Everybody wants to be a cat | ft. Setsuna

« Hanae, je suis là ! » s'écria le père de l'adolescente en sortant sa tête par la fenêtre de sa vieille voiture d'occasion. De son côté, passant tout juste le portail de l'académie de Daiki, l'étudiante se précipita telle une folle furieuse dans le véhicule en espérant que personne ne l'ait remarquée grimper dedans. Elle avait un peu honte de la voiture dont son père était, au contraire, très fier. « Alors ? Tu as passé une bonne journée ma puce ? » interrogea-t-il calmement en lui ébouriffant les cheveux. « Super, mais vite ! Démarre ! Je suis impatiente de rentrer à la maison. » prétexta-t-elle afin d'éviter que quiconque ne la voit dans ce vieux tacot. « D'accord, d'accord ! Mais avant de rentrer, on va faire une petite escale vers Minato. Je dois y voir un ami. » informa-t-il avant de démarrer puis de commencer à rouler en direction de l'arrondissement en question.

Oh,  non ! Hanae savait qu'à chaque fois qu'il disait cela, c'était qu'ils allaient forcément se retrouver à passer plusieurs heures dans un bar, pendant que son père et un ami à lui discuteraient sans même voir le temps passer. Blasée, elle ne répondit pas, se contentant de sourire simplement avant de regarder la route. Au passage, elle se sentait coupable et un peu bête d'avoir honte de cette voiture. Après tout, ce n'était pas de sa faute s'il n'avait pas les moyens de s'en acheter une neuve. L'apprentie héroïne soupira, observant son père du coin de l'œil, ce dernier étant fier de conduire son vieux véhicule. Quoi qu'il en soit, il était heureux et, pour elle, c'était le principal. Soupirant brièvement ensuite, elle s'étira avant de s'accouder au rebord de la fenêtre pour contempler le ciel, pensive.

À de nombreuses reprises, elle se surprit en train de s'endormir, ses yeux ayant de plus en plus de mal à rester ouverts. Il faut dire que les trajets en voiture avaient toujours eu cet effet soporifique sur elle, surtout après une semaine de cours aussi intensive que celle qu'elle venait de passer. Heureusement, étant vendredi aujourd'hui, un bon week-end l'attendait donc de pied ferme pour pouvoir se reposer autant que possible. En effet, cela allait être un repos bien mérité. « Hanae, réveille-toi ! On est arrivé. » informa-t-il en la secouant légèrement, tout en douceur. De ce fait, elle ouvrit les yeux, constatant finalement qu'elle s'était bel et bien endormie sans même s'en être rendu compte. Par la suite, elle sortit de la voiture, suivant son père jusqu'au bar - où il avait prévu de retrouver son ami - d'une démarche assez molle et peu énergique, contrairement à ses habitudes.

Aussitôt assise à une table, dans ce bar quasiment plein à craquer alors qu'il n'était que dix-huit heures et trente minutes, la jeune fille s'ennuyait déjà. Son regard, encore un peu fatigué, se posa sur tout et n'importe quoi : les groupes qui rigolaient bien trop fort, ceux qui s'ambiançaient sur la musique de fond, ceux qui jouaient aux fléchettes et même ceux qui essayaient désespérément de draguer les filles les moins moches ici présentes. Ce genre d'ambiance, ce n'était clairement pas sa tasse de thé. Se tournant les pouces pendant une dizaine de minutes, tout en faisant plusieurs allers-retours aux toilettes, Hanae n'en pouvait déjà plus : il fallait qu'elle sorte s'aérer l'esprit, la musique de fond commençant à lui taper bien trop fort sur le système. « Papa, je vais faire un tour. Je reviens vite, promis. » fit-elle sans même demander la permission à son paternel qui comprit aussitôt qu'il n'avait pas vraiment le choix, celle-ci étant presque déjà à l'extérieur. « Ok, mais ne t'éloignes pas trop ! » s'écria-t-il alors, peu certain d'avoir été entendu.

Claquant la porte du bar derrière elle, Hanae soupira. Il était hors de question qu'elle y reste une seconde de plus. Quelle idée ! Elle ne pouvait pas supporter l'odeur infecte de l'alcool mélangée à celle de la transpiration, en plus de la mauvaise musique. Il n'y avait rien de plus insupportable pour elle. L'adolescente aimait son père, mais pas suffisamment pour tolérer cette ambiance plus longtemps. Enfin, quoi qu'il en soit, elle était libre maintenant. Libre de pouvoir faire ce qu'elle voul- « Ooooh ! Coucou toi ! » s'exclama-t-elle en apercevant un petit chat dont la fourrure était d'une teinte presque aussi rose que celle de ses cheveux. Lentement, elle tenta de s'en rapprocher afin de pouvoir le caresser, mais celui-ci prit rapidement la poudre d'escampette. « Hé, non ! Reviens ici poti' chat ! » s'écria-t-elle en commençant à lui courir après, à quatre pattes, tel un vrai animal, sous le regard à la fois surpris et moqueur de certains passants.


