Not alone in the Pylon [Feat Cohort et Yakō Mikazuki]

Tout avait commencé par une simple envie touristique: voir la tour de Tokyo. Kowai, en tant que nouvel arrivant, désirait ardemment voir les points les plus importants de la capitale. Il avait, bien entendu, vu plusieurs fois l'édifice à la télévision. Mais il s'était un peu enthousiasmé et avait également fait de plus amples recherches. Il avait appris le prix du billet, compris à quelle heure il aurait le plus d'espace à l'intérieur pour observer le panorama, retenu la taille exacte de la construction et, bien évidemment, gardé suffisamment de monnaie sur lui pour s'acheter une réplique en plastique de l'édifice avant de sortir. En bref, tout devait se passer pour le mieux. Il avait prévu de ne pas laisser ses loisirs habituels gâcher sa visite. Il voulait profiter pleinement de l'instant... Et il imaginait sa fuite plus difficile lorsque la police arriverait et qu'il serait à 250 mètres de hauteur. Il avait, certes, envisagé un instant d'emmener un parachute avec lui... mais tout ce outillage lui paraissait trop encombrant pour vraiment être une bonne idée. Pour être tout à fait honnête, on aurait pu rajouter qu'il ne savait pas non plus quel endroit braquer pour obtenir un parachute.

De fait, il était venu dans une tenue parfaitement discrète. Il avait récupéré les habits d'un passant qui avait à peu près sa taille. Le gentil donateur avait fini la nuit dans une poubelle. Kowai s'était changé au Love Hotel où il séjournait avec Cohort. Il avait pris soin de lui. Il s'était bien rasé, douché, peigné et était, pour ainsi dire, sur son 31. Ses courts cheveux noirs étaient plaqués sur son crâne en lui donnant un air plus guindé que de raison. Du haut de ses 1m95, il avait pour ainsi dire l'air d'un salarié mal nourri plus que d'un potentiel tueur sanguinaire. Il était un peu inquiétant pour ceux qui le voyait, mais il était difficile de dire si ces derniers s'inquiétaient de leur propre bien être ou de son bien être tant il paraissait fin.

Après s'être rendu dans le quartier de Minato avec un gobelet en carton en main, il était passé prendre une crêpe en bas de la tour. Pour Cohort. Il ne voulait pas que ces derniers s'ennuient pendant la visite et avait donc pensé à les nourrir. Il faut dire que leur conversation matinale lui avait été agréable et qu'il ne voulait pas les laisser en plan pendant qu'il s'amusait tout seul. Bref, Kowai avait tout l'air d'un salarié en voyage d'affaire qui avait obtenu, de gré ou de force, un jour de congé pour visiter la tour. Toute la matinée, il avait fait attention à ne pas faire trop de bruit en se déplaçant. Il avait été méticuleux au possible, quitte à paraître un peu amorphe. Ou étrange, suivant le spectateur. Le grand édifice rouge et blanc, quant à lui, paraissait conforme à ses attentes et, après avoir acheté un billet, il s'était rapidement retrouvé dans l'ascenseur. Et c'est à cet instant précis que la malchance frappa. Après quelques secondes, la cage de fer s'immobilisa. La lumière clignota quelques instants et la porte ne s'ouvrit pas. Il était facile de déduire que l'engin avait eu un problème et que les portes n'étaient pas prêtes de s'ouvrir.

En temps normal, Kowai aurait pris le taureau par les cornes et aurait tenté de trouver une sortie de secours, quitte à grimper une échelle. Après tout, c'était un classique cinématographique que de voir quelqu'un monter dans la cage d'ascenseur en plein désastre. Il n'y avait, certes, pas encore eu de désastre... Mais la réverbération du son provoqué par un Kowai en pleine ascension d'une échelle en aurait sans doute provoqué un. Malheureusement, cette idée était pour l'instant loin d'être mise en pratique par le touriste. En effet, il n'était pas seul dans la machine. Il y avait, bien évidemment, Cohort, mais également deux autres personnes. De l'autre côté de l'engin, face à Kowai, une vieille femme à l'air plutôt vive pour son âge le dévisageait. Elle portait un chignon de cheveux grisonnants qui lui donnait l'air d'une vieille institutrice. Elle avait également un gros grain de beauté sur la joue droite et portait un kimono beige. A côté de cette dernière se trouvait un femme bien plus jeune. Elle devait avoir une quinzaine d'années, plus ou moins. Elle avait les cheveux roses comme un cerisier et des oreilles de lapin. Elle portait une veste légère et un jeans. Les deux femmes avaient l'air d'être entrées ensemble dans l'ascenseur, mais elles n'avaient aucun air de famille. Dans tous les cas, Kowai pensait que leur présence pour pimenter sa visite sans nécessairement la compromettre pour peu qu'il soit un tant soit peu dans la retenue.

