Run boy run ft. Nagatori Toyo

« AH ! Toyo ! Comment ça va aujourd'hui ? » s'écria le barman lorsque le jeune homme à la chevelure couleur neige s'approcha du bar. Ono. Un ami de longue de date, à l'époque il était aussi filiforme qu'un fil dentaire. Aujourd'hui,... disons qu'il a bien profité d'la vie. Lui, il fait parti de ceux ayant totalement lâché l'affaire. La Trahison a frappé un grand coup de marteau sur leur rêve. Toyo s'était battu pendant longtemps pour l'empêcher de raccrocher, mais en vain. « Bah écoute, comme toujours ! On garde la pêche ! » répondit-il alors, souriant comme à son habitude. Ils s'étaient côtoyer pendant pas mal d'années, ils avaient même été dans la même agence à une certaine époque. Ono savait pour son fils et que derrière ce sourire se cachait une peine muette, mais il n'avait jamais trop osé lui en parler. Des "amis", mais rien de plus, se disait-il. « J'sais même pas pourquoi j'te pose la question héhé ! Bon la même chose qu'hier j'présume ? Un saké et trois bouteille d'eau à emporter ? » Toyo était un habitué de l'établissement. Il y venait régulièrement, mais depuis un bout de temps maintenant - un an et demi - ses visites étaient devenues quotidiennes. Et sa commande, toujours la même. Un verre de saké qu'il engloutissait en moins de deux, et trois bouteilles d'eau... Parfois quatre ou cinq, mais toujours de l'eau, à emporter. Il arrivait toujours à la même heure, comme s'il s'agissait d'une routine, entre dix-sept heures et dix-neuf heures, et ne restait jamais plus de dix ou quinze minutes. « C'est qu'tu commences à m'connaître on dirait ! » A peine lui avait-il répondu, que son verre de saké glissa sous nez. Il leva le récipient, en guise de remerciement et en englouti son contenu. Un délice. Friand de saké, il n'avait jamais autant aimé cet alcool que dans cet établissement. Aussitôt bu, il déposa le verre derrière le comptoir, s'empara du sac que lui avait préparé son vieil ami. « A d'main Ono ! » lança Toyo en tournant les talons vers la sortie. « Ouais, c'est ça ! La prochaine, ça s'rait cool qu'on prenne un verre à la fin d'mon service, histoire de parler du bon vieux temps ! » Le jeune professeur leva la main, sans même répondre, franchissant la porte. La rue était vivante, bruyante, comme à son accoutumé. « L'bon vieux temps hein... » souffla Toyo en levant les yeux au ciel.

Un véritable rituel. Depuis le temps qu'il parcourait ce trajet, il pouvait marcher les yeux fermés. Sur le trottoir d'en face, une vieille femme lui adressait un signe de la tête, en guise de salutation. Elle tenait une petite friperie. Elle ne payait pas de mine, mais l'on pouvait y dénicher de véritables trésors, comme la plupart des kimono que Toyo pouvait avoir chez lui. A l'angle de la rue, là-bas, l'épicerie se faisait toujours assaillir par les élèves qui rentraient chez eux. C'était un peu leur repère "d'après classe", pour s'en filer on n'sait combien de tonnes de sucrerie en tout genre. Il n'était pas rare d'entendre le couple qui avait l'affaire, hurler après un ou deux malandrins ayant la main baladeuse sur l'étalage. Dans les ruelles annexes, on pouvait déjà entendre les salaryman noyés leur journée dans l'alcool et parfois dans des bras de bonnes compagnies. L’effervescence des rues avant le couvre-feu. Même s'il ne concernait que les mineurs, les rues se désertaient rapidement passées l'heure... Telle était la règle. M'enfin, c'était peut-être plus prudent ainsi. L’hôpital n'était plus bien loin, mais il lui fallait maintenait emprunter les rues qui s'étendaient par-delà l'axe principal... Des ruelles peu recommandables que certaines "bandes" décrétées comme étant les leurs. D'la canaille avec peu de courage, pour peu qu'on soit plus grand qu'elle. De grandes gueules sans vraiment de témérité. La première fois qu'il avait fait le trajet, il était tombé sur quatre-cinq gars embrumé par l'alcool et autres stup's. Une simple démonstration de c'que pouvait "Vapor" avait suffit à les calmer. Ils n'étaient certes pas courageux, mais Toyo aurait déconseillé à quiconque voudrait éviter d'avoir des ennuis d'emprunter ce chemin à une telle heure.

