvait lui trouver qui justifierait ce traitement spécial. Sa jeunesse ? Sa potentielle beauté ? Leur ressemblance visiblement frappante alors même que son visage était couvert d’un masque ? Ou une simple lubie lunatique.
Le geste de la femme lui fit hausser un sourcil. Voilà qui devenait de plus en plus intéressant. Tendre la main à un inconnu dans une situation visiblement aussi tendue qu’incertaine ? Peut-être était-elle aussi sûre d’elle que lui finalement. Ou était-ce simplement le fruit d’un goût prononcé pour le risque.
“ … “
Ainsi, Kain saisit la main de la femme et s’en aida pour se relever, veillant bien à ne pas la toucher de ses cinq doigts. De par ce simple contact, elle se trouvait à sa merci… et l’on pourrait comparer l’inaction de Kain à de la clémence. Sa main, calleuse et parcourue de petites cicatrices, semblait avoir un long vécu.
“ C’est audacieux de tendre la main à quelqu’un dont on ne connaît pas l’alter. “
Dit-il sans expliciter ses paroles.
“ Je marche. Mène moi à lui. “
Se contenta t-il de dire en ignorant le semblant de pique qu’elle lui avait lancé en évoquant la crasse dans laquelle il était forcé de vivre depuis tout ce temps. L’argent, Kain en avait besoin pour sortir de la misère. Qu’importe ce qu’il devrait faire pour le toucher. Mais… personne n’était à l’abri d’un mauvais coup de sa part. Peut-être l’apprendraient-ils à leurs dépens.
“ Donc t’es tout aussi démunie que moi. Va pour la chambre. “
Commençant à marcher à ses côtés, Kain n’était pas pour autant conquis. Restait à voir l’endroit et vérifier si tout cela n’était pas un vulgaire guet-apens. A vrai dire, ce serait bien la première fois que le jeune homme dormirait dans le même endroit que quelqu’un d’autre, son premier réflexe dans une maison étant de tuer ses occupants.
“ Pourquoi faire cette offre à moi et pas un autre ? “
Demanda t-il légitimement.
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Au moins, l’une des qualités de cet homme était de ne pas faire perdre de temps. A peine ta proposition énoncée qu’il l’avait acceptée, potentiellement sans même prendre le temps d’y réfléchir. Il fallait avouer que tu le sortais quand même du pétrin qu’était la vie livré aux caprices météorologiques. Tu jetas un coup d’oeil par dessus ton épaule pour vérifier qu’il était prêt à partir, avant d’ouvrir la marche en laissant ta main gauche reposer sur le fourreau de ton arme, juste par précaution. Le trajet allait se faire assez loin des regards curieux, dans les ruelles peu fréquentées, ce qui te laissait le temps de donner plus de détails, même si ce pied-à-terre n’était qu’à un ou deux pâtés d’immeubles. Il avait été pour le moins curieux d’entrée de jeu...mais ses réponses se verraient dilapidées au fil du trajet. Une manière pour toi d’évaluer le sérieux du candidat. S’il tournait les talons par lassitude avant que vous ne soyez arrivés, c’était que l’opportunité ne l’intéressait pas vraiment.
« Je t’aurais bien emmené à lui dès maintenant… mais c’est pas le genre d’homme chez qui on se rend comme chez son boulanger. Je vais déjà te garder à ma disposition dans l’appart pendant quelques jours, mais ça devrait aller vite si je lui dis que j’ai un nouveau poulain motivé à bosser pour lui. »
Un détour, auquel tu te figeas un instant pour vérifier que c’était bien désert, avant de t’y engouffrer.
« Ah, ouais...juste un truc. J’suis pas démunie, c’est seulement pratique de pouvoir multiplier les adresses quand t’es susceptible de frapper aux quatre coins de Tokyo voir dans d’autres villes. »
Arrivant subitement dans une rue un peu plus peuplée, tu te mis à accélérer le pas. Le bon immeuble n’était plus bien loin mais tu préférait ne pas trop attirer l’attention avec ton costume d’assassin qui ne faisait pas tellement illusion de cosplay. Heureusement, si le numéro était le bon, il n’y aurait qu’à filer au rez-de chaussée et vous seriez à l’abri des regards.
« Et pourquoi toi au lieu d’un autre ?...t’es le seul jeune que j’ai croisé. Les autres m’auraient claqués entre les doigts avec leur arthrose ou je ne sais quoi d’autre. Allez, entre. »
Lâchas-tu simplement après avoir ouvert la dernière porte vers une relative sécurité. En vérité, ce détail était assez personnel, mais il te rappelait vaguement ton frère parti il y a cinq ans, bien qu’il soit beaucoup plus jeune encore. Quand l’on perdait des choses, on cherchait toujours inconsciemment à les remplacer.
« Fais comme chez toi, tant que tu casses rien. »
Ce n’était que la troisième fois que tu mettais les pieds ici, l’on pouvait donc rapidement se rendre compte que tu ne t’étais même pas encore complètement approprié les lieux. Il n’y avait plus ou moins que le principal pour qu’un citoyen lambda mène une vie correcte. Salle de bain fonctionnelle s’il voulait se nettoyer, cuisine avec un frigo rempli s’il avait un creux...de quoi faire sa vie même s’il ne connaissait pas les lieux. De ton côté, après avoir sommairement séchée ta crinière et adopté une tenue plus sèche mais aussi un peu plus décontractée. Bien que tu restais masquée pour l'instant car l’heure d’évaluer ton invité était arrivée...et tu commenças par lui envoyer une bouteille de vodka, un simple geste pour le mettre en confiance. D’autant que tu avais soif toi aussi, ne tardant pas à déboucher la tienne.
