On nomma ce terrible jour comme tel : la Trahison. La figure d’espoir ayant abandonné les siens ainsi que sa patrie, le visage du Japon changea du tout au tout. On savait les Alters dangereux, mais à quel point ?
Golden Gai et ses ruelles chamarrées de couleurs. Ses échoppes, ses maisons de plaisir, ses yakuzas qui vous lorgnent derrière les vitrines. Ses femmes, aussi ; Jinda les appréciait du regard, tandis qu'elle pénétrait dans le boyau étroit d'ores-et-déjà peuplé du monde. La rumeur veut qu'une bagnole ne parviendrait même pas à passer, tant la rue paraît sinueuse. C'est aussi le cas de l'Ogresse : merci sa souplesse, elle peut se contorsionner comme un nougat pour ne pas heurter les passants. Ces derniers la saluent, malgré tout. Des hochements de tête, des tapes sur le bras, - pour les plus grands d'entre eux, sur l'épaule... Ils la connaissent. C'est une cliente régulière.
Les bonnes odeurs de nourriture lui prennent le nez. Porc au fromage, canard laqué de miel aux oranges, rāmen, donburi... Celles du bitume mouillé, aussi, et des parfums bon marché qui empuantissent l'air avec leurs senteurs exquises... Le claquement des talons, des chaussures cirées, - on se fait beau, quand on va dans un endroit pareil - et le martèlement impavide des sabots de l'Ogresse. Elle se sentait chez elle, elle se sentait entière, bref, en vie.
Reconnaissant l'enseigne d'une des échoppes, elle baisse la tête pour entrer, comme Gandalf dans une maison de Hobbit, ses cornes manquant de rayer la devanture, et soupire d'aise. De nouvelles odeurs, toujours et encore : le tabac, l'avoine, le bon bourbon... Le barman la salue, chiffonnant d'une main distraite un bock en verre. Une gueule honnête, quelques poils qui roussissent sa mâchoire de boxeur... et des dents qui manquent à l'appel. Boxeur, il l'a été ; il a aussi trempé dans certains réseaux mafieux, autrefois, mais s'en est toujours tiré à bon compte. Probablement grâce à son Alter.
« Je te sers quoi, grande bringue ? », qu'il lui dit, paisible. « Whisky, deux glaçons, comme d'habitude. T'as vu ça ? Les ruelles pullulent d'étudiants. Ça doit encore être les vacances, pour eux... »
Elle agite ses hanches de gauche à droite pour parfaire son assise. Elle a une croupe d'herbivore : cambrée, épaisse, c'est à se demander comment le tabouret soutient son poids.
« C'est une bonne chose, je suppose. », répond le boxeur. « Les yakuzas ne dorment plus que d'une oreille, maintenant... Encore que, entre nous, je me demande de qui il faut se méfier le plus... » Il se penche et continue, à voix basse... « Ceux qui servent les intérêts de cette société de dégénérés, ou ceux qui luttent contre... »
Il relève la tête et lève une épaule massive. Tout cogneur qu'il fut, il sait qu'un mot de trop dans la mauvaise oreille peut lui valoir la taule. Jinda le sait aussi, alors elle se contente de hocher la tête.
La nuit était tombée. C’est à cette période de la journée que l’on peut généralement voir la Nocturne sortir de son trou. Quand je ne me force pas à me lever avant. Sautant dans ma douche pour laver la sueur de mon dur sommeil, j’enfilais enfin mes vêtements. Presque prête à sortir, j’entendis un petit bruit venant de mon salon. Evelynn venait d’entrer par effraction. Volant dans toute la pièce en quête de nourriture.
Sortant de la salle de bain, je tendais mon doigt sur lequel Evelynn finis par s’accrocher. Je lui tendais alors un petit lombric qu’elle engloutit.
« Bonjour ma belle. »
Cette petite chauve-souris s’était perdue et avait fini par trouver refuge chez moi. Depuis, je m’occupais d’elle régulièrement. Une fois son repas terminé, la petite s’envola par la fenêtre. Il était d’ailleurs temps pour moi ici de partir. Attrapant ma dague pour la ranger dans mon dos, je prenais enfin l’escalier pour descendre dans le meilleur quartier du coin : Golden Gai.