C'est à mi-chemin de la rue dans laquelle il était engagé qu'il le vit. Un vélo déboula, comme un éclair, traversant la rue perpendiculaire et disparaissant presque aussitôt derrière les grandes bâtisses formant l'angle. Sacré détente... ce type devait avoir des mollets en acier. « Encore un énervé d'la pédale,... y en a bien un, un jour qui va finir par blessé quelqu'un » marmonna-t-il en souriant en coin. « M'enfin, faut bien que jeunesse se fasse non... ». Même si Toyo se préoccupait de la dangerosité d'un tel comportement vis-à-vis des piétons, il avait défendu l'idée comme quoi les jeunes devaient se faire leurs propres expériences. Bonne ou mauvaise. Dans une certaine mesure bien sûr. C'était en apprenant de ses erreurs et en constatant les conséquences de celles-ci que le déclic se faisait. A peine quelques secondes plus tard, de la rue dans laquelle s'était engouffré le cycliste, un groupe de quelques gamin en sortit. Deux d'entre eux étaient en pleurs. « Qu'est-ce que j'avais dis... » souffla-t-il alors en s'approchant des marmots. « Hé ! Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda-t-il alors, sur un ton se voulant rassurant. Les deux enfants en pleurs étaient inconsolable, c'est le plus grand des trois qui finit par répondre... il semblait honteux. « Juste que y a des grands dans la rue... ils nous ont volés nos glaces... » Voler leurs glaces ? Ce n'était donc pas ce vtt fou furieux ? Comme quoi,... Toyo plongea sa main dans sa poche, pour en ressortir quelques yens. « Tenez. Prenez ça et allez vous acheter de nouvelles glaces ! Par contre, promettez-moi de ne plus jamais remettre les pieds dans cette rue les enfants, c'est d'accord ? » Le visage des deux petits s'illuminèrent quelque peu. Séchant leurs larmes avec leurs manches, ils prirent l'argent, le remerciant avant de disparaître derrière lui. Le jeune homme disparut alors à son tour à l'angle de la rue.

Il n'était plus très loin de l'hôpital, lorsqu'il aperçut à nouveau le cycliste de toute à l'heure. A pied, à côté de son vélo cette fois. Avait-il pris conscience du danger qu'il pouvait représenter en allant si vite ? Quelque chose ne tournait pas rond. Bien que trop loin pour véritablement comprendre la situation, il vit nettement plusieurs silhouette se glisser autour de lui. Cette histoire ne sentait pas bon. A mesure qu'il se rapprochait, il vit que le garçon, si vif toute à l'heure, ne bougeait plus, comme immobilisait. Ils étaient deux... non... quatre même. Les deux gus lui bloquant la route, un devant, un derrière, mais sur les côtés, une porte était entrouverte, depuis laquelle était visible deux autres silhouettes guettant la scène en tapotant ce qui semblait être un bâton ou une barre. « Dans quel pétrin tu t'es foutu gamin ? Personne ne t'as dit qu'il ne fallait pas t'aventurer dans ces rues-là ? » se chuchota-t-il... « Bon. »

« EN... 'FIN... lâcha-t-il bruyamment, en feignant d'être complètement essoufflé à quelques mètres du vélo. Les regards se tournèrent vers lui un instant, tandis que du coin de l’œil, il guettait les deux autres silhouettes furtives. Tu m'as pas entendu t'appeler d'puis toute à l'heure ?! Pfiou... ». Toyo dé-bouchonna une des bouteilles d'eau attachée à sa ceinture pour en engloutir son contenu. « J'ai bien cru que j'te rattraperai jamais ! Heureusement qu'on a dit qu'on y allait ensemble hein ! Et en plus, tu t'es trompé d'chemin,... Fallait tourner à droite toute à l'heure ! ». Il reprit une grande bouffée d'air, sourit bêtement en se grattant le haut du crâne avant de finir à l'attention de la bande organisée : « Excusez-le hein,... j'arrête pas d'lui dire de pédaler un peu moins vite. Mais vous savez c'que c'est à cet âge là. Toujours pressé aha ! ». Il essayait de jouer la carte de la comédie, afin d'éviter de possibles violences inutiles. Malgré tout, il restait sur ses gardes, la chaleur commençait d'ors et déjà à grimper. Par précaution.