« Bien. T’as de la chance, même si je serai pas toujours là pour te surveiller, y’a largement de la place pour deux ici. »
Tu lui désignas un fautueil non loin de l’endroit ou il se tenait tandis que tu restais adossée à un mur qui y faisait justement face.
« Par contre c’est pas gratuit. J’vais devoir justifier de l’intérêt que tu peux avoir pour lui donc...si j’ai pas au moins ton nom et une idée de ce que ton Alter, si tu en as un, permet de faire...on part déjà sur de mauvaises bases. Vu ton passif j’vais éviter les questions sur l’expérience en arts martiaux, tout ça, car hormis le combat de rue t’as pas dû expérimenter grand-chose. »
Libre à lui de se vendre comme il le désirait. S’il choisissait de rester muet jusqu’à rencontrer le grand patron...il comprendrait à ses frais que ce dernier était encore moins tendre que toi quand il s’agissait du business.
Il haussa les épaules. Evidemment, l’homme était prudent. Après tout, Kain pourrait très bien avoir accepté sa proposition simplement pour l’atteindre et tuer l’homme qui dérangeait les rues bien plus que les sdf au final. Un avis qu’il garda pour lui, sachant très bien la crainte qu’il pourrait susciter de par le moindre de ses faits et gestes.
“ Ça lui arrive jamais de se salir les mains ? “
Demanda t-il moins innocemment qu’on pourrait le penser. Un homme se contentant d’employer pour faire son sale boulot n’aurait aucune valeur aux yeux du nivéen. Et il n’était pas question d’instaurer une quelconque hiérarchie entre eux. Il ne s’agirait que d’une simple collaboration.
Rebondissant sur sa précision lorsqu’elle prétendit pouvoir frapper aux quatre coins de la ville, Kain haussa un sourcil. Les “vilains” comme les appelaient ces stupides héros, il les connaissait. Au moins de nom. En revanche, il n’avait jamais vu une seule affiche comportant une femme aux cheveux blancs ou même portant un masque de renard.
“ Je n’ai jamais vu d’avis de recherche en ton nom. Pourquoi ? “
Même lui, sans savoir comment, en avait un.
Se contentant ensuite de sa justification à propos du choix qu’elle avait fait de l’emporter avec elle, il entra dans la chambre. Son premier réflexe, en bon sauvage, fut de vérifier les murs et le sol à la recherche d’éventuels pièges ou caméras, Kain étant bien trop méfiant pour faire confiance à qui que ce soit en l’état. Mais après plusieurs minutes -et sans rien casser-, ce fut bredouille qu’il s’affala dans le fauteuil désigné par la femme en attrapant la bouteille de vodka.
“ Original tiens. “
L’alcool étant la seule boisson consommée par la plupart des sans abris, Kain y était habitué. Et ce, depuis bien trop jeune si bien qu’il commença à engloutir la bouteille sans flancher.
“ Je n’aime pas qu’on me surveille. Pas besoin. “
Vidant la bouteille de moitié, il détendit ensuite son bras pour fixer la femme masquée lorsqu’elle formula sa requête. Une requête relativement malvenue à ses yeux, elle qui était techniquement en position de force dans son élément.
“ Toi d’abord. T’es dans ton élément ici. Et ton masque, il est incrusté dans ton visage ? “
Dit-il en buvant une gorgée de vodka, un léger rictus aux lèvres en l’entendant dire qu’il serait mauvais en combat.
“ On peut essayer de se battre si t’as envie de tester mes capacités d’inexpérimenté. “
Défiant, une nouvelle fois. Kain ne voulait absolument pas se placer en position de faiblesse.
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A peine son évaluation débutée qu’elle partait déjà dans une direction contraire à celle que tu voulais lui donner. Son esprit systématique de défiance était remarquablement déplacé dans les circonstances actuelles. Jaugeait-il convenablement la situation ? Vu qu’il se permettait de te renvoyer l’ascenseur sans même te donner une once de réponse, rien n’était moins sûr. Mieux valait pour lui qu’il ne se mette pas en tête d’abuser de ton hospitalité cependant. Tu avais bien décidé de lui laisser le bénéfice du temps, espérant qu’il déclinerait au minimum un pseudonyme face à ton silence accablant… mais ta patience attint ses limites lorsqu’il te proposas de le tester directement en combat. Décidément, il n’avait pas compris que le rapport de force était établi malgré sa futile protestation. C’était toi qui pouvait le faire croquer pour qu’il goûte à une vie meilleure et si ça ne l’intéressait pas il n’avait qu’à retourner d’ou il venait. Cet état de fait ne changerait pas quand bien même il le désirait de toutes ses forces.
«… J’voudrais pas la faire à vélo, celle-ci. T’as prévu de vider ma réserve en un temps record ?»
Un simple commentaire complètement bateau sur le fait qu’il venait de vider la moitié de sa bouteille en quelques secondes. D’un côté, ce n’était pas entièrement à ton désavantage.
« Si ça peut t’aider à parler remarque...bois autant que tu veux. On va peut-être s’installer directement dans ma cave du coup ? »
Un soupir t’échappas, que tu étouffas ensuite avec une bonne gorgée d’alcool, avant de reporter ton regard dans celui de ton interlocuteur.
