C’est toujours avec le même objectif que t’arpentes les rues de Tokyo : à la recherche de la moindre information. T’es douée en informatique, tu pourrais tout trouver sur internet. Mais t’aimes bien être sûre de leur véracité ; t’aimes voir de tes propres yeux et t’assurer que tu ne vends rien de mensonger. T’as l’cul entre deux chaises (en jouant ton rôle de la balance entre gentils et méchants) mais t’es pas une imposteuse pour autant. Avec toi, ça doit être réglo. Ton prix est déjà fichtrement beaucoup trop élevé alors si en plus tu t’amuses à dire de la merde, t’es pas sortie. Non, c’est mieux qu’tu dises la vérité, comme ça t’as un pied bien ancré de chaque côté et toi, c’est ça qu’tu veux.

Tu veux juste la main mise sur les deux partis.

Du coup t’as décidé d’aller dans le quartier de Setagaya aujourd’hui. Ça fait bien longtemps que tu ne t’y es pas rendue et tu sais que c’est un bon p’tit coin pour dégoter des potins alléchants. Et puis, ne nous le cachons pas : t’aimes bien la zone à côté d’la gare, celle où les artistes laissent libre court à leur créativité. Ça change tout le temps par là-bas, y a toujours de nouvelles choses à voir. T’étais plutôt prise dernièrement mais globalement, t’apprécies t’y rendre toutes les deux à trois semaines. C’qui t’as bien saoulé mais business is business. Attendre trois semaines valait bien l’coup avec tout ce que tu t’es mis en poche.

Enfin, là n’est pas la question.

Tu descends du train, tu t’étires un coup avant d’attraper ton paquet de clopes. Y a bien un contrôleur qui t’jette un regard noir en te voyant, pensant sûrement que t’allais allumer ta cigarette dans la gare. Mais tranquille, t’es pas si conne. Tu lui rends un sourire faussé avant de lever les yeux vers le ciel et de passer ta route. T’as pas envie d’te prendre la tête aujourd’hui. Tu veux profiter un tout petit peu de l’exposition actuelle. T’iras manger un bout. Et puis tu t’en iras arpenter les ruelles un peu plus sombres de Setagaya. Ouai, c’est un super bon programme ça.

Sauf que quand tu poses un pied dehors, y a quelque chose qui cloche.

C’est quoi toutes ces affiches partout ? Tu vois bien qu’les gens semblent inquiets mais genre… What quoi ? Putain en plus y a du vent et y a des papiers qui volent partout ! Y font quoi les services de nettoyages là ? Les municipaux, vous foutez quoi ? T’en attrapes une pour voir ce qu’il y a de potentiellement intéressant dessus… Juste une somme. Une récompense. Sans image, sans aucune information. C’est une blague. Une mauvaise blague. Ouai, les 10 000 yens te font saliver (à qui cela n’arriverait pas ?). Y a juste une phrase. « M’avez-vous vu ? » Ça te donne mal à la tête parce qu’elle est disséminée partout, dans chaque recoin, chaque petit mètre carré. Quand soudain, y a une feuille qui vient se placarder sur ta tronche. T’es surprise, tu lâches un cri, tu fais un pas en arrière et pouf, tu te cognes contre quelqu’un.

« Putain c’est quoi c’bordel là ??! Pourquoi t’es dans mon ch’min ? »

Tu dis ça alors que c’est toi qui lui a foncé dedans. Chouette. T’attrapes alors la feuille et tu la déchires en morceaux (t’expulses tout ton mécontentement là-dedans). Et puis, tu t’retournes vers l’inconnue.

« Ok pardon, c’est d’ma faute. Mais genre, t’as vu tout ça ? T’es du coin ? C’est quoi c’chantier, pourquoi y a ces affiches partout ? »

T’es jamais correcte avec les autres. Toujours il y a cette agressivité qui prime sur tout le reste. C’est un instinct chez toi ; c’est ta seule défense à vrai dire. Dans ce monde où quasiment tout le monde est doté d’un Alter qui lui permet plus ou moins de se protéger, toi, t’as que tes misérables biceps que tu muscles du mieux que tu peux et ton agressivité. Ce mécanisme de protection qui n’en est pas vraiment un quelque part. Car bien souvent, cela ne fait qu’énerver tes interlocuteurs. Parfois, tu as un peu plus de chance (comme aujourd’hui visiblement ; remercie ta petite étoile à-haut) car la personne en face de toi ne réagis pas au quart de tour (comme peuvent le faire ces imbéciles qui font affaire avec toi parfois).