« La victoire ne s'obtient pas toujours par les forces des poings. Et elle ne doit pas s'obtenir systématiquement en recourant à la force. » Les adages de son mentor. Ils étaient toujours là, encrés dans son esprit, dans son corps même. Combien de temps lui avait-il fallu pour assimiler ces préceptes ? Tant d'années. Aujourd'hui encore, il lui arrive de se dire que l'usage des poings seraient la solution la plus rapide et simple face à certaines situations... « La voie la plus simple, est rarement la plus bénéfique » lui avait-il aussi enseigné. Avec le temps, ceux-ci étaient devenus des mécanismes comme boire ou manger. Chaque acte implique des conséquences. Sur les autres. Sur notre environnement. Sur le monde. Mesurer chacune d'elle. Là était le véritable travail d'un Héros, encore plus de nos jours. Toyo ne pouvait se permettre de façon irréfléchie. Maintenant qu'il s'était engagé dans cette voie, celle de forger une génération de héros œuvrant pour le bien commun, pour rassurer la population, il se devait de montrer un tant soit peu l'exemple. Plus que jamais, il devrait user de sa tête, même si ce n'était pas son point fort.

Jouer la carte de la comédie, du bluff, en prétextant être une connaissance de ce jeune homme avait été la solution la plus sûre et la plus tempérée. Il espérait que la présence d'un témoin suffirait à refroidir la clique l'ayant prit à partie. Piètre comédien lorsqu'il s'agissait de faire autre chose que le clown, il ne s'attendait à tomber sur quelqu'un d'encore moins à l'aise avec la discipline. Le pauvre... il n'avait pas dû comprendre. La surprise se lisait sur son visage comme le titre d'un livre sur sa couverture. C'est d'ailleurs là qu'il vit son regard si particulier. Jamais il n'avait vu pareille pupille en forme de croix. Sa dégaine, ses yeux, cet ado dégageait quelque chose d'unique, mais en même temps si familier. Cette petite pièce ne fit guère son effet et celui qui semblait être le chef de la bande vint saisir le brun par l'épaule, demandant à Toyo de ne pas s'en mêler. Trop tard. Visiblement il allait falloir intervenir.

Du moins, c'était sans compter sur la réaction de l'adolescent. Il sentit son expression changer lorsqu'il hurla à son vis-à-vis de le lâcher. Un mouvement si fluide, si vif. En quelques secondes à peine, son talon vint s'abattre sur la mâchoire du caïd qui décolla pour venir s'encastrer violemment dans le mur de la bâtisse à gauche. Un léger souffle put même se faire sentir au moment de la collision. Le béton se fendit, tandis que d'épaisses fissures triangulèrent tout autour de l'impact. « Hé bah putain, quelle force, s'exclama Toyo. Ça s'rapproche pas mal d'un Dolyo Tchagui... » reprit-il toujours aussi bas. La situation venait de s'envenimer sévèrement. Tous les pions s'agitaient. Les deux "silhouettes" s'apprêtaient à sortir de l'ombre, tandis qu'il vit le jeune homme fendre la glace qui l'entravait, s'élevant dans les airs à une hauteur astronomique, d'un seul bond pour éviter l'assaut de celui lui bloquant la retraite. Le jet d'acide de ce-dernier atterrissant un peu plus loin dans la rue. « Épatant. Sacrée détente... Mais... Attends une seconde. ». Comme un éclair. Toyo comprit alors la manœuvre. Utiliser la hauteur de son saut et la gravité pour amplifier l'effet de son prochain assaut. Ingénieux, quoique dangereux. Il vit les images défilaient, comme s'il anticipait l'action. Ce gamin allait s'écraser, les deux pieds sur la face du cracheur de venin. Aucun doute possible, au vu de la carrure du "serpent", il n'allait pas lui rester grand-chose à l'intérieur du crâne après coup. Alors que les deux planqués s'apprêtaient à sortir du bâtiment par le porte pour leur tomber dessus, Toyo vint saisir une lourde poubelle en métal posée sur le côté. En une fraction de seconde, il redirigea la vapeur de son corps dans bras droit, celui-ci commençant à fumer légèrement. D'une rotation du buste, il balança l'objet sur eux, libérant toute la pression accumulée à la fin du mouvement, dans un sifflement, donnant une force incroyable à son lancer. Conférant à celui-ci une force et une vélocité sans pareille. La poubelle fusa dans l'encadrement de la porte, emportant dans son élan les deux brutes au fin fond de la pièce dans un vacarme assourdissant et métallique. Certainement une cuisine... « Désolé, mais l'service d'entretien ne passe qu'en fin d'semaine » lança-t-il sarcastiquement.