« Bon...on va recadrer les choses, mon chou. Déjà, tant que t’auras pas prouvé à mon boss que tu es un gars sûr, il me demandera de garder un œil sur toi pour vérifier que tu mouchardes pas. Ensuite, bien sûr qu’il se salit les mains, mais pas comme ceux qu’il embauche. T’as même pas idée du nombre de ses concurrents qu’il a fini par livrer en faisant chanter leurs sbires qui refusaient la débauche… j’dirais qu’un centième du chômage de ce pays est directement ou indirectement lié à lui. C’est pas grand-chose, mais ce n’est qu’un seul homme, faut pas l’oublier. Il a des contacts et des yeux absolument partout. Si ta gueule lui revient pas, ou si tu le déçois, attends toi à recevoir une lettre de licenciement dans la semaine et à recevoir la visite du SAT dès le lendemain matin aux aurores. Dans ce monde, le pognon et les relations ça fait tout… et lui il a les deux en quantité pharaonique. »
Tu vins alors t’asseoir directement face à lui.
« Mon masque est malheureusement collé à mon visage pour l’instant, en effet. Qu’en est-il du tien, mon chou ? Ca serait déjà un premier pas vers un rendez-vous avec le grand patron. Par contre...si tu veux le rencontrer sur tes deux jambes et non les pieds en avant, vaut mieux pas qu’on se confronte, crois moi. Je pourrai te briser en un éclair, littéralement. »
En effet, quelque soit finalement son Alter, le tien te permettait d’ôter une vie sans même avoir besoin d’un contact, seulement d’une proximité qui était actuellement présente. Relèverait-il cependant la subtile indication sur la nature de ton pouvoir ? Tu le laissas un moment confronté à ses propres pensées, le temps de remplir le premier sac que tu trouvas d’autres bouteilles, avant de revenir le poser entre vous deux. Malheureusement, même si tu avais diversifié les elixirs, il n’y avait pas grand-chose qui ne soit pas alcoolisé… fallait dire que ça faisait plus de dix ans que tu n’avais plus bu une seule goutte d’eau, dans une vaine tentative de noyer la rage qui t’habitait. Ainsi tu ne concevais plus vraiment que l’on puisse boire autre chose.
« Sent toi libre de te servir à ta guise…ça va t’aider à parler, puisqu’il faut en arriver là. »
Ta propre bouteille fut terminée en une seule traite et son cadavre n’eut même pas le temps de finir sa roulade sur le plancher que tu en avais déjà ouvert une deuxième.
« Si y’a pas d’avis de recherche sur moi pour l’instant… c’est parce que j’ai quasiment toujours réussi à ne laisser aucun témoin. Les rares qui sont encore en vie, à ma connaissance, n’ont pas grand intérêt à aller me dénoncer car en se présentant dans les instances requises ils finiraient eux-même sous les verrous… faut croire que jusqu’à présent j’ai été excellente chasseuse, si personne n’a échappé aux mailles de mon filet. Mais toi qui en as un, on te reproche quoi sur cette affiche ? »
Une nouvelle tentative à peine masquée d’en apprendre sur son potentiel. Tu étais loin d’être fermée aux questions, mais tant qu’il ne daignerait pas se mettre à table, tes réponses ne seraient que détournées. Est-ce que ce stock de boisson survivrait à sa présence entre vous deux ? Le doute était légitime.
Comme pour accompagner sa parole, il continua de siphonner la bouteille. Habitué à l’alcool depuis son plus jeune âge, il lui faudrait bien cinq bouteilles pour véritablement commencer à flancher. Une capacité dont il ne retirait pas spécialement de fierté puisqu’elle le renvoyait à ses origines misérables de gosse des rues forcé de manger dans les poubelles pour survivre. Sans doute était-ce pour cela qu’il tentait malgré tout de garder une bonne hygiène. Pour ne pas avoir l’air d’un misérable clochard. Chose qui avait au moins partiellement fonctionné sur cette femme.
“ Hm. “
Faisant fi de ses commentaires sans rapport vis à vis de ses dires, il écouta ensuite sa longue homélie en ayant la politesse de ne pas la couper. Ainsi semblait-elle avoir au moins autant d’ego que lui. Deux personnalités semblables, tout comme leur apparence. A croire qu’ils faisaient partie de la même portée… et qu’ils n’étaient pas du tout faits pour s’entendre.
Evidemment, ce charabia corporatiste lui passa au dessus. Tout ceci était bien loin de ses préoccupations… car Kain ne faisait pas partie du même monde. Un monde régit de lois, de principes, d’équilibre, d’ordre. Du plus bas des criminels au plus hautes instances, tout était affaire d’ordre. De compromis. D’autorité. Kain, lui avait grandi dans la crasse. L’anarchie. La mort. La solitude.
“ Ton boss me plaît déjà. Mais… “
Se penchant en avant vers elle, il enchaîna.
“ Je me battais avec des bâtons et du verre brisé avant même d’avoir un alter. Vous les gens de la surface, vous pensez être au dessus de tout. Que tout est écrit. Que les plus forts sont ceux avec le plus de contacts et d’influence. Forcément, quand vous tombez sur un gosse des rues comme moi… difficile de remettre en question l’ordre établi. Je viens d’un endroit ou tout le monde est au même niveau… et chacun pour soi. “
Etrangement, il n’explicita pas ses paroles. L’important était que, aussi puissant et entouré pouvait-il être, personne n’était intouchable… et ce genre de choses n’impressionnaient nullement Kain.