Il attendait donc de voir comment la situation allait se débloquer sans trop bouger pour l'instant. Il observait les autres avec un air neutre tout en tenant d'une main son gobelet de "café" et de l'autre sa crêpe. Il n'avait pourtant l'air de toucher ni à l'un ni à l'autre...

Il n'avait pas fallu quelque minutes à la jeune fille pour venir s'enquérir de sa situation. Elle avait l'air plutôt calme au vu de la situation. En même temps, il n'y avait pour l'instant pas de quoi paniquer à moins d'être claustrophobe ou pressé par le temps. A propos de temps, d'ailleurs, Kowai ne savait pas combien de minutes durerait encore la crêpe qu'il avait prévue pour occuper Cohort. Cette dernière (la crêpe, bien évidemment) fondait à vue d'oeil.

- Bonjour, monsieur le squelette ! Ne vous inquiétez pas, ni pour l’endroit ni pour cette dame, ça n’arrive de temps en temps. Mais dites-moi, vous êtes de voyage ? Vous semblez être en visite, et si c’est le cas, c’est bien dommage d’avoir a subir une telle malchance. Mais c’est ce qui rendra la vue de la Tour que plus mémorable, n’est-ce pas ? La récompense de cette quête ne sera qu’amplifiée… Espérons juste que ça ne prenne pas trop de temps.

Une quête? Kowai n'en avait jamais connu de véritable. Enfin, il avait joué à tous les Dragon Quest comme un bon citoyen nippon, mais rien de plus. Il avait l'impression que cette jeune fille devait avoir sa propre bizarrerie à gérer. Enfin, rien qui ne le concerne explicitement. Il n'aimait pas spécifiquement être traité de squelette, mais il était vrai qu'il n'avait que la peau sur les os. Aussi, il ne se vexa point et préféra faire preuve d'amabilité. Après tout, il était de rigueur de se présenter lorsque quelqu'un faisait de même.

Il se leva donc brusquement, émettant un très léger frémissement dans l'air. Un son quasi-imperceptible, mais qui ferait effet sur quiconque en percevrait ne serait-ce qu'une bribe... Et il s'inclina tout aussi vigoureusement tout en tenant avec force sa crêpe et son gobelet:

- Bonjour, mademoiselle. Je ne m'inquiète guère de la situation. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve coincé dans un ascenseur. Je suis effectivement en voyage. Je viens d'arriver à Tokyo.

Kowai se releva brusquement et continua à s'agiter. Il singeait une forme de stress inexistant chez lui. Il ne savait pas qui paniquerait en premier entre la vieille et son interlocutrice... Mais cela faisait partie du jeu et du plaisir de la chose. Et comme Kowai aimait la chose bien faite, il reprit:

-Je pense effectivement que tout cela rendra la visite plus mémorable, mais j'ai d'autres engagements. J'espère que vous ne m'en voudrez pas si j'essaie de contacter l'extérieur.

Notre protagoniste profita donc de la situation pour traverser à grandes enjambées la cage de fer en direction du panneau de contrôle. Il prit soin, cette fois, de laisser Cohort et la crêpe dans un coin. Il ne voulait pas non plus trop secouer ses compagnons de voyage. Il était presque sûr que ces secousses ne dérangeaient aucunement la colonie gélatineuse... Mais dans le doute.

Une fois devant le panneau, il pressa le bouton d'urgence. Il enclencha une sorte d'interphone qui permettait de contacter l'extérieur en cas d'urgence. La jeune femme qui lui répondit lui indiqua que quelqu'un était en route pour régler le problème et qu'il arriverait d'ici une heure ou deux. En se retournant vers les autres, Kowai se prit à mentionner un détail amusant:

- Il parait que la chose ne sera réparée que dans une heure ou deux. J'espère que ce n'est rien de grave. Il ne faudrait pas que l'ascenseur lâche. Imaginez la chute! Je n'ose pas y penser.

Tout en prononçant ses mots, il faisait trembler sa jambe droite dans une fausse inquiétude correctement simulée...