« Maintenant j'vais courir. ». Le même sifflement que toute à l'heure. Sous ses pieds, un épais nuages de blanc se dégagea brusquement, propulsant Toyo en avant, droit vers "Acid-Man", il lui fallait être plus rapide que le gamin s'il ne voulait pas se retrouver avec une piñata éclatée sur les bras. In extremis, le professeur de Yuei parvint se saisir du rescapé, le portant dans ses bras. Le souffle fut puissant, le choc fracassant. Le bruit du bitume se craquelant résonnant dans la rue. Un épais nuage de poussière s'était soulevé. Toyo lui-même était à peine assez loin pour ne pas s'envoler. Il glissa sur quelques centimètres gardant ses appuis solides. Derrière lui, les deux gros bras s'étaient rapprochés au mauvais moment. Ils furent dégagés par la puissance de l'onde de choc. Toyo se redressa. « Tu m'remercieras quand t'auras l'temps princesse de t'avoir épargné l'avenir d'une crêpe saveur semelle » adressa-t-il à l'ahuri qu'il venait de sauver de quelques mois d'alitement, si ce n'est plus. Il le lâchait, ce-dernier tentant de reprendre une certaine consistance. Le héros passa son bras par-dessus son épaule, approchant sa main de la gorge de ce serpent. « Une dernière chose, la prochaine fois que j'te voie cracher ton venin dans l'dos d'quelqu'un... tu t'en souviendra ». De sa main se dégageait une chaleur impressionnante. La température était telle que l'on pouvait voir sa sueur s'en évaporer dans de fines voluptés blanches. Il sentit son "prisonnier" déglutir.

Tandis qu'il paralysait l'un d'eux, son regard se tourna vers le nuage de poussière qui commençait déjà à s'estomper autours de l'adolescent. Toyo et lui auraient une discussion quant à son irresponsabilité par la suite. Néanmoins, en même temps, il était impressionné par sa réactivité, et la démonstration de force qu'il venait de faire. « HÉ ! GAMIN, la prochaine qu'tu fais un coup pareil, demande aux autres de courir avant de préparer ton... ». Toyo s'interrompit lorsqu'il vit la silhouette de leur "chef" se dégager du mur, devenu une fresque gelée. Un courant d'air froid pouvait se faire sentir dans la rue, tandis qu'il crut l'apercevoir brandir ce qui se rapprocher d'une épée de glace. « Toi, tu bouges pas ?! » lança-t-il au cracheur d'acide, tandis qu'il s'élançait vers le point d'impact. Impossible de savoir s'il y serait à temps. « GAMIN ! LA COUPE AU BOL DERRIÈRE TOI ! »

Toyo voulait éviter d'avoir recours à la force dans un endroit aussi étriqué... Mais visiblement, les choses n'allaient pas en ce sens.  

Un instant d’inattention. Lorsqu'il avait vu cette forme se dessiner au travers du nuage, son sang n'avait fait qu'un tour. Attaquer dans le dos, encore et encore. Une manie qui ne pouvait que le faire grincer des dents. Une fois déjà. Son sang bouillonnait à l'idée que l'gamin puisse être gravement blessé par cette bande de moins que rien. "Moins que rien", une expression qu'il ne pensait que rarement, mais son aversion pour la lâcheté prenait peu à peu le dessus. Malheureusement, il ne fut pas assez rapide, l'arme vint s'abattre sur la silhouette de l'adolescent, libérant un épais nuage d'une froideur extrême, le sol gela sur une surface impressionnante, libérant une brume blanche obstruant de nouveau sa vue. Il ne pouvait qu'entendre le bruit de la glace qui se craquelait. Fort heureusement pour Toyo, celle-ci fondait autours de lui à mesure qu'il avançait, du fait de sa température corporelle bien plus élevée que la normale. Il se devait d'être assez rapide. Après tout, il était un héros.