“ Enfin, je n’ai rien à craindre de quelqu’un n’osant pas dévoiler son visage. Si j’avais voulu te tuer, tu serais déjà morte et tu n’en as même pas conscience. “
Ajouta t-il en s’enfonçant à nouveau dans son siège, évoquant l’instant ou elle lui avait tendu la main. Elle qui parlait d’arts martiaux, la voilà qui le menaçait de son alter quand il lui proposait un combat. Peur ou simple orgueil ? Peu importe. Manifestement n’avait-elle pas envie de tenter le coup.
“ Enfin, trêve de chamailleries. Je n’aime pas les joutes verbales. “
Dit-il en sous-entendant que la suite logique de ce petit concours d’ego devrait se finir avec des coups si elle voulait vraiment continuer sur cette lancée. Puis, lorsqu’elle revint avec ses bouteilles, le jeune homme haussa les sourcils.
“ T’es en train de m’avouer calmement que tu comptes profiter de mon ivresse ? Il y a beaucoup de manières pour faire parler un homme. “
Drôle de femme. Être ivre voulait également dire diminué en cas d’attaque, pour peu qu’elle ait été vexée par ses propos. Si son alter s’avérait être un classe 7, il fallait encore pouvoir toucher sa cible pour l’activer… et cela nécessitait une bonne forme physique ainsi que des réflexes opérationnels. Ainsi, pas question de finir en coma éthylique.
“ Pas mal. Tu t’en sors bien. Ou alors tu ne fais que des petits coups qui n’intéressent pas assez les autorités. “
Dit-il avant d’entamer une seconde bouteille lui aussi. Des “vilains” inconnus, il devait y en avoir quelques-uns… mais Kain les imaginait rares. Après tout, le jeune homme était certain de ne jamais avoir été aperçu mais avait quand même fini sur un avis de recherche.
“ Meurtres, massacres, ce genre de choses. On retrouve rarement mes victimes pourtant, je n’ai aucune idée de comment j’ai pu me retrouver recherché. “
Avoua t-il, ces informations n’étant de toute manière pas cachées en raison de la prime sur sa tête.
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Cette conversation commençait à tourner en rond. Hormis tenter de retourner le dialogue à son avantage, il n’avait vraiment rien fait jusque-là. Pas de nom, aucune idée de son potentiel, seulement des menaces et des demi-aveux. Savoir se battre avec ce qui traînait, s’attribuer des meurtres et des massacres...tout ça c’était facile. Tu le faisais bien après tout. Là résidait finalement le principal problème, vous étiez trop semblables. Dans la nature, deux Alphas ne pouvaient s’entendre, entre vous c’était pareil. De ses lèvres, tu n’avais relevé que ce qui t’intéressait, à savoir sa froideur apparente quand il mentionnait des meurtres. Mais hormis le fait de savoir qu’il ne tremblait pas en tenant une arme ou en étant couvert de sang, ce qui était le strict minimum, tu n’en tirais pas grand-chose.
« Ouais, penses ce que tu veux. En tout cas si t’es pas plus bavard devant lui tu vas vite redescendre de ton petit nuage et cracher tes tripes mais aussi ton sang. Faire le malin avec son Alter ça finit très souvent par nous retomber dessus. »
En l’occurrence...tu en savais quelque chose. Si tu n’avais pas joué l’héroïne en herbe tu serais certainement toujours vierge. Quant à ce Kain...si ce n’était pas pour l’argent qu’il pouvait te rapporter il girait déjà inanimé dans la rue. De toute façon...s’il ne se montrait pas convaincant lors de son entretien, tu recevrais certainement l’ordre de l’éliminer quoi qu’il en soit.
« Bref. J’ai rien à dévoiler ni à prouver à un gamin des rues qui préfère rester secret. La douche c’est ici, ta chambre, là-bas et si tu rentres dans la mienne cette nuit tu passes par la fenêtre. »
Lâchas-tu simplement avant de fouiller dans le sac pour attraper trois bouteilles de vodka qui te tiendraient compagnie pendant la nuit. En y réfléchissant, huit morts c’était assez peu pour une partie de chasse nocturne...mais il t’avait suffisamment agacé pour t’arracher du mood nécessaire. Si tu remettais les pieds dehors dans cet état ça allait littéralement être une boucherie et tu en oublierais la notion de discrétion. Ta dernière tirade servant de conclusion à cet échange puisqu’il ne semblait rien avoir à rajouter, ce qui te permis de t’éclipser enfin dans ta propre chambre et de te glisser sous les couvertures dans le plus simple appareil en compagnie de tes trois litres de vodka qui seraient consommés en une poignée de minutes. L’avantage d’être ivre c’est que ça t’empêchait d’être enragée et de sortir tout casser dans la rue jusqu’à avoir déchargé tes batteries. En plus de ça, si personne ne venait te déranger, ça t’endormais trois fois plus rapidement pour une nuit deux fois plus longue. Qui sait, peut-être qu’à ton réveil demain matin il aura mis les voiles.
Kain n’avait pas l’air plus ennuyé que cela. A vrai dire, tout était clair en son esprit et le déroulement des prochains jours également. Sa décision était prise. Mais il le garderait bien pour lui. En revanche, s’il pouvait sembler dénué de toute empathie, ce n’était pas exactement le cas et voir la femme lui ayant offert le gîte s’en aller sur une mauvaise note lui fit relativiser de son mauvais comportement. Non pas qu’une assassin mériterait un traitement de faveur, certes…
“ Tu vas me laisser siphonner les bouteilles tout seul ? Pas drôle. “
Il haussa les épaules. Sans doute irait-ce mieux le lendemain. Malgré leurs différents, la ressemblance qu’avait cette femme avec lui l’intriguait. Peut-être devrait-il la fréquenter davantage afin de passer outre ce petit différent.
