Amour, Gloire et Détente [pv Coco]

Amour, Gloire et Détente

Kamata est loin de chez moi. A l'autre bout de Tokyo, en fait. Mais, par Dieu, nous sommes samedi, je viens de passer douze heures d'affilée de service à patrouiller et à enquêter sur une série de cambriolage, à faire des allées et retour entre les différents postes de police et à interroger différentes personnes. J'en ai marre, je suis fatiguée, j'ai faim, je pue, je suis sale, et je n'ai pas la patience d'attendre d'être à la maison pour régler au moins les trois derniers points. Je n'ai même pas encore eut le temps de me changer dans des vêtements civils...
Dieu merci, je ne travaille pas demain.
Kamata est loin de mon domicile, mais c'est là que je me trouve actuellement. Et heureusement il y a un établissement d'Onsen ici. Je me rappelle vaguement du Onsen de Kamata, nous avons dû y aller en famille une ou deux fois quand j'étais enfant. Il me semble qu'il est fameux, et donc plutôt cher... Mais actuellement ça m'importe assez peu. Je veux un bain, et j'en aurais un. Si je peux avoir un repas avec, ce sera un bonus.
Je mets une bonne dizaine de minutes à retrouver l'endroit, et quelques secondes à me garer sur un parking peu fréquenté. Suis-je tombée sur une horaire creuse ? Ce sera ma chance, je suppose. Je porte encore la moitié de mon uniforme et mes chaussures de service au moment où je sors de la voiture. Au moins les chaussures resteront-elles dans l'entrée... Ah, ou peut-être pas en fait. Je sors le sac contenant mes vêtements civil du coffre et me dirige vers l'entrée de l'établissement. Le bâtiment est tout ce qu'il y a de plus traditionnel et détonne avec le reste du paysage urbain, structure en bois dans une mer de béton et d'acier.
Dans l'entrée, je me débarrasse de mes chaussures de service et sors un sac en plastique de mon sac de sport. A l'intérieur se trouve des chaussures de ville qui prennent place dans les rangements de l'entrée (il y a très peu d'autres paires, je suis vraiment dans une heure creuse) tandis que les chaussures de service vont dans le sac. Cela fait, je peux réellement entrer dans le bâtiment. Il y a un vieil homme à l'accueil, avec un chaton dans les bras. La mascotte de l'établissement peut-être. Avec un sourire fatigué, je me diriger vers l'homme et le salue.
❝ Bonsoir monsieur. Serait-il possible de-
Je suis interrompue par un miaulement particulièrement sonore et le petit chat s'élance soudain des bras qui le tenait. La réception sur le sol est maladroite et je grimace un peu en la voyant, j'espère qu'il ne s'est pas fait mal. Je me baisse pour le reprendre mais il part rapidement en direction d'une porte entreouverte. Le vieil homme derrière le comptoir s'est agité dès que le chaton a quitté ses bras et a commencé à le suivre.
On dirait que non, ça ne va pas être possible...
Je pousse un soupire, pose mon sac sur le sol et remonte rapidement au niveau de l'employé.
❝ Laissez monsieur, je vais aller le chercher.
Au vu de son âge, courir après un chaton en pleine forme ne sera pas une promenade de santé et moi... Et moi je suis fatiguée et j'aspire au repos mais comme le dit le Chef dans chacun de ses discours à l'école de police, un gardien de la paix n'a jamais totalement au repos.
Alors que je m'élance à mon tour dans les couloirs de l'établissement à la poursuite  du félin, je suis vaguement informée qu'il appartient à un client de l'établissement et non pas à l'établissement. Eh bien, ça peut expliquer que l'homme soit inquiet de le perdre. La petite bête est vivasse (plus que moi c'est certain) et plutôt rapide, mais je n'ai aucune difficulté à le suivre au bruit. Il ne fait que miauler sans arrêt et de façon particulièrement forte. Un animal vocaliste. Il entre à nouveau dans mon champ de vision dans un vestiaire et je me demande distraitement si ce chat est déterminé à prendre un bain. J'ai comme un doute qu'en à l'acceptabilité hygiénique d'un tel acte. J'accélère autant que je le peux et parviens à attraper l'animal par la peau du cou au moment où je franchis la porte entre les vestiaires et les bain.
Je pousse un soupire de soulagement alors que la bête continue de miauler férocement mais ne s'agite pas. Comme quoi, prendre un bébé animal par la peau du cou a vraiment une sorte d'effet apaisant. En quelque sorte. Alors que je me redresse, je prends pleinement conscience de l'endroit où je me trouve.
Les bains.
Ma chance, les bains pour hommes.
Ma double chance, il y a quelqu'un dans les bains pour hommes.
Je n'ai absolument pas besoin d'un miroir pour savoir que mon visage prend une teinte rouge au moment où mes yeux passent sur l'homme présent et je me détourne immédiatement.
❝ Mes excuses ! Je n'avais pas l'intention de faire irruption. Je voulais juste rattraper ce chat.
Je ne bégaie pas et c'est déjà remarquable. Huh, bon sang. Je suis à ça d'une atteinte à la pudeur. C'est le bon moment pour faire demi-tour et se faire oublier.