Cohort entendirent que d’autres humains se trouvaient dans la salle qui monte. Ils sortirent un peu plus de leur cachette afin d’observer leurs possibles futurs nutriments. Les deux proies qu’avait réussi à isoler Kowai, étaient de qualités différentes. Une semblait fraiche et pleine d’énergie, l’autre était usée par le temps. L’énergétique se mit à parler rapidement. Cohort avaient de la peine à comprendre tout le contenu de ses paroles.

Kowai s’agita à son tour et baissa le haut de son organisme d’un mouvement rapide qui secoua la colonie. Son comportement était étrange. Il ne les avait pas encore attaqués. Il semblait juste parler. Sans doute une ruse de chasse, en conclurent Cohort. Ils allaient donc observer sa stratégie afin de pouvoir s’en servir plus tard afin d’avoir de meilleurs résultats à leurs futurs chasses.

Kowai déposa délicatement son compagnon et son repas dans un angle et se dirigea contre une des cloisons afin de discuter avec cette dernière. Le sachant occupé, Cohort sortirent totalement de son gobelet afin d’enrober totalement la crêpe de son nappage orange et destructeur. Une fois totalement recouverte de gélatine la crêpe commença à se désagréger en émettant le léger son d’un cachet d’aspirine se dissolvant dans un verre d’eau épaisse.

Cohort entendirent le bruit caractéristique des articulations de son compagnon. Ce son provoquait aux êtres pluricellulaires des réactions intéressantes : Augmentation du niveau de stress, Augmentation du rythme cardiaque, souvent suivi de cris et de chutes.
Cohort ne ressentait rien de tout cela lors de l’écoute de ce bruit. En même temps, ils ne possédaient ni cœurs ni cerveaux. Ils en conclurent que c’était sans doute cela qui les rendaient insensible à ces sons pourtant mélodieux. Cohort n’avaient pas non plus une grande connaissance musicale…

Cohort restaient dans leur coin réfléchissant, passant d’un sujet à l’autre jusqu’au moment où ils remarquèrent que la vieille humaine avait commencé à les fixer. Ils comprirent que c’était leur moment d’agir. Il fallait montrer que leur objectif n’était pas de la consommer. Il fallait absolument trouver la bonne phrase afin de s’introduire à cette dernière. Il fallait passer pour un être suffisamment innocent pour éviter qu’elle prenne la fuite. Il fallait aussi ne pas passer pour une proie afin d’éviter une attaque contre la colonie. Après une dizaine de seconde à évaluer tous les sons possibles, tous les mots et toutes les phrases possibles Cohort se décidèrent sur le meilleur choix.

Hey.

La vieille femme hurla en réponse. Ce bruit désagréable fit trembler la structure. Sans doute une capacité hors du commun que possédait cette personne âgée.

L'adolescente paraissait mieux résister à l'alter de Kowai que la vieille. Il faudrait peut être "en remettre une couche" plus tard. Dans tous les cas, la fille aux cheveux roses repris la parole:

- Ne vous inquiétez pas, les artisans mécano-magiques civils ont suffisamment d’expérience pour empêcher ces événements malchanceux de ce produire. Ce qui m’inquiète plus à vrai dire, c’est le risque que cette zone de transport de ce voir projeter dans l’astrale céleste. Cela serait une cinématique amusante, mais je crains que tout le monde ici ne soit pas apte à ce genre de sensation.

Kowai peinait à comprendre d'où venait ces artisans "mécano-magiques". Etait-ce une naiveté extrême de la part de la demoiselle quant au fonctionnement de la technologie moderne ou se croyait-elle dans Dragon Quest? Alors qu'il cherchait à faire un lien entre la situation actuelle et l'astre céleste, il fut interrompu par Cohort qui avait décidé de se manifester à ce moment-là.

-Hey.

La chose fit réagir la vieille, ce qui amusa profondément notre protagoniste. D'ailleurs, la réaction de la dame fit même trembler la cage d'ascenseur. Sans doute un alter. C'était tout à fait divertissant. Dès lors Kowai n'avait plus aucune envie de critiquer l'attitude peu discrète de ses compagnons de voyage. La jeune lapine reprit la parole:

- Ce n’est rien, madame Masuda. C’est simplement une personne qui possède un Alter qui lui donne une apparence de slime. Calmez-vous et respirez un bon coup, hurler ne fera pas avancer la situation.

D'un simple coup de main sur l'épaule, elle sembla calmer la grande crieuse... ce qui n'amusa guère Kowai. Alors qu'il réfléchissait à la suite des événements, il croisa le regard de la lapine qui alternait entre lui et Cohort. Elle leur demanda d'une voix beaucoup trop calme à son goût:

- Je suppose que vous êtes groupé ensemble. Je dois admettre que l’aider a voyager dans un gobelet est plutôt une bonne idée. Mais évitons les mauvaises surprises dans le genre, je crains que madame Masuda ne soit plus en âge d’apprécier de telle révélation et de tel plot twist dans une situation pareille. Vous avez un autre compagnon avec vous, ou vous n'êtes que tout les deux ?