Ce qui est bien avec ce quartier, c’est qu’à moins de vouloir des problèmes, personne ne te pose de question. À moins que l’on ne parle aux bonnes personnes, il en va de soi. En me promenant dans les rues, je croisais pas mal de jeunes gens. Que faisaient-ils dans ce quartier ? Que font leurs parents et leurs professeurs ? Quoique, ce serait marrant de récupérer leurs identités pour les afficher publiquement. Hum, idée qui mérite réflexion.
J’arrivais au niveau d’un bar du coin. C’est ici qu’on entendait des rumeurs parfois fortes intéressantes. Et aussi ici que de potentiels clients passaient leur temps libre. Et qui sait, peut-être rencontrer des collègues mercenaires. Passant l’entrée, je saluais rapidement le barman qui venait de servir une grande personne. Du genre qu’il ne faut pas emmerder.
« Salut ! »
Je m’installais au bar à côté de la grande demoiselle qui ne m’était pas étrangère.
« Pas souvent qu’on croise d’autres "collègues" dans un même bar. »
Lançais-je à ma voisine. Avant de commander à boire.
« Un zombie par ici. »
Je me retournais sur mon siège pour regarder la pièce dans son ensemble. C’est qu’il fallait éviter les surprises dans le coin. Une fois, mon cocktail servit, je commençais à le boire. Du pamplemousse, de l’ananas, l’amertume du citron. Tout cela accentué par le rhum qui rend ce mélange exotique, tout simplement savoureux.
« L’Ogresse, est-elle à la recherche de détente ? Ou à la pêche d’informations ? »
Autant discuter un peu, la soirée venait de commencer. Et apprendre à connaître ses possibles alliés ou futurs ennemis ne pouvait pas faire de mal.
Son regard parcourait déjà la salle depuis un bon moment, observant les clients qui y étaient à travers l'écran de fumée qu'il générait depuis sa cigarette. La tête un peu baissée, ses mains agrippant les pages du papier journal qu'il lisait en silence, l'homme passait presque inaperçue dans le fond de la pièce. Devant lui, le verre de bière qu'il avait commandé n'avait même pas été touché encore, tant il semblait être pris dans sa lecture.
L'homme était silencieux, discret, se fondait dans le décors tel un habitué des lieux…et pour cause, il en était un. D'ailleurs, l'Ogresse le connaissait de vu, ce n'était pas la première fois qu'ils se retrouvaient dans cet établissement, au même moment. Cependant, ils ne s'étaient jamais adressés la parole…soit parce qu'il était trop timide, ou simplement parce qu'il dégageait cette énergie bien particulière qui disait « laissez-moi tranquille ».
Non pas parce qu'il était intimidant, quoique si, un peu, mais bien parce que son non-verbal était plus qu'apparent; il ne donnait aucun signaux signifiant l'envie de socialiser. Pliant les pages ensembles, usant de son pouce gauche afin de prendre la prochaine section qu'il voulait lire, puis rouvrant le tout sur de nouveaux paragraphes, le trentenaire donnait bien l'impression qu'il se tenait au courant des nouvelles quotidiennes, mais sous l'ombre de son fédora, l'iris de ses yeux ne quittaient pas du regard la femme-titan. Ce n'est que lorsqu'un autre femme entra dans l’établissement que ses yeux se mirent rebondir entre l'une et l'autre des silhouettes et qu'il dû finalement cacher l'esquisse d'un sourire sur ses lèvres, derrière sa lecture.
*Tiens tiens...intéressant... Pensa-t'il tout en laissant tomber son journal sur la table.
Étirant un bras jusqu'au bout de la banquette qu'il avait emprunté, il tourna le dos à la scène tout en fourrant l'autre à travers la manche d'un grand manteau qu'il venait de prendre. Avant même qu'il eut terminé de s'habiller, il quitta sa table en direction de la sortie, prenant bien soin de passer devant le comptoir par la même occasion, là où les deux femmes étaient assises et avaient engagée la discussion.
Pressant le pas, il releva la deuxième moitié de son manteau afin d'en enfiler l'autre manche, mais, du même coup, accrocha celle qui venait tout juste d'entrer, la bousculant un peu sur sa chaise, faisant tomber son sac main devant elle.
Ces quelques mots, à peine audibles, suffirent néanmoins à camoufler le bruit de deux cartes à jouer qui tombaient sur le plancher de bois, tout près du sac de la demoiselle.
Q Sans même se retourner, l'inconnu aux allures de mafioso poussa la porte de sortie, soufflant un nuage de nicotine, avant de simplement disparaître dans la foule de passant. Derrière lui, il n'y avait que deux traces de son passage. Deux cartes au dessin identique et doté d'un message bien particulier sur l'autre de leur face.