(c) Morphée pour Clem

Amour, Gloire et Détente

Faisons demi-tour. C'est une bonne solution. Je remarque distraitement que le chaton s'est tut (et bon sang ça fait du bien quand même). J'entends aussi un bruit de bulle qui n'a rien à faire ici. Aucun bain à remous n'est dans les environs et- Oh non, ne me dites pas qu'il se noie. S'il vous plait. J'irais lui porter secours s'il le fait, bien sûr, mais si c'est une situation qui peut être évitée...
Je me risque à jeter un coup d'oeil vers le bassin, juste pour m'assurer qu'il ne se noie pas. Il y a une moitié de visage qui dépasse de la surface de l'eau, et le nez en fait partie. Donc il ne se noie pas, donc je peux à nouveau détourner les yeux et faire la paix avec ma conscience. Mmmh, et partir.
❝ Merci de l’avoir rattrapé… Il fait plein de bêtise, j’ai encore du mal. Ahahaha !
Je me fige alors que je m'apprêtais à repartir et mes yeux retombent sur le chat. Oh. Donc c'est le sien. Je hausse un sourcil circonspet. Est-ce que ce ne sont pas les chiens habituellement qui ne supportent pas d'être séparé de leur maitre ? Les chats sont réputés beaucoup plus indépendants. C'est peut-être parce que c'est encore un bébé... ?
❝ T’es nouvelle ici ? Je savais pas qu’ils recrutaient… J’espère que papy est sympa avec toi… Et qu’il te saoule pas avec ses histoires… Enfin bienvenue dans la maison !, rajoute-t-il.
Hein ? Quoi ?
Je manque de peu de me retourner vers lui pour lui demander d'où lui vient cette idée, mais je résiste. Je fixe des yeux la palissade, pas très intéressante mais toujours mieux que l'alternative. Je suis complètement stupéfaite par ce que je viens d'entendre et me demande vraiment d'où il a bien pu sortir cette idée.
Je secoue franchement la tête même si, ne lui faisant pas face, je doute que ça ait le même impact que de face.
❝ Quoi ? Non ! Je ne suis pas employée, je suis une cliente !
Je pousse un soupire fatiguée et mes épaules s'affaissent. Je passe une main sur mes yeux en me demande où est le bain qu'on m'a promis. Ah, oui... De l'autre côté de la palissade.
❝ Le chat s'est échappé quand je suis arrivée et je me suis proposée pour le rattraper. L'homme à l'accueil ne m'a pas semblé assez en forme pour lui courir après dans tout le bâtiment. D'ailleurs... Je vais aller lui rendre. Encore désolée pour l'intrusion, ce n'était pas mon intention !
Et sur ce, je fais demi-tour et me précipite à l'intérieur des vestiaires en priant Dieu qu'il n'y ait pas d'autres clients masculins présents. Je veux ce bain. Peut-être que le temps d'y aller, il sera sorti et ce moment gênant sera définitivement terminé.
Avec ma chance ? Ah ah ah...