Quoi qu’il en fut, terminant sa bouteille en prenant son temps, le jeune homme les jeta ensuite par la fenêtre en parvenant à viser une des poubelles situées sur le trottoir avec une certaine adresse bien que l'alcool commence à faire effet. Et il ne s'arrêta pas en si bon chemin: il en restait quelques unes à boire sur le sol. Quitte à avoir quelque chose de mieux à faire... autant passer le temps de la meilleure des façons.
...
Peut-être n’aurait-il pas du finalement. Une vingtaine de minutes plus tard et le reste des bouteilles jonchant le sol, ce n’était plus le même homme que Kain avait laissé derrière lui. Car, si certains pouvaient avoir l’alcool violent, le jeune homme avait la particularité de devenir plus… avenant sous ses effets. Du moins, suffisamment pour comprendre à quel point son comportement s’était avéré exécrable. Mais sûrement pas assez pour réaliser que l’on entre pas dans la chambre d’une dame sans frapper en pleine nuit.
Poussant mollement la porte en titubant, manquant de tomber à la renverse, il s’appuya contre l’encadrement ouvert. Dans la pénombre, difficile de distinguer grand chose, si bien qu’il eut la présence d’esprit de ne pas s’aventurer à l’aveugle et s’adressa à elle directement.
S’il était saoul, le jeune homme était néanmoins encore capable de tenir un discours cohérent. Restait à savoir si ce n’était pas que l’expression d’une bouteille de trop et qu’il en penserait toujours la même chose le lendemain.
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Déjà, trois cadavres jonchaient le plancher de ta chambre. Et toi, tu tournais le dos à l’entrée de la pièce, te laissant peu à peu gagner par un mal de crâne correct qui suffirait au moins à te maintenir au lit en l’absence d’élément perturbateur. Toutefois, en attendant de sombrer, tu restais suffisamment lucide pour échanger quelques messages au sujet de ton invité surprise avec ton patron qui était, étonnamment, encore réveillé à cette heure. Même si tu ne voyais pas flou, ses réponses eurent le droit à plusieurs lectures. Compte tenu du portrait réfractaire que tu lui avais dressé, il te laissait le loisir d’éduquer la forte tête par tes propres moyens ? Durant un prochain boulot qu’il t’avait déjà refourgué ? Ca ne lui ressemblait pas de déléguer ainsi mais tu n’étais pas vraiment en état de te poser autant de questions. C’était pas un peu un cadeau qu’il te faisait de pouvoir dresser ce jeune homme ? Au moins tu aurais une raison valable de lui asséner quelques coups dans les côtes s’il fallait en arriver là.
Mais serait-ce vraiment nécessaire ? Bien qu’il te fallut plusieurs secondes pour le réaliser, ta porte d’entrée avait grincée et tu n’avais pas mis longtemps à y réagir en te redressant d’un coup, plissant les yeux en observant l’entrée. Tu avais oublié de maintenir en place le drap qui couvrait ta nudité...mais c’était pas la première de tes préoccupations à vrai dire. Heureusement, le jeune homme pris la parole avant que tu ne puisses trouver les mots adéquats au savon promis. Rien qu’à sa voix...tu devinais son état. Crier ne servirait pas à grand-chose. Au moins...tu avais enfin son nom. Mais pour mieux le voir, tu décidas d’éclairer la pièce… non sans avoir remarqué ton état au dernier moment, tentant de replacer le drap au plus vite. Qu’il ait vu, c’était probable et peu dérangeant...tant qu’il ne s’épandait pas là-dessus.
« Hmm...tu vois quand tu veux, Kain. Mais bon...j’avais dit quoi ? »
Vu qu’il se tenait à l’encadrement, tu cernais un peu mieux son niveau d’alcoolémie. C’était probablement la boisson et non lui qui parlait...mais c’était déjà ça de gagné. Tu restas là, à le fixer en clignant des yeux quelques fois, avant d’enfin te décider à te lever. Même si ta pudeur était momentanément passée à la trappe vu qu’il se souviendrait de toute façon pas de ce qu’il avait vu, tu pris pourtant la peine de te revêtir du strict minimum, ne serait-ce que pour minimiser les risques qu’il pourrait vouloir prendre...et ce qu’il encourrait donc.
« Ok, mon chou...j’apprécie l’intention mais là dans ton état...j’crois que t’as besoin de sommeil. Faut que je te raccompagnes peut-être ? »
A croire que l’alcool ne faisait pas que te neutraliser, mais t’adoucissait un peu également. S’il fallait que tu lui serves d’appui pour qu’il ailles se coucher...bien que tu ne l’aurais sûrement pas proposé en étant sobre, tu t’y résoudrais pour cette fois. Car il te paraissait assez improbable qu’il veuille rester ici et continuer à bavarder...mais venant d’un homme saoul, il fallait s’attendre à bien des choses.
Il cligna des yeux, affinant sa vue. S’il était bien une chose qu’il n’était pas donnée de voir dans les égouts ou les ruelles de Sapporo où il avait grandit, il s’agissait des femmes. Surtout… dans ce genre de circonstances. Bien qu’il ne soit pas né de la dernière pluie, cette simple vue suffisait à lui remonter le moral. Dans le sang et la boue, Kain n’avait que trop peu de temps à consacrer aux plaisirs de la chair.
“ Hum… je sais plus. “
Dit-il, enivré. S’il était encore assez sobre pour tenir une conversation et rester plus ou moins maître de ses mouvements, mieux valait ne pas compter sur sa mémoire. Du moins, pas dans les détails. Kain avait seulement conscience de s’être comporté comme un con. La méfiance était une chose, la défiance une autre.