Cette étonnante course-poursuite se poursuivit donc pendant plusieurs minutes à travers tout le quartier, ni Hanae, ni le chat n'étant décidés à abandonner de si tôt. « Je vais finir par t'attraper, tu vas voir ! » fit-elle avec ambition et détermination, perchée sur le toit d'une voiture, tandis que le chat se trouvait sagement assis sur le capot, se léchant la patte. Puis, se jetant sur lui, ce dernier sauta à la dernière seconde, l'évitant de justesse et la laissant ainsi dégringoler pour finir étalée sur le sol. « Tu vas voir ce que tu vas voir, sale matou ! » menaça-t-elle en reprenant bien vite du poil de la bête, repartant à la poursuite de sa cible qui était bien décidée à ne pas se laisser capturer si facilement.

Les réactions variaient d'un passant à l'autre : tantôt des rires, tantôt des critiques. La majeure partie d'entre eux étaient probablement de mauvaise humeur parce qu'ils venaient tout juste de quitter leur travail aussi fatiguant soit-il. Qu'importe ! L'étudiante de Daiki n'avait pas le temps d'y prêter attention, parfaitement concentrée sur son objectif du moment. Ce chat était bien trop mignon pour qu'elle ne puisse pas le caresser ne serait-ce qu'un tout petit peu. Elle pourrait même se contenter d'une seule minute, mais il n'avait pas l'air d'en avoir l'envie. Quand soudain, alors qu'elle ne quittait pas l'animal des yeux durant leur course folle, ce qui devait arriver arriva. Le minou intrépide passa habilement entre les jambes d'un passant, tandis que - malheureusement - Hanae ne put se résoudre à faire de même de son côté. Se rendant compte bien trop tard de cela, l'adolescente entra en collision avec les jambes de la personne qui s'avéra être une femme.


Extrêmement gênée, elle tenta de se redresser la première afin de pouvoir l'aider à se relever, si tant est que cette dernière n'était pas parvenue à l'éviter. « Euh... Je... Je... Suis... Euh... » bafouilla-t-elle avant de se reprendre. « Vraiment désolée madame ! Je ne vous avais pas vu. » déclara-t-elle en baissant la tête, craignant que celle-ci ait une réaction des plus mauvaises. De son côté, le chat assistait à la scène, l'air très fier de lui.

Tout en écoutant attentivement la femme, Hanae vint se frotter la tête, se rendant bien compte que le précédent choc l'avait beaucoup plus affectée que cette dernière. En effet, l'inconnue était parvenue, quant à elle, à parfaitement garder son équilibre. « Oui, je suis dans le coin pour... » débuta-t-elle simplement en cherchant une idée quelconque afin de ne pas avoir à lui raconter sa vie et, plus particulièrement, la raison de sa présence ici. « Pour rendre visite un ami ! » prétexta-t-elle donc, d'un ton presque convaincant. Puis, sans s'attarder plus longtemps sur le sujet, l'adolescente vint s'accroupir devant cette même femme, l'air étrangement intriguée par quelque chose en particulier... mais quoi ?

Aussitôt, elle tapa délicatement de son index sur l'une de ses jambes, comme si elle toquait à une porte. « Dites ! Elles sont faites en quoi vos jambes ? Elles ont l'air vachement solides. » interrogea-t-elle en continuant de tapoter très légèrement dessus, de diverses façons possibles. Ensuite, tout en restant attentive à une potentielle réponse de sa part, l'étudiante de Daiki aperçut le moshi entamé sur le sol. De ce fait, elle se redressa vivement, les sourcils froncés. « Roh ! Les gens n'ont vraiment aucune gêne. Ils gaspillent la nourriture, comme ça. » grogna-t-elle brièvement en pointant du doigt le motif de sa plainte. Elle ne devait certainement pas s'être aperçue que c'était cette fameuse inconnue qui l'avait fait tomber par terre au moment où l'impact avait eu lieu.

Quoi qu'il en soit, elle conserva son allure de jeune fille mécontente lorsqu'elle prit l'initiative d'aller le ramasser, sans doute pour le jeter dans la poubelle la plus proche. Malheureusement, cette nourriture était désormais la proie du chat qui vint aussitôt bondir sur sa petite main délicate, lui infligeant un coup de griffes furtif avant de s'emparer du moshi et de prendre la poudre d'escampette. « Ah ! Sale matou ! » s'écria-t-elle, prise de court, en se relevant presque instantanément. Il ne l'avait pas raté. En effet, la face dorsale de sa main droite présentait maintenant trois petites griffures parfaitement parallèles qui, rapidement, furent recouvertes par quelques petites gouttes de sang qui y firent leur apparition. « Oh, non ! Merde ! » marmonna-t-elle en se rendant compte du résultat, un peu blasée. Décidément, ce n'était pas vraiment sa journée aujourd'hui.

Par la suite, elle farfouilla dans les fines poches de son blazer aux couleurs de Daiki, à la recherche d'un mouchoir ou d'un autre objet quelconque qui pourrait simplement lui permettre de recouvrir sa main blessée afin d'éviter de se mettre du sang partout. Malheureusement, elle doutait fortement d'en avoir sur elle et cela put même être confirmé lorsqu'elle se rendit compte que ses poches étaient toutes bel et bien vides.