Pourtant, sa course était bien inutile. La fine brume se dissipa rapidement pour ne plus que tapisser le sol. Le jeune homme au pupille étrange était parvenu à esquiver le coup, n'écopant finalement que d'une simple plaie à l'abdomen. Réactif. Fulgurant même, fut ce coup de pied ascendant, projetant « coupe au bol » dans les airs. Toyo se stoppa net, constatant que finalement, il n'aurait pas besoin de lui. Son assaut dans les airs, ces coups successifs,... avec la commotion cérébrale dont il devait déjà ressentir les effets, il ne se relèverait probablement pas. Le corps de la racaille fusa au-dessus de lui, traversant la ruelle dans sa longueur pour finalement atterrir dans celle voisine. Impressionnant, surtout pour âge. Un p'tit gars qui en avait à revendre,... il ne serait pas étonnant qu'il s'agisse en réalité d'un apprenti héros. La force de ses jambes, et la qualité de son art martial en disait long sur le parcours de ce jeune homme.

L'adolescent retomba sur le sol, son corps fléchissant. Son genou toucha le sol. Il semblait essoufflé. Après tout, les efforts qu'ils venaient de produire avait mit son corps à rude épreuve. Le professeur emboîta le pas vers lui, libérant par à coup de la vapeur, à peine perceptible pour réchauffer l'air ambiant et faire fondre la glace ornant le sol. « Pas ma... Arrrgh ». Son corps parti légèrement vers l'avant, une vive douleur assaillant son épaule gauche. Cette sensation... ce n'était pas une brûlure. Comme si quelque chose le rongeait. Un simple regard lui permit de voir ce mucus verdâtre tâché son "deltoïde". De l'acide ?! La goutte de trop. Toyo serrait les dents, conservant tant bien que mal son sourire. Il fit volteface. « Dans l'dos. Toujours dans l'dos ?! C'est dans ton sang la lâcheté ?! » grogna Toyo avant de se laisser tomber en avant. Shindensen. Lorsque son visage fut à quelque centimètre du sol, il s'élança vers l'avant, une explosion de vapeur sous ses pieds, le propulsant en avant à une vitesse fulgurante. L'explosion brisa la glace sur plusieurs mètre, en plus de commencer à faire grandement fondre celle de la ruelle. Le "lâche", surprit d'une telle vitesse recula de quelques pas, tombant à la renverse en trébuchant sur un morceau de bitume irrégulier. Toyo parvint juste au-dessus de lui, le bras en arrière. « Stephenson Rocket ». Son poing, s'abattit alors juste à côté de son visage, libérant une légère pression au moment de l'impact, brisant le sol sur quelques mètres autours d'eux. Le serpent tremblait, blême, il semblait à la limite de perdre connaissance. « Je plaisantais toute à l'heure,... si tu n'veux pas bouffer d'la soupe jusqu'à la fin de tes jours, tu f'rais bien de me prendre au sérieux cette fois ». Son regard brûlait, à même titre que son poing et ses pieds qui fumaient encore. « AAAH,... va falloir que je m'achète de l'eau supplémentaire sur la route » dit-il en se redressant et attrapant la seconde bouteille à sa ceinture. Il en englouti le contenu en quelques secondes, avant de se retourner vers le gamin. Sur le chemin, il se retourna plusieurs fois pour s'assurer de ne pas avoir à subir un autre de ces coups bas.

Arrivé devant l'ado, il lui tendit sa dernière bouteille, dont le plastique devait être chaud... « Boit un coup, tu l'as bien mérité ». De sa poche, il sortit son portable, composant rapidement un numéro. « Ouais, c'est moi. Vapor. J'ai eu une altercation avec des p'tites frappes à Nakano, dans la ruelle derrière l'magasin de kimono. Agression sur mineur et racket. Ah... et prévoit une ambulance, ils ont fait usage de leur alter pour s'en prendre à nous, au moins l'un d'entre eux aura besoin de soins. Hum ? Oui, oui. Nous. J'suis avec l'ado à qui ils ont voulu s'en prendre. Ouais, on t'attend. » Toyo raccrocha, jetant rapidement un œil devant lui. Les deux gros bras qui attendaient dans l'ombre toute à l'heure semblait avoir disparu. Il alla s'adosser au mur de façon en face du garçon, de façon à pouvoir aussi bien observer à droite qu'à gauche. « Hé toi, l'cobra ! Toujours en état d'choc ?... aucune réponse... On va partir du principe que oui, reprit-il alors. Son regard se déposa alors sur celui dont il ne connaissait toujours pas le nom. Un grand sourire se dessina alors sur son visage. C'était impressionnant, j'dois avouer qu'tu m'as cloué avec ton taekwendo ! C'est bien la première fois que j'vois quelqu'un avec une détente pareille ! Dix ? Quinze mètre ? J'étais... Wouaaah ! C'est grâce à ton alter ? Il marqua une légère pause. Si ça te dérange pas, on va attendre la police, on surveille les deux gaillards là, et il faudra ta déposition. Sinon moi, c'est Vapor ». Il ne lui donna son véritable prénom, préférant éviter les possibles "oreilles" indiscrète.     