Bref, tu t’rends compte que sur ce coup, ça va probablement t’avancer à rien de réagir comme ça. Du coup tu t’excuses (c’est pas les meilleures qui soient, mais c’est à prendre ou à laisser hein).

En revanche, tu fronces les sourcils quand tu sens son index se poser sur ton front et te pousser. T’es prête à lui dire de pas te toucher, de lui demander d’où elle se permet de faire ça, mais le seul son qui sort de ta bouche est un « Eh ? » mal assuré. Elle se baisse, visiblement à la recherche de quelque chose. Ses lunettes, qu’elle remet sur sa tête. Ok, pourquoi pas hein.

Elle te dit ensuite qu’elle vient de Kabukichō, que même là-bas on parle de ça, qu’elle est venue en se disant que quelqu’un avait peut-être besoin d’aide et qu’on l’avait guidé jusqu’ici. Tu ne sauras donc jamais quelles sont les raisons de ce foutoir. Tant pis. De toute façon, t’es pas venue ici pour ça, t’as d’autres chats à fouetter hein ? Ahhhh non, en vrai, ça t’intrigues de trop (la prime aussi éventuellement).

« J’vois. Eh oh par contre doucement là, tu fais quoi ?! » Que tu lances tout en la voyant se pencher vers toi.

Pourquoi elle m’observe comme ça là ?? Elle veut ma photo ou quoi ? Enfin bon, tant pis, tu feras abstraction au moins pour cette fois. Surtout qu’elle se redresse, et balaie les alentours du regard. Tu fais de même, sans réellement savoir quoi chercher. Jusqu’à ce qu’elle te demande si l’inscription est liée. Tu hausses les épaules, levant les yeux vers le ciel.

« Ouai, j’pense ? Vu qu’y a rien sur les affiches, fin j’veux dire comme y a pas de visage quoi. Juste une somme donc et cette phrase. ‘Y croient qu’on a que ça à faire ou quoi ? »

Sans déconner ? Dans ce cas, il ou elle aurait pu laisser plus d’indices hein. Comment y veux que vous fassiez comme ça, hein ? T’es mitigée. T’es mitigée, entre « ça me saoule » et « putain j’ai bien envie de savoir ce qui se trame par-là ». Visiblement, ta camarade du jour penche plutôt pour la deuxième option, puisqu’elle se met à sautiller après avoir parlé. Un cache-cache. Sûrement.

« Si c’est l’cas, on s’y prend comment, hein ? On a rien pour retrouver l’idiot qui a fait ça. Et ouai, j’sais pas trop. Si on avait plus d’indices ça le s’rait peut-être mais là, on a rien ?? »

Tu plaques ta paume de main sur ton front, tout en fermant les yeux un instant. J’fais quoi ? Tu finis par les rouvrir et regarder l’heure sur ton tel. Le reste attendra. Tu soupires.

« Bon, on fait quoi ? On va d’mander aux commerçants s’ils ont vu quelque chose ? Sinon, y a un poste de police pas loin j’crois, p’t’être qu’ils en savent plus sur le sujet ? Ou alors, on fonce tête baissée et on part à la recherche de ce bonhomme invisible en mode « yoloooo ». »

Tu te grattes la tête. Elle a pas tort. T’sais pas depuis combien de temps les affiches sont là, mais il doit y avoir une paire de cupides qui ont déjà dû aller se renseigner dans les alentours. Sans déconner, toi qui passe ton temps à glaner des informations partout, t’as pas de meilleures idées là ? C’est dommage que t’aies pas ton ordinateur avec toi. T’es pas une hackeuse pro loin de là mais t’as quelques connaissances dans le domaine qui pourraient peut-être te permettre de trouver de quoi faire… Et puis pourquoi t’as pas d’Alter hein, ça pourrait t’aider aussi ?