(c) Morphée pour Clem

Amour, Gloire et Détente

Sortir d'ici est la meilleure chose à faire, c'est acté, définitif, raisonnable et attendu. Alors pourquoi y a-t-il une main qui vient attraper mon bras pour m'en empêcher ? Distraitement, je note qu'au moins cette partie-là de mon corps est recouverte de tissu. La personne ne risque pas une annulation soudaine et spontanée de son Alter. Et puisqu'il n'y a qu'une seule personne actuellement derrière moi...
Huh ?
Pour tout ce que la situation a de gênant et de mortifiant, je suis curieuse de savoir pourquoi j'ai été arrêtée alors qu'il était clair que ma présence ne le mettait pas à l'aise. Avec prudence, je risque un œil par-dessus mon épaule et bon sang pourquoi tout le monde doit-il être si grand ? Regarder quelqu'un rougir dans une autre couleur que le rouge est intéressant cependant.
Une troisième voix me fait brusquement sursauter et je regarde à nouveau devant moi pour trouver le vieil homme de l'accueil se tenant dans l'encadrement de la porte reliant les vestiaires aux bains. Et son discours est tout ce que l'on peut attendre d'une personne âgée aimant un peu trop taquiner et/ou mettre mal à l'aise des personnes beaucoup plus jeunes.
Mes mains étant toutes les deux prises (une part le chat, l'autre par la main qui retient toujours mon bras), je n'ai pas beaucoup de choix en la matière. Je lâche le chat (et advienne que pourra) et vient écraser ma main libre contre mon visage en maudissant intérieurement les vieillards, leurs amusements douteux et toute cette situation. Je prends une profonde inspiration.
Du calme Coco. Tu es zen, sereine, calme et bientôt dans un bain.
Et si mon casier judiciaire peut rester vierge, ce sera très apprécié. La seule chose que j'ai à faire est sortir et retourner à l'accueil pour payer mon propre accès aux bains. Facile. Jusqu'à ce que l'homme qui se trouvait derrière moi ne passe devant moi avec son chat pour ramener le vieil homme à l'intérieur. Je les regarde s'éloigner et disparaitre dans le bâtiment avec un regard plat. Qu'ai-je fait à Dieu pour mériter ça ? J'y réfléchis un instant, mais rien ne me vient.
Je soupire, fatiguée. Toujours fatiguée (la détente est totalement absente pour moi). J'attends quelques instants avant de retourner à l'intérieur à mon tour. Au premier coup d'œil, personne n'est en vue, ni vieil homme, ni baigneur, ni chat, et je n'ai pas l'intention de les chercher. Je traverse aussi vite que possible la pièce et en sort avec un certain soulagement. Je refais mon chemin précédent à l'envers jusqu'au comptoir d'accueil. Il n'y a personne derrière, mais mon sac est toujours là, à l'exact endroit où je l'ai abandonné quand je suis partie courir après le chat.
Je récupère le sac et le fait glisser sur une épaule avant de regarder autour de moi. Pas grand chose n'a changé durant les minutes que j'ai passé à courir après un félin et à rester figée dans les bains des hommes. Il n'y a juste plus personne pour s'occuper de l'accueil. Je me penche un instant sur l'idée de partir et juste rentrer chez moi mais... Non. Aussi étrange qu'aient été les choses jusque là, je n'ai pas le courage de traverser la moitié de la ville en voiture, pas sans un bain et un repas. En désespoir de cause, j'appuie sur une sonnette pour signaler ma présence. Et croise les doigts.

(c) Morphée pour Clem

Amour, Gloire et Détente

Qu'est-ce que cela signifie, lorsque la seule réponse à mon appel est un miaulement ? Est-ce que ce chat me nargue ? Est-ce que Dieu m'inflige une punition quelconque ? En tournant la tête, je vois le chaton. Seul. Et apparemment pas très pressé de retourner auprès de son maitre, contrairement à son attitude précédente. Je souffle. Je ne vais pas m'agacer pour un chat (je suis déjà agacée) (non, je suis fatiguée). L'escalade du comptoir ne se passe pas bien, et je me sens partagée entre une inquiétude légitime pour la petite créature, et une vindicte vengeresse inspirée par un prétendu karma.
Puis une autre personne arrive. Pas le vieil homme qui était déjà là quand j'étais arrivé, mais une vieille femme magnifique. Il y a une suspension du temps durant un instant, puis la réalité retombe aussi vite qu'elle se précipite vers moi et manque de tomber. Bon sang !. Je parviens à la rattraper avant qu'elle ne se fracasse contre le parquet, merci mes bons réflexes. J'essaye très fort de ne pas lui jeter un regard agacé alors qu'elle se remet droite sur ses jambes.
Les remerciements jaillissent et je pousse un sourire sur mon visage alors que je secoue doucement la tête. Tout va bien (c'est faux, mais ce n'est pas le point). Je me sens cependant incroyablement soulagée en apprenant que je vais finalement pouvoir aller me baigner. La gratuité du service est une surprise inattendue mais agréable. Je m'incline légèrement.
❝ Merci beaucoup. Vous n'aviez pas à faire ça.
Récupérant mon sac, je me dirige vers les bains, des femmes cette fois-ci. Le hasard (vraiment ?) fait que je me retrouve à suivre le chat. Je hausse les sourcils. La dernière fois que j'ai suivis ce félin, il y avait une surprise à l'arrivée. Pas la meilleure surprise. En soufflant doucement, je retraverse les couloirs de l'Onsen et m'engage dans les bons vestiaires. Le sac tombe au sol avec un bruit sourd et je l'abandonne là le temps de retirer mes vêtements. Le tout termine dans un casier. La seule chose qui m'accompagne dans la salle de bain est une serviette et de quoi attacher mes cheveux.
Vraiment, il n'y a personne ici. Est-il si tard ? Est-ce une journée creuse ? Ma chance, je suppose, mais tout de même, c'est un peu étrange. Je ne prends pas plus de quelques minutes pour me laver, chasser la sueur et la poussière de ma peau est un soulagement sans nom. Je m'enroule dans la serviette et sort, seulement pour entrer dans le bain d'eau noir avec un soupire de bien-être.
❝ Je veux rester ici pour toujours... Je marmonne dans ma barbe, mais il y a un fond de vrai. Un fond seulement. Dans la réalité ce ne serait pas pratique, mais laissez-moi rêver.

(c) Morphée pour Clem