-Les mauvaises surprises? Je ne vous permets pas. C'est une très bonne surprise. La preuve étant que Mme Masuda ne s'y attendait pas et a crié. L'effet était donc parfaitement réussi. De plus, je crois que vous êtes en train d'insulter Cohort, mais passons...

Kowai éclata d'un rire poli qui fit résonner sa cage thoracique. Il prenait un malin plaisir à faire durer cette brève intercession dans sa réplique.

- Je n'aimerai pas instaurer une mauvaise ambiance dans ce magnifique ascenseur où nous sommes actuellement coincé. Je suis bien moins confiant que vous quant à sa solidité, d'ailleurs. Il a tremblé de manière assez inquiétante tout à l'heure...

Tout en parlant, Kowai faisait craquer les os de sa main droite. En toute innocence, bien sûr.

- Mais je crois que Mme Masuda a peut-être quelques soucis. Elle me semble bien pâle tout à coup. Vous allez bien, madame? lui demanda-t-il tout en approchant sa main de son visage comme pour tâter de sa température.

Mme Masuda, qui était de nouveau dans un état de panique avancé, ne parut pas réagir spécifiquement à la main de Kowai. Ses yeux semblaient comme fixés sur quelque chose qui lui faisait face, transperçant le grand homme qui l'approchant de son regard sans pour autant le voir. Elle se mit à crier:

-Les pieuvres! Non, pas les pieuvres!

Kowai demanda à Mme Masuda si elle "allait bien" tout en faisant gesticuler fortement ses doigts à proximité de sa tête. Le regard effrayé de l'ancêtre lui mettait du baume au coeur. Il lui demanda:

-Quelles pieuvres, Mme Masuda? Nous sommes dans un ascenseur. Vous êtes très loin de la mer actuellement. Je ne vois pas comment d'horribles céphalopodes pourraient faire glisser leur dégoûtants tentacules dans vos nasaux pour vous dévorer le cerveau.

Les tremblements de la vieille repartir de plus belle. Elle poussa un bref cri qui fit à peine trembler l'ascenseur avant que ses yeux ne finissent de virer au blanc. Elle tomba alors inconsciente sur le sol. Kowai fut digne d'un gentilhomme lorsqu'il lui pris sa température et annonça au reste de la pièce qu'elle ne semblait pas avoir de fièvre mais devait avoir besoin de repos.

L’humaine aux oreilles surdimensionnées pausa une main sur le corps de la vieille ce qui sembla la faire taire instantanément. Ce fut une très belle démonstration de la capacité unique de cet individu.

- Ce n’est rien, madame Masuda. C’est simplement une personne qui possède un Alter qui lui donne une apparence de slime. Calmez-vous et respirez un bon coup, hurler ne fera pas avancer la situation

Cohort se sentirent profondément insultés par les propos de cette jeune femme. Ils n’étaient pas une unité et encore moins une personne. Les êtres humains sont répugnants avec leur forme unique et leurs non-assemblages optimisés. Alors que Cohort s’apprêtaient à répondre, Kowai s’exprima.

-Les mauvaises surprises? Je ne vous permets pas. C'est une très bonne surprise. La preuve étant que Mme Masuda ne s'y attendait pas et a crié. L'effet était donc parfaitement réussi. De plus, je crois que vous êtes en train d'insulter Cohort, mais passons...

Il venait de prendre la défense de Cohort. Il venait de protéger Cohort. Ce n’était certes pas contre une menace physique mais c’était tout de même une protection. Kowai était vraiment un être humain qui était attentif à la vie des autres espèces que les humains. Il se remit à faire du bruit avec son ossature et se dirigea vers la vieille humaine qui tremblait de plus en plus.

-Les pieuvres! Non, pas les pieuvres!

Cohort observèrent attentivement pour chercher ces céphalopodes riches en vitamine B12. Ces nutriments étaient une très bonne chose à ajouter à son menu. La vieille femme tomba alors que Cohort scannaient les alentours à la recherche de ce repas invisible. Cohort se rapprochèrent de la carcasse de l’humaine au sol et demanda à la personne aux grandes oreilles.

Ça vous dérange si nous la consommons ou vous avez prévu de le faire?