« L'argent est un excellent motivateur. Si vous cherchez à être motivée, rendez-vous dans une semaine, le même jour, la même heure…dans l'ancienne usine abandonnée d'Arakawa. »
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Mer 2 Sep - 13:18
Tard le soirDes vilains en pagailleGolden Gai, Shinjuku, un repaire de criminel, un endroit parfait pour le jeune DenkiCette nuit s'annonçait plutôt palpitante, et rien de tout cela ne serait arrivé sans la mémoire de l'homme aux cheveux immaculés et à l'indiscrétion de certaines personnes... En même temps il était certain qu'être d'une taille remarquable n'était pas pratique pour se cacher aux yeux du grand public, surtout dans les fines ruelles de Golden Gai. C'était dans ces circonstances qu'il avait aperçu sans trop de mal celle que l'on appelait l'Ogresse, et même s'il l'avait déjà entrevu sur les affiches de recherche il fallait avouer qu'en réalité c'était tout autre chose, une véritable erreur de la nature même en apparence. La bête était déjà connue du public après avoir commis un meurtre en public, Hayato esquissa un sourire et, sans la perdre de vue, il se mit à la suivre de loin, quand même ralentit par la tonne de passants.
Il arriva enfin au niveau du bar, quelques minutes après celle qu'il suivait le plus discrètement possible. Jetant un rapide coup d’œil par une fenêtre en direction du comptoir, il remarqua que l'ogresse n'était pas seule et en voyant les oreilles si particulières de son interlocutrice il jubila intérieurement avant de se calmer, il fallait vérifier si c'était bien qui il pensait.
Arrivant devant la porte de l'établissement, un inconnu lui envoya presque la porte dans les dents avant de lui cracher un nuage de fumée de clope à la gueule et, mobilisant tout son sang-froid, l'homme se retint de faire une remarque cinglante, songeant à ce qui l'attendait à l'intérieur. Il pénétra enfin le pub et se dirigea au comptoir, à seulement une place de la plus petite des deux femmes. C'était bien elle.
— Je vous sers quoi ?
— Je veux bien un scotch..
Tout en laissant tomber quelques pièces sur le comptoir, espérant que le compte soit bon, l'altéré se mit à fixer les deux femmes avec insistance, laissant finalement un horrible rictus déformer son visage. Il savait mais allaient-elles le comprendre? Quoiqu'il en soit, il ne comptait pas se battre tout de suite, un combat en sous-nombre et dans un endroit clos lui ôterait tout espoir de victoire et il le savait.
— C'est à vous ?
L'homme foudre pointa du doigt les deux cartes au sol, près du sac de la nocturne.:copyright: 2981 12289 0
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Mer 2 Sep - 15:46
Jinda fait mastoc, masse insouciante et paisible dans ce bar où tintent les boules de billard et crache la jukebox. Assise, sans son kanabo à portée de main, elle paraît moins effrayante et, de fait, plus abordable. Elle trempe ses lèvres dans son scotch, tire une brève grimace, et tourne son visage couturé de cicatrices vers la nouvelle arrivante. Elle la connaît, elle aussi. Des cornes, une queue, et une taille à faire passer un basketteur de la NBA pour un éthiopien sous-alimenté, admettons... mais les oreilles elfiques et la peau mauve de sa comparse ne sont pas des plus anodins non plus. Sans parler de ses yeux, d'un noir de poix, et de ses iris frétillant comme deux pépites de soufre.
« Si tu veux tout savoir... L'Ogresse erre, sans savoir où elle va exactement. »
Elle rit... Et quel rire ! La grande bringue doit avoir un organe défaillant, des cordes vocales dans un drôle d'état pour lâcher un bruit pareil. Ca résonne comme la rut d'un gorille, une série de « Onk ! Onk ! » rauques et gutturaux. Amusant, ici ; probablement moins à deux heures du matin, en pleine rue, quand votre tête est mise à prix par la mafia du coin.
« Et toi ? », reprend-t-elle. « Tu es venue t'enivrer avant de faire un tour dans les maisons de plaisir ? On peut s'entendre, sur ce point de vue-là... »
Elle l'observe, longuement. La reluque ? difficile à dire. Il y a, dans ses yeux opalescents, une espèce de déférence. Sayoko fait du hors-piste, tout comme elle. Elle lutte, d'une manière ou d'une autre, contre cette société, contre ses héros corrompus aux valeurs tributaires. Contre la Shogun. Ce n'est pas une vulgaire fille de joie qu'on s'envoie en l'air pour se changer les idées. Elle le sait... mais cela ne l'empêche pas cependant de la déshabiller du regard.