Bref, te prends pas la tête avec ça maintenant, c’est pas le moment.

Comme la jeune femme l’a si bien dit, c’est une course contre la montre ; et seul le plus rapide l’emportera. Quand elle te parle de méthodes moins orthodoxes, t’as directement un sourire qui se scotch sur ton visage. Ça te connait ça. T’as même un rire quand elle claque des doigts et qu’elle te pointe de ses index avec un sourire.

« T’as l’oeil, Sherlock. » Que tu réponds.

Ça se voit tant que ça que t’es pas une meuf normale qui va au bureau tous les matins, qui fait du huit heures - dix-sept heures trente, qui va faire ses courses le samedi et qui se couche à vingt-et-une heures tous les soirs ? Visiblement mais en même temps, tu ne cherches pas à le cacher non plus.

Enfin, en tout cas, t’as bien hâte de voir comment elle va s’y prendre pour trouver une piste dans tout ce merdier. C’est alors que tu vois qui s’passe un truc bizarre sur son faciès et qu’après elle te montre (fièrement visiblement)… une truffe de chien ? Ehhh pas mal comme alter en effet. Bon après, ça va sûrement pas être facile pour elle, mais si elle s’en dit capable c’est qu’elle l’est ? Du coup, tu dis rien. Tu l’as laisses faire et tu comptes pas ouvrir la bouche tant qu’elle ne l’aura pas fait en premier. Tu ne voudrais pas la perturber ou quoi, vous ne feriez que perdre du temps et ce par ta faute (ce que t’aurais du mal à accepter lol).

Après un moment (long, court, t’sais pas t’as pas fait gaffe), elle tape ses mains l’une contre l’autre, ce qui a pour effet de te faire sursauter légèrement (à croire que tu commençais à te perdre dans ta bulle). Effectivement, vous ne vous êtes pas présentées. N’empêche, c’est fou comme elle déborde d’énergie, wow (ou alors, elle vampirise la tienne ??!). Ah ouai, partager.. Boarf, ça ferait toujours 5000 yens dans la poche, c’est pas négligeable

« Tu peux m’appeler Hiji. J’espère bien qu’on va l’retrouver. Comme j’espère que la récompense n’est pas un piège. Sinon ils vont m’entendre ceux, celui, celle qui a ou ont fait ça. » Que tu lances tout en tendant le bras pour lui serrer la main.

Ne jamais divulguer ta véritable identité, c’est ton crédo. Enfin, elle t’indique donc que la piste part par là-bas. Et que vous devez vous dépêcher. Ok, t’as un peu la pression quand même, hein ? Tu t’empresses donc de te mettre en route, lui faisant un signe de main pour lui indiquer de te suivre. Si elle a raison, la personne a eu l’air de contourner la gare. De nouveau, tu te grattes la tête tandis que tu marches d’un pas actif (t’espères qu’elle arrive à te suivre).

« Eh dis, t’arrives à savoir si c’est un homme ? Une femme ? Si il ou elle est passé.e il y a longtemps ? Ça m’aiderait à resserrer les possibilités. »

Parce que faut pas croire, ça bouillonne dans ton petit cerveau là-haut. Tu scrutes chaque personne que vous croisez, chaque ruelle ; chaque détail à son importance et surtout son rôle à jouer.

C’est alors que tu aperçois une fiche au coin d’une rue un peu plus loin. Tu ne peux t’empêcher de t’y diriger en courant, histoire d’attraper le morceau de papier avant qu’il ne s’envole un peu plus loin. La feuille entre tes mains, tu peux voir de nouveau le « M’avez-vous vu ? » dessus (ainsi que les regards curieux des gens alentours). Tu fais fî de toutes les paires d’yeux tournées vers vous et tu tends le bout de papier à Ami.

« On dirait qu’il en a semé un peu partout. Sûrement pour les plus malins et ceux qui parviendraient à trouver la bonne direction. T’en vois d’autres par hasard ? » Que tu demandes avant de mette ta main en visière et de tourner sur toi-même.

Ou alors c’est juste une fausse piste et vous faites fausse route mais t’espères quand même que c’est pas le cas. Ça serait con.