Bon, je ne reviens pas encore à l’école, mais on en est pas loin pour être honnête. Les vacances sont bientôt finies et je n’ai pas trouvé le temps de me détendre… Ok, je ne me suis pas donné le temps de me détendre, voilà la vérité. Pour réussir en ce bas monde, il est important, pour ne pas dire capital d’engranger de l’expérience. L’avantage quand on est à Zaisen, c’est qu’on reçoit souvent des requêtes de particuliers et qu’on est autorisé à les traiter. Bien sur, si on échoue, c’est pour notre gueule, mais qui oserait prendre une requête sans être convaincu de pouvoir la résoudre ?
Enfin bref, c’est dans le coin de Odaiba, pas loin du conservatoire que je suis déployé. De prime abord, je suis le seul appelé pour la tâche. De ce que j’en ai compris, un fait étrange parcourt les lieux la nuit & ça gêne les locaux. Des rochers qui apparaissent seuls la nuit ? Et qui repop, même si on les enlève ? On se croirait dans une enquête surréaliste, mais la réponse doit être toute simple.

J’arrive en début d’après midi, à l’adresse qu’on m’a donné. Ça ne ressemble pas à un commissariat ou une agence de héros.. Bon en même temps, les agences se comptent maintenant sur les doigts d’une main. Puis, si y avait un vrai commissariat dans le coin, ils n’auraient pas besoin de lycéens pour régler un souci local.
Deux hommes sont entrain de discuter avec un troisième, alors que je m’approche pour me présenter. Héhé, je suis pile à l’heure, petite fierté personnelle ce point là.

« Bonjour. Je suis attendu je crois, je suis Lull-… Tobiihime-sensei ? Bonjour, que faites vous ici ? » - dis-je, sincèrement surpris par sa présence.
« Shindo, j'vois que t'es là. » - me répond t-il, avec son visage impassible, dessiné avec ce sourire éternel. « Pharaoh m'a dit qu'un nouvel élève allait régler le truc. J'vais juste m'asseoir là et t'regarder. »
« Oh, c’est donc l’un de vos protégés, Cyber Dreads. Zaisen a toujours su prendre soin de nous, je ne doute pas que tout se passera bien ici aussi. Bonjour jeune homme, je suis monsieur Onde. »

Les normes sociales. Des règles non dites, non obligatoires, non écrites, mais pourtant présentes partout dans le monde. C’est pour cette raison qu’il me tend la main ? Très certainement. Je ne suis pas le plus grand fan de ce geste, mais les impressions et ressentis sont importants dans notre métier. Aussi, c’est avec un sourire discret que je l’attrape.

« Shindo Naoki, mais vous pouvez m’appeler Lullaby, monsieur. Je vais m’occuper de ce mystère comme il se doit. »

Son attitude, ses mots, son ton, Cyber Dreads, le héros ricaneur n’était pas là pour rigoler. A vrai dire, il m’expliqua un peu après qu’il n’était même pas là pour aider vraiment, mais plus pour observer. Le directeur & le conservatoire, ils ne rigolent pas avec la réputation de l’école, encore moins avec les locaux, qui sont directement sous notre protection. J’en soupirerais presque; ça ressemble à un examen… à vrai dire, s’en est un. Il ne porte pas ce nom là, mais si je m’en sors mal, cause des dégâts ou ne tire pas la situation au clair avec perfection, ça me retombera dessus. Si Tobiihime-sensei est amené à intervenir, ce sera un échec pour moi. Pas de pression, je savais que ce genre de choses pouvaient arriver.
Je passe une bonne demi-heure à analyser la situation actuelle. J’écoute attentivement les informations qu’on me donne; Une créature étrange qui aurait été aperçue. Elle n’attaque son projet que la nuit, personne ne l’a vu concrètement, mais après avoir posé ses deux rochers, plus rien ne se fait voir ou entendre. Ses motifs restent très abstraits & le seul soir où ils ont envoyés des gens pour surveiller, de chaque côté du pont, ils se sont endormis puis réveillés au son du second rocher qui s’écrase au sol… incapables.