« Tan... Jiro ? » murmura le professeur, stupéfait. Le nom de l'adolescent résonna quelques instants dans son esprit. Beaucoup de choses lui revinrent subitement, peut-être même trop. C'était donc cela ? Ce sourire naïf et sincère à la fois ? Ce courage, cette détermination, cette boule d'énergie ? Était-ce là la raison pour laquelle Toyo se préoccupait de lui ? Etait-ce parce que depuis le début, l'expression de ce gamin lui avait rappelé celui de son propre fils. Ce visage autrefois empli d'énergie et de dynamisme, et aujourd'hui froid et inerte… Jiro. A la prononciation de son nom, son visage se raidit et son sourire s'estompa. Il aurait aimé pouvoir prendre sur lui et ne pas laisser paraître cette faille, mais il en était incapable. Si leurs chemins s'étaient croisés ce n'était que parce que Toyo se rendait, comme chaque jours, au chevet de Jiro. Il habitait ses pensées, chaque instant. Est-ce que lorsqu'il franchirait la porte de sa chambre, il aurait le droit à cette même expression sur son visage ? Reprends toi Toyo. Reprends toi, car ce gosse à des craintes. Il a besoin d'être soutenu.

Oui. Tanjiro se présenta comme étant un élève de Daiki, l'une des quatre Académie Héroïque depuis la Trahison. Une école dont le professeur ne pouvait que partager les idéaux et valeurs, la persévérance et la détermination en étant les principales. Un première année. Seulement ? Beaucoup de débutant comme lui n'aurait pas eu le courage ou le cran de vouloir défendre un civil tout en étant en infériorité numérique. De la bravoure, mais aussi de l'insouciance. Néanmoins, les quelques échanges de coup auxquels Toyo avaient pu assister, suffisaient à comprendre le potentiel du première année. Ce garçon en avait à revendre,... mais il doutait aussi, se remettant en question. Des craintes. Celle de l'échec. En effet, la ferveur avec laquelle il s'était jeté dans le combat, ne prenant pas en compte son environnement et en sous-estimant la puissance de son Alter, aurait pu causer bien des torts... et pas seulement aux quatre voyous. Quelques secondes après que Tanjiro ait regardé les dégâts qu'il avait causé, Toyo fit de même. Le mur, la route. Il s'accroupit pour se mettre à hauteur du jeune garçon, continuant de l'écouter, sans répondre. Il voulait bien faire. Personne ne pouvait le blâmer pour cela, au contraire. Il avait eu le réflexe de tout héros : vouloir défendre et mettre en sécurité un citoyen. Vapor ne connaissait que trop bien ce genre de mécanisme spontané. Il était pareil. Incapable de laisser quelqu'un dans une situation délicate ou dangereuse. C'était d'ailleurs là, la raison pour laquelle il était intervenu. A aucun moment, dans cette rue, il n'avait prit le temps de réfléchir sur cette décision. Elle avait été automatique.