“ Pas besoin. Je suis… parfaitement en forme. “
Ce n’était pas vraiment le cas.
“ J’ai d’ja passé une semaine sans dormir tu sais… y’avait pas le temps dans les égoûts. “
Avoua t-il, baissant la tête un instant en fixant le sol, vue bien moins imprenable que celle du corps de la jeune femme. Mais après quelques secondes de réflexions ou il préféra éviter de se lamenter sur un passé qu’il n’exposait jamais en temps normal, le nivéen se montra pour le moins… entreprenant. Plus qu’il ne l’aurait jamais été sans ces grammes d’alcool.
“ Et puis… tu voulais pas faire connaissance. ?“
Dit-il, posant doucement la main sur la hanche droite de son interlocutrice. Même dans cet état relatif, le jeune homme avait la conscience d’esprit de ne pas la toucher des cinq doigts alors même qu’il lui était plus souvent amené à toucher pour tuer que pour tout autre chose. Conscience professionnelle dirons nous.
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Vu son alcoolémie prononcée, ça ne te surprenais qu’à moitié que Kain n’insiste pas pour que tu le raccompagnes. Ton absence de vêtements y était clairement pour quelque chose...mais vu son passé ça devait bien être la première fois qu’il se retrouvait dans cette situation. Et ses réactions furent assez logiques, bien qu’osées. Trop osées. A défaut d’accepter la main tendue pour le coucher, c’est une toute autre partie de ton corps qu’il convoita étrangement. Sans y poser l’entièreté de sa main. Il avait sans doute une raison...tout comme tu en possédais une suffisante pour attraper sa main et la retirer, avant de vous asseoir sur ton propre lit d’un commun effort. C’est que les trois litres de vodka commençaient toi aussi à te faire tourner la tête, l’option la plus proche fut donc la meilleure. Evidemment, tu n’avais plus de réel recul sur ton manque de logique ni sur bien des choses. Cela dit tu étais encore bien loin du stade ou tu recracherais le contenu de tes intestins avant de t’endormir dedans.
« J’me doute bien que tu dormais pas beaucoup...mais avec un vrai toit sur la tête c’est plus vraiment à l’ordre du jour, hmm ? »
Quittant alors le parquet monochrome qu’il fixait jusque-là, ton regard brumeux se reporta sur le jeune homme.
« T’es sûr que tu veux faire connaissance ? En général quand on touche la hanche d’une femme c’est pour autre chose quand même… »
Mais ce ne serait sûrement pas avec toi.
« Cela dit...y’a une bonne raison pour laquelle tu devais pas rentrer dans ma chambre, de base. Le prochain homme qui me toucheras est pas encore né. »
La présence de Kain ne t’empêchas cependant pas de te laisser aller à chuter perpendiculairement sur le matelas.
« Mais j’ai pas la motivation de t’emmener jusqu’à ton propre lit, donc t’as pas intérêt à oublier les limites...même si j’ai pas vraiment le choix de t’accepter pour cette nuit. »
A nouveau, tes yeux se dirigèrent sur le jeune homme.
Il lui était de plus en plus difficile d’organiser ses pensées. Kain était perdu, et n’avait pas eu à attendre l’alcool pour cela. Qu’il soit sobre ou non, sa vie ne ressemblait à rien et la perspective de se réfugier dans les bras d’une femme, si elle était séduisante, n’offrait qu’un réconfort éphémère. Peut-être même rendrait-il le retour à la réalité plus difficile. Mais ça, Kain n’était pas en état de l’évaluer. Et quand le jeune homme avait une idée en tête… difficile de la lui retirer.
“ C’est pas vraiment le toit le plus réjouissant ici... ”
Dit-il suggestivement en croisant son regard azur. Dormir à l’abri, ce n’était pas la première fois pour lui. C’était même son motif de meurtre le plus récurrent: supprimer les résidents d’un lieu pour s’accaparer leur habitat l’espace de quelques nuits avant de changer d’endroit. La rue, l’humidité, les rats, la puanteur… tout cela rendait fou. La nature lui avait donné un alter puissant, pourquoi ne devrait-il pas s’en servir ?
“ Peut-être que c’est… la meilleure manière… “
Dit-il d’un ton relativement saccadé. Kain n’avait aucune idée de comment s’y prendre en terme de séduction, sans même parler de son taux d’alcoolémie. Difficile d’en ressortir grand chose donc, il s’en sortirait même presque bien. Mais sans surprises, ce ne fut pas suffisant pour la jeune femme qui repoussa ses avances avant de s’échouer dans le lit, laissant donc le nivéen insatisfait.
“ Je suis pourtant bien né… pas trop vieux j’espère ? “
Dit-il dans une tentative sûrement vaine de plaisanter en prenant son expression au pied de la lettre. Presque dépité, il s’allongea à ses côtés, tournant la tête en sa direction pour la regarder. Difficile de se résoudre à abandonner un corps si charmant.
“ Les limites, c’est pas un truc de héros ? Je croyais que nos vies se définissaient justement par notre absence de limites. “
Il ferma les yeux. C’était au moins le cas pour lui. Difficile de trouver quelque chose qu’il se refuserait de faire, du moins avec l’esprit embrumé qu’il avait en l’instant. Pourrait-on vraiment lui en vouloir ? Kain était né avec moins que rien.
“ Joli nom. Et rare, dans ce pays. “
Un nom. C’était manifestement ce dont il allait devoir se contenter. Un point commun de plus à sa liste: ils partageaient tous deux des noms à consonance étrangère.