« Alors, jeu-.. Lullaby, que devrions nous faire ? »
« La situation n’est pas très compliquée, en réalité, elle est très simple. J’ai une question: y a t-il une personne dotée d’un alter marin dans le coin ? »
« Et bien… Il y a moi. J’ai la capacité de me changer en homme sirène. Pourquoi ? »
« La personne ou la créature, qu’importe, est forcément marine. Elle doit intervenir à partir de l’eau. Sinon, vos hommes l’auraient repérés plus tôt. Autrement dit, il suffit de la piéger sur le pont et de couper sa fuite ce soir pour en être débarrassé. On va se diviser en deux groupes et chaque groupe se placera d’un côté du pont. Sauf vous monsieur Onde, vous resterez à mes côtés, et à mon signal, vous prendrez le chemin marin. »

Toujours un trop plein de questions, comme si les réponses n’étaient pas évidentes. Enfin, on passe une heure à concevoir le plan, afin que tout soit régler, sans dégâts ni blessés, pas plus tard que dans quelques heures.
Le reste de l’après midi, je le passe à faire du repérage, pour pister le meilleur itinéraire. Ma discrétion sur le début de l’opération est primordiale pour la suite.

Arrive 21h, les derniers éclats du soleil disparaissent & chacun se met en place, prêt pour jouer son rôle. Si mes estimations sont exactes, la bête commencera par le côté extérieur du pont, comme c’est celui qui est le plus susceptible d’être utilisé, comme entrée vers la zone. Deux heures s’écoulent, pas la moindre trace ou bruit. Les plus impatients s’agitent un peu mais personne ne fait de vagues. 23h04, finalement, une silhouette, avec un rocher au dessus de la tête approche après avoir bondit de l’eau, jetant d’abord le rocher, puis le ramassant pour finir sa route. Elle approche de sa destination et c’est maintenant que tout se joue. Je concentre le son, me basant sur la respiration de monsieur Onde et crée suffisamment d’énergie pour frapper le rocher et le pulvériser par dessus la tête de la bête.
Tout naturellement, elle fait demi tour et commence à courir, se sentant en danger. J’ai réussi à ne pas me faire voir.

« Maintenant, à vous deux de jouer. »

Le signal à mon commanditaire et l’un de ses partenaires qui était aussi volontaire. La créature s’arrête en arrivant au milieu du pont. Le deuxième groupe lui coupe la voie de l’autre côté du pont, elle n’a aucun intérêt à aller plus loin. Elle tourne la tête et c’est mon groupe qui coince cette fois ci. Sa dernière option est la mer mais.. Ça ne fonctionnera pas non plus.

« Bien joué. » - un sourire discret se dessine, je suis fier que tout marche comme prévu. Un alter sirène & un alter de création d’images rémanents. J’ai eu de la chance pour cette fois, mais c’est aussi une partie du job. Bref, l’eau est infestée de sirènes menaçantes. Au vue de sa puissance, la créature aurait sûrement vite fait d’écraser monsieur Onde, mais ça, elle ne le sait pas. Celui qui maîtrise l’information, maîtrise le monde. Oups, mauvaise école.

C’est mon tour maintenant. Alors qu’elle est agitée, je m’avance lentement vers la créature, les mains en l’air pour ne pas la menacer. Un être mi-femme, mi-tortue, c’est original. La consigne est simple au début de cette mission : “Trouver qui cause du trouble sur le pont et le neutraliser.”