"JE SUIS DÉSOLÉ M'SIEUR VAPOR, J'SUIS ENCORE LOIN D'ÊTRE UN HÉROS.". Cette posture, cette scène. Il eut l'impression de revoir l'une des nombreuses fois où lui-même s'était excusé auprès de son "père" ou de ses professeurs pour ses échecs et ses bêtises de l'époque. Toyo souffla. Pas par agacement, au contraire, il affichait un doux sourire, allant jusqu'à poser sa main sur l'épaule droite de Tanjiro. « On fait tous des erreurs. Nous les premiers, les héros ! Personne ne peut toujours tout maîtriser ! C'est de ses erreurs que l'on apprend le plus. » Il jeta un regard au corps toujours inanimé des deux racailles, guettant une possible fuite. « Si j'ai été blessé, ce n'est que de ma faute. J'ai voulu croire que ce type n'était pas loyal que ça envers l'autre gars. J'ai baissé ma garde un instant, et paf. J'm'en remettrai... Puis ne te rentres pas dans le crâne des "si vous aviez été un civil". Je n'en suis pas un. Un civil n'aurait certainement pas réagi de la même façon ! Tu peux me croire, qu'à la seconde où tu m'as crié de courir, il aurait décampé. » Toyo lâcha son épaule, basculant en arrière pour s'asseoir en tailleur face à lui. « Alors oui... tu t'es quelque peu emporté. T'as quasiment enfoncé un mur en te servant de coupe au bol comme bélier et tu as pas mal abîmé l'bitûme. Sans compter que le souffle de ton assaut aurait très certainement balayé le civil, au même titre que les deux fuyards. Dans les faits, tu t'es un peu éloigné des Règles n°2 et 3 des principes d'intervention d'un héros. Ne pas mettre en danger un citoyen et sauvegarder autant que possible l'environnement. » Toyo essayait d'être le plus pédagogue possible. Rien dans ses propos ne sonnait comme un reproche. Ce n'était pas un sermons. Au contraire, il était calme, sa voix se voulait rassurante. « Si tout avait été parfait. A quoi bon vous apprendre tout ça ! On est tous passé par là ! Le plus important c'est que tu n'es rien, et que cela se finisse bien. Aucun civil n'a été blessé. Donc... J'dirai pas que c'est un échec ! C'est même plutôt une p'tite victoire ! Perfectible cependant. Néanmoins, tu as permis l'arrestation de deux racketteurs qui juste avant toi, s'en était pris à trois gosses qui avaient cinq à six ans de moins que toi. C'est d'ailleurs pour ça que j'me suis aventuré ici. C'est pas rien pour un apprenti-héros ! Tu peux être fier de toi. Si tu avais été un d'mes élèves, je l'aurai été. »

Il marqua une courte pause en entendant les sirènes et en voyant la réverbération des gyrophares de l'ambulance au bout de la rue. Le prof se releva, avant de se mettre en marche vers les nouveaux intervenants. A un mètre de Tanjiro, il se stoppa net, se retourna et reprit : « Ouais, j'aurai été fier. Pas tant de tes prouesses martiales ou de l'arrestation... mais plutôt de ce que tu as eu le courage de dire et d'admettre. Avoir conscience des conséquences de ses actes, tout le monde n'en est pas capable. Il te reste énormément de choses à apprendre, à voir. Des expériences à vivre. Mais... J'dois te dire que tu as tort prétendant être loin d'être un héros. Il leva les mains en l'air pour s'étirer, un filet de vapeur s'échappant de son épaule nue - à cause de l'acide -. Son corps s'était enfin refroidi. Tu ne te sens peut-être pas héros là-dedans, reprit-il en pointant sa tête de son doigt, mais de ce que j'ai vu et entendu, j'peux te dire que tu es déjà un sacré héros Tanjiro, ici... » Son doigt descendit de sa tête à sa poitrine, pointant alors son cœur. Il souriait. Un sourire large, radieux. L'héroïsme n'était pas une lubie de l'esprit. Il n'était pas non plus dicté par des commandements et des règles. Pas aux yeux de Toyo. Le véritable héroïsme était une question d'âme. Être capable de mettre cette dernière au service d'autrui pour le bien. De s'investir corps et âme dans la bataille du bien contre le mal pour faire basculer l'avenir vers quelque chose de rayonnant et paisible. Ce gamin avait encore énormément de chose à apprendre, mais au fond de son regard, Toyo avait aperçu cette étincelle, celle capable d'allumer un brasier. Il en était persuadé, ce gosse était très certainement capable du sacrifice ultime pour parvenir à sauver quelqu'un. Raison pour laquelle il se devait de le motiver. De le féliciter. De tirer du bon de cette histoire, de lui montrer qu'un "échec" - si tant est que s'en soit un - n'est qu'une passerelle pour aller bien plus haut. « Aller l'taekwondoïste, on va attendre là-bas... les passants vont se demander c'que fout un type KO au beau milieu d'la rue. Pense à renfiler un t-shirt quand même. L'ambulance va pas tarder et j'voudrai que tu t'fasses examiner, juste par précaution. Pendant ce temps là, tu vas m'expliquer ce que tu faisais dans ce genre de quartier malfamé et surtout pourquoi tu déboulais si vite avec ton vélo... ça pour le coup s'était dangereux... » conclu-t-il en retroussant ses manches, et en effaçant son sourire.

Il n'avait pas oublié la fusée qu'il avait entraperçue quelques minutes plus tôt. Toyo n'en avait pas fini avec lui. Sa curiosité avait été piqué.