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Pourquoi le plafond semblait tourner sur lui-même ? T’avais sûrement surestimée ta limite sur ce coup...et te retrouver dans ton lit en compagnie d’un jeune homme qui en avait fait autant ça n’augurait rien de bon. Bien qu’il était suffisamment entreprenant pour ignorer ton aspect réfractaire, l’alcool t’ôtait à la fois envie et énergie nécessaires à le sortir de ta chambre. Cela faisait quelques minutes que vos regards s’étaient figés l’un dans l’autre, le temps que tu rassembles suffisamment de mots pour faire une phrase correcte, avant de rompre le silence.
« C’est pas le plus réjouissant mais c’est le premier ou tu as une vue de cette qualité, j’imagine. »
Même s’il ne te reluquait pas sans gêne, tu ne doutais pas du fait qu’il avait bien dû se rincer l’oeil pendant l’instant ou tu lui tournais le dos. Fallait bien avouer qu’à sa place tu aurais fait pareil en t’acquittant d’un commentaire sur ce que tu aurais pu voir. Lui ne l’avait pas fait. Bien qu’il restait assez audacieux pour que l’esquisse d’un sourire ne se dessine sur ton visage.
« Ca veut dire quoi ça ? Ah...le scénario typique ? D’abord, la criminelle au grand coeur sauve le gamin des rues et le ramène chez elle. Ensuite il se met tellement en tête de la baiser que sa troisième jambe insistera jusqu’à avoir ce qu’il veut toute la nuit. Puis, au petit matin, quand il se réveille en ayant désaoûlé et qu’il la trouve allongée sur lui, il se souvient plus ou moins bien qu’il l’a mise en cloque...et disparaît donc dans la nature par refus d’assumer. Ce qui fait que la mère doit s’occuper seule d’une gamine qu’elle ne veut pas. Ca m’est déjà arrivé une fois de trop. »
Bien que les circonstances révélées n’étaient pas exactement les bonnes, il pouvait sûrement se faire une idée de la raison de cette répulsion naturelle que tu éprouvais maintenant envers les hommes. Maintenant que tu y repensais, c’était assez cocasse. S’il avait été du sexe opposé tu ne te serais sans doute pas posé autant de questions. Mais puisque tu n’étais plus vraiment dans ton état normal, sûrement que cette nuit irait au-delà de tes limites habituelles. Du moins partiellement.
« Puis...j’connais pas ton âge mais rien qu’à ton apparence...t’es trop jeune pour moi. Et pas assez fort. Tu pourrais pas me faire grand-chose si j’en avais pas envie. »
Sans basculer dans le registre du viol dont tu te passais très bien depuis cette première expérience, ce n’était pas aussi divertissant sans un peu de résistance des deux côtés. Et avec la carrure de ce pauvre jeune homme, nul doute qu’il finirait rapidement broyé entre tes cuisses, dans tout les sens qu’il soit possible de donner à ce terme. Cela dit, peut-être qu’il pouvait avoir une utilité.
« Si t’as pas eu le besoin de t’imposer de limites dans ta vie...c’est bien. Moi on m’a appris à en avoir et à m’y tenir...mais j’avoue que sur certains aspects j’ai fini par m’en affranchir. »
Avais-tu simplement laissé échapper avant de te glisser convenablement sous les draps, non sans lui adresser un regard d’invitation à tes côtés. Evidemment, il ne se fit même pas prier et c’est sans hésitation que tu retiras son haut avant de l’attirer à toi, créant une scène ou tu étais assez comparable à une grande enfant serrant sa peluche à taille humaine contre elle. A ceci près que tu ne voyais clairement pas la situation sous cet angle.
« T’es borné et fier comme c’est pas permis, Kain...mais j’aime bien. J’suis pareille. Peut-être qu’avec le temps j’arriverai à te supporter comme une sorte de frère mais là tu me donnes juste l’impression d’un petit enfant en manque d’affection. »
Il acquiesça mentalement. Kain avait beau manquer d’expérience dans le domaine, il savait reconnaitre une belle femme et son corps réagissait de toute manière de son propre chef. Une chose était sûre, l’occasion était trop belle pour la laisser passer… du moins encore faudrait-il qu’elle soit réceptive. S’il pouvait avoir de nombreuses tares et encore plus de crimes à son actif, le viol n’en faisait pas partie. L’idée de forcer l’entrée dans le corps d’autrui le terrifiait. Les réduire en poussière s’avérait bien moins brutal.
“ … “
Mais les prochaines paroles d’Astrid vinrent bien vite le faire redescendre du petit nuage sur lequel il avait failli s’installer. Cynique, presque brutale, celle-ci semblait décidée à vouloir le remettre à sa place… et à entailler sa condition d’homme au passage en le reléguant au rang de chaton. N’avait-elle rien retenu de leur précédente conversation ? S’il restait saoul, Kain ne l’était pas assez pour servir de paillasson.
“ Je suis stérile. Et tu m’as pas sauvé, c’était dans ton intérêt. “
Dit-il, laconique, fixant le plafond dont il ne pouvait deviner les formes. Drôle de scénario que voilà, scénario qu’elle avoua elle-même avoir vécu. Au moins pas de ce genre de problèmes avec lui. D’ailleurs, le nivéen se demanda bien ce qu’avait pu devenir l’enfant… bien qu’il décida de s’abstenir de le lui demander.