« Tout va bien, je ne vous veut aucun mal. Calmez vous. »
« Ne t’approche pas de moi ! C’est un piège ? Qui êtes vous ? Laissez moi, je n’ai rien fait de mal !! »
« Calmez vous, personne ne s’approchera davantage, je vous en donne ma parole. Je suis Lullaby, un étudiant. »
« J’en ai rien à faire, laissez moi partir ! Il m’a menti, celui qui m’a conseillé cet endroit, tout est de sa faute, pas la mienne ! Je ne peux plus dormir, je deviens folle avec ses lumières !!! Je… j-je. »
« Je ne suis pas votre ennemi. J’ai bien compris, vous ne voulez faire de mal à personne. Laissez moi vous aider… Je.. » - Un projectile approche dans son dos. Un des volontaires qui veut ruiner mes efforts. Je vais le faire pendre. Mais en attendant, mon teint se blanchit, les cristaux de mon costume s’illuminent & mon oeil gauche rougit. Tout est en place, et d’un rayon énergétique, le projectile est détruit avant de l’atteindre. « Vous voyez ? Je suis de votre côté. Je m’appelle Lullaby. Et vous ? »
« Je.. Je m’appelle Rimirashi. J’habite dans la baie sous marine… Je ne veut vraiment aucun mal à personne. Mais les poissons m’ont menti, ce lieu est un enfer. Je ne veux pas partir, ce serait trop humiliant !! Ce pont… Impossible de dormir, je voulais seulement le recouvrir pour ne plus le subir.. Je n’ai vraiment rien fait de mal !!! »
« Je vous crois. Je suis désolé que vous ayez dû en arriver là, ça n’a pas du être facile. Personne ne vous demande de partir, mais nous pourrions peut-être vous reloger pas loin, avec l’aide des habitants. »
« C-.. Comment ça ? »
« Un coin moins illuminé, où la lumière ne saurait plus venir vous déranger ! Les habitants sont ouverts d’esprit, je suis sur qu’ils accepteront sans mal ! Prenez simplement ma main, comme signe de paix, que je leur prouve que vous n’êtes pas dangereuse ou une menace. S’il vous plaît, laissez moi vous aider ! »

Des efforts dantesques, qui luisent à la lueur de mon oeil rougeâtre & de ma peau blanchie au possible. Ma forme n’est pas une menace, elle l’a vu il y a quelques secondes… Comme quoi, ce projectile était en fait une aubaine. Je la vois hésiter, pendant quelques secondes. Pourtant, après avoir insisté une dernière fois, la voilà qui accepte et prend ma main. C’est une victoire pour moi… Une victoire totale : Tenor.
Un dôme énergétique, qui se déploie de tout mon corps et s’étend, frappant à bout portant en plus, donc elle se prend toute l’onde de la vague sur les 5 mètres. Le son est bien assez solide pour résister à cette attaque, mais la créature s’envole et s’écrase au sol, dos contre le bitume, avec du mal à se relever. Un double rayon vient la neutraliser directement par terre, incapable de se relever.

« Cible neutralisée ! Excellent travail monsieur Onde, tout le monde haha ! Messieurs, vous pouvez l’appréhender. » - évidemment, on avait appelé les forces de l’ordre pour la boucler à la fin de l’opération.
« Mais… Tu m’as dit que vous pouviez m’aider. Tu m’as menti !! »
« Hmm ? Ne vous trompez pas sur mon compte, c’est l’option que j’aurais envisagé si vous étiez innocente. Mais la consigne était de vous neutraliser. Vous avez causé des accidents, plusieurs voitures ont été endommagés par votre faute et quelques personnes blessées. Vous êtes coupable de tout ça, donc l’option la plus viable, ça reste votre arrêt. »

C’était pourtant évident. Pourquoi tous les vilains sont obligés de se placer en victime ? Je ne comprendrais jamais. Enfin, la mission est un succès et je suis félicité par tous les volontaires et monsieur Onde pour mon plan & sa mise en oeuvre. Je n’aurais rien pu faire seule, c’est une victoire commune, voilà tout. Voilà comment a pris fin la légende de la créature du pont Odaiba.