Puis vient l'homme au borsalino. Elle le voit faire ; le voit déambuler dans le bar, feindre un mouvement... et un on-ne-sait-quoi étrange. Celui-là, elle s'en est toujours méfiée. Il n'y a pas besoin d'avoir un IMC de casseur de chicots mexicain pour inspirer le malaise. Sa démarche, son mystère... Son aura. Tout paraissait étrange, chez lui. Elle se mord la lèvre, distraitement, et observe les cartes tombées par terre.
« C'est à vous ? », que dit une voix. Elle jette un regard au freluquet. Le toise, cette fois-ci, bel et bien, avant de lever une épaule massive.
« Peut-être... », dans un soupir, tandis qu'elle se penche pour les ramasser. L'argent est un excellent motivateur. Si vous cherchez à être motivée, rendez-vous dans une semaine, le même jour, la même heure…dans l'ancienne usine abandonnée d'Arakawa. « Du travail, manifestement. Vacances ou pas, les affaires vont de bon train, on dirait bien... » Avant de laisser l'autre carte à l'attention de Sayoko. « Ca pourrait t'intéresser, joli volucre. Et peut-être en intéresser d'autre, qui sait ? »
Elle termine son godet, cul-sec, et tire un cheroot de sa poche, qu'elle flanque entre ses lèvres et embrase d'un coup de briquet. Les odeurs de tabac s'évanouissent dans les airs... Tout ce qu'on fait de plus insupportable, pour ceux qui ont l'odorat sensible. Ca tombe bien : ce n'est pas son cas.
L’Ogresse, une grande femme qui ne va pas par quatre-chemins, je l’aimais bien. Je lâchais un petit rire en entendant la réponse à ma question. Mais peut-être avait-elle raison ? Peut-être devrais-je un jour aller faire un tour dans ces maisons dites du plaisir et me détendre autrement . . . . Je lui répondis donc.
« Qui sait, peut-être bien. J’ai toujours eu ce genre de curiosité. »
Lui lançais-je en esquissant un sourire. Alors que je savourais mon cocktail en observant la réaction de mon interlocutrice, un individu quelque peu louche me bouscula légèrement avant de s’excuser et de partir. Drôle de personnage, on dirait presque un début de film d’espion lorsqu’un indicateur laisse un message à un agent infiltré. Mais pas le temps de réfléchir qu’un nouvel individu qui nous observait bizarrement depuis son arrivée nous interpella. Je le sentais mal celui-là.
Ma camarade de beuverie lui répondit avant de regarder ce qu’étaient ces cartes. M’en donnant une au passage. L’argent est un excellent motivateur. Si vous cherchez à être motivée, rendez-vous dans une semaine, le même jour, la même heure . . . dans l’ancienne usine abandonnée d’Arakawa.
« Intéressant en effet . . . »
Je terminais mon verre avant de le poser et d’en commander un autre.
« Peut-être serait-il sage maintenant de savoir pourquoi votre rictus ne m’inspire pas de bonté. Monsieur ? »
Entamant la discussion avec notre nouveau compagnon, je laissais un blanc de quelques secondes avant de continuer.
« Voyez-vous, lorsqu’une personne vous reluque de la tête aux pieds avec un sourire malveillant comme vous le faite si bien . . . C’est qu’elle ne vous veut pas du bien. Vous devriez faire attention à ce que vos nouvelles camarades de jeu ne vous renvoient pas l’ascenseur avec les intérêts. »
Mon visage se déformait pour afficher une expression menaçante que je ne portais normalement qu’aux heures de travail (Tête de Sayoko). S’il cherchait les ennuis, il risquait de voir qu’une simple aiguille pouvait être mortelle. C’est à ce moment que j’entendis des sons familiers. Mes amies commençaient leurs chasses, là dehors. J’abandonnais mon expression pour sourire avant de prendre mon verre à nouveau rempli.
« Alors ? Nous vous écoutons. Qu’avez-vous de bien passionnant à nous raconter ou à nous proposer pour ainsi interrompre cette soirée qui commençait pourtant si bien ? »
Je ne voulais pas chercher les problèmes ce soir. Mais je n’allais certainement pas rester de marbre s’ils venaient à moi.
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