“ Je sais ce que c’est d’être un enfant abandonné. Bien content de ne pas pouvoir l’infliger au mien. “
Kain n’avait de toute manière aucune envie de procréation et encore moins d’instinct paternel. Il y avait bien trop à faire en s’occupant de lui même. Et ces efforts qu’il avait du faire pour survivre tout ce temps, les voilà remis en question par l’arrogance de la femme qui semblait sous-estimer sa force. Bien trop. Kain n’était pourtant pas en manque de muscles, mais encore moins de nerfs. Lorsqu’il se battait, le nivéen n’utilisait pas toujours son alter.
“ Je t’ai proposé de tester, j’te rappelles. Ne me sous estime pas. “
Si elle remettait sa force en question, il n’y avait qu’à vérifier par elle-même.
“ Mais t’as raison. J’suis probablement pas une assez grosse ordure pour te forcer. “
Dit-il en se retournant dans le lit, fixant le mur de la chambre en lui présentant son dos. L’alcool l’aidait certainement à ne pas la tuer tout de suite, le seul motif d’écorcher sa fierté, d’autant plus venant d’une femme qui lui plaisait, étant un motif bien suffisant en temps normal. Mais à circonstances exceptionnelles…
“ C’est pas un choix. Dans les égoûts, y’a aucune limite. “
Jouer les badboys n’était pas son passe temps favori. Kain n’avait pu choisir aucun aspect de sa vie. Et les rares fois ou il tentait de le faire, comme ici, s’avéraient infructueuses. Comme une sorte de destin immuable. Ainsi, préférant s’arrêter la puisqu’elle semblait clairement exprimer son absence d’attirance pour lui, le jeune homme tenta de se relever afin de s’en aller… mais fut tiré bien avant par sa camarade de chambre, qui l’attira à lui et pris même la peine de lui retirer son haut, dévoilant un torse rongé par une vie laborieuse et sans doute trop éprouvante pour son âge. Brûlures de cigarette, balafres larges et mal refermées, celles-ci semblaient presque couvrir les muscles dessinés sur le torse de l’éphèbe.
“ … “
Repoussant soudainement la femme, il se plaça au dessus d’elle avec plus ou moins d’adresse dû à l’alcool.
“ Non. Je ne suis ni l’un ni l’autre. “
Comment pourrait-il manquer d’affection, lui qui n’avait jamais connu cela ?
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La réaction du jeune homme fut étonnante. Pourtant, d’un côté, ce fut exactement celle que tu attendais. Il avait après tout été suffisamment perspicace pour comprendre que même dans ton état tu ne faisais en quelque sorte que jouer avec lui. Bien que l’opportunité que tu lui avais offerte soit réelle, elle était principalement intéressée. Il s’était rapidement dégagé de ton étreinte mais pour autant, il était demeuré immobile au dessus de toi. Attendait-il encore un accord visuel qui ne viendrait jamais ? Tu ne faisais que l’observer assez froidement sur l’instant, plissant le regard à sa dernière réplique.
« Ni l’un ni l’autre dis-tu...donc, tu n’es rien ? Ouais, c’est ça...juste un orphelin minable que j’ai préféré sortir de la rue plutôt que de le supprimer comme les autres. Mais vu ce que j’en obtiens en échange j’aurais dû te laisser là-bas. Heureusement que tu vas me rapporter un minimum pour peu que tu sois convaincant, ce qui n’est pas gagné. »
Puis, d’un rapide coup de paume sur son torse, tu le repoussas sur le côté du matelas avant de lui tourner le dos.
« Mais bon. Vu que t’es si fort et tout...j’te retiens pas si tu veux retourner à ta vie d’avant. Par contre là, au moindre geste suspect tu court-circuites. Pour ta propre sécurité tu ferais peut-être mieux de t’éloigner au minimum d’une chambre. »
Non pas que tu le considérais comme une quelconque menace mais jusqu’à ce que tu t’endormes, voir même s’il te réveillait dans la nuit, le pauvre goûterait amèrement à ton Alter, probablement en ayant rien demandé. La surprise au réveil serait de voir si oui ou non il était toujours là pour subir son évaluation.
Il leva les yeux au ciel. Ça ne servait plus à rien d’essayer, et l’alcool commençait à lui donner un sacré mal de tête de toute manière. Il n’y avait rien à retirer de cette femme, si ce n’est son corps. Tout le reste était détestable. Et s’il serait bien tenté de la tuer dès maintenant, Kain préféra se retenir pour en revenir à son plan de départ. Une chose était sûre, elle s’en mordrait les doigts un jour ou l’autre.
“ Il me semblait pas t’avoir attaqué de la sorte. Enfin, si tu le prends comme ça. “
Il descendit du lit, récupérant le t-shirt qu’elle lui avait enlevé d’elle-même. S’il s’était peut-être montré entreprenant, elle n’avait pourtant pas manqué de lui envoyer des signes. Qu’aurait-il dû en tirer au juste ? Sûrement une manière pour elle de jouer afin de se sentir supérieure. Qu’importe. L’alcool aurait au moins l’avantage de lui faire oublier tout cela demain.
Ainsi, prenant le chemin de la sortie, il s’arrêta dans l’encadrement de la porte. Ses mains le démangeaient.
“ Connasse. “
Puis il partit, fermant la porte derrière lui non sans faire trembler les murs. Pour autant, ses jambes ne purent lui permettre de s’éloigner davantage si bien qu’il s’avachit dans le premier matelas venu, espérant oublier cette sale nuit le plus rapidement possible. Il n’y avait rien à retirer des femmes, le nivéen l’avait pourtant déjà expérimenté par le passé.
@feat Astrid & Cursed Leaving this world isn't as scary as it